PIMCO prudent sur le crédit d’entreprise

Salima Barragan

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Le crédit va-t-il répliquer les fluctuations de la dette souveraine?  Les réponses de Nicola Mai de PIMCO.

Avec 1’740 milliards de dollars d’actifs sous gestion, PIMCO reste l’un des plus grands gestionnaires obligataires de tous les temps. La société californienne a suivi de près les fluctuations exceptionnelles des rendements de la dette gouvernementale, notamment sur les taux courts, enregistrées en mars. La volatilité moyenne des taux américains de 2,25%, similaire à celle qui suivit la faillite de Lehman Brothers en 2008, pourrait-elle être un avant-goût de ce qui nous attend? Pour le second trimestre, PIMCO investit dans le marché monétaire, les bons gouvernementaux de maturités longues ainsi que les titres adossés à des créances hypothécaires d'agences américaines. Le gestionnaire reste cependant prudent sur le crédit d’entreprise. Entretien avec Nicola Mai, gestionnaire de portefeuille et analyste du crédit souverain.

Comment expliquez-vous la volatilité exceptionnelle des rendements de la dette gouvernementale, aux Etats-Unis mais également en Europe et en Suisse?

Cette période de volatilité provient d’une inflation plus élevée qu’auparavant, combinée à des incertitudes de marché. Cependant, nous avons déjà absorbé la majeure partie de la hausse des taux, ce qui signifie que la volatilité sera plus basse. Les banques centrales n’ont pas encore gagné leur combat contre le renchérissement, mais les préoccupations sur les tensions des prix devraient s’atténuer.

Pourquoi pensez-vous que l’inflation va baisser en Europe?

Eurostat indique que l'inflation de base de la zone euro a atteint en mars un niveau record de 5,7%. Une partie de cette hausse reflète les catégories de prix qui sont affectées par les conditions de l'offre mondiale, mais qui vont probablement s’atténuer même si l'économie résiste. Pour que l'inflation revienne à l'objectif de 2% de la Banque centrale européenne (BCE), un certain refroidissement de l'économie et du marché du travail sera nécessaire. Supposons que la croissance des salaires passe de son niveau actuel de 3% à 4-4,5%, ce qui constitue une attente raisonnable compte tenu des récents accords salariaux. La croissance tendancielle de la productivité d'environ 1% impliquerait que l’augmentation des coûts unitaires de main-d'œuvre pourrait s'établir autour 3% à 3,5%.

Les obligations à plus long terme ont la capacité à générer un rendement total grâce à l'appréciation des prix si les rendements baissent davantage, comme cela s'est produit lors des précédentes récessions.
Dans ce contexte, l’ECB pourrait-elle bientôt arriver à la fin de son programme de rachat d’obligations, comme elle l’a indiqué?

La désinflation en Europe est à la traîne en raison d'une forte augmentation des prix du gaz dans le passé qui s'est répercutée sur d'autres prix, d'une monnaie plus faible et d'une réouverture économique retardée. Cela signifie que la BCE augmentera probablement encore ses taux et les maintiendra à ce niveau plus longtemps que prévu. La BCE a également fait un pas en arrière dans son programme de rachat : elle ne réinvestit plus que 50% environ des obligations arrivant à échéance. Nous pensons que la BCE continuera à réduire prudemment son taux de réinvestissement et qu'elle arrêtera peut-être vers le milieu de l'année.

Comment la courbe des taux de la zone euro va-t-elle évoluer?

Nous voyons des opportunités dans la partie pentue de la courbe en termes de duration, tant en Europe qu'aux États-Unis, par exemple dans le Bund allemand. La duration offre également une protection en cas de récession. En Europe, nous restons prudents sur le segment à 2 ans du marché des Bunds allemands, car la BCE n'a pas achevé son resserrement monétaire et pourrait relever ses taux un peu plus que ne le pense le marché. Un taux directeur final de 3,5% à 4% me semble raisonnable.

La volatilité inédite du mois de mars pourrait-elle être un avant-goût de ce qui nous attend?

Probablement oui, dans les segments du crédit les plus sensibles aux aléas économiques. À ce titre, nous préférons l'exposition aux indices via des dérivés aux positions individuelles à des émetteurs. Nous cherchons à limiter notre exposition aux secteurs vulnérables à des taux d'intérêt plus élevés et préférons à la place les produits structurés et titrisés adossés à des actifs de garantie. De même, les récentes tensions dans le secteur bancaire ont renforcé notre approche prudente à l'égard du crédit d'entreprise, en particulier dans les segments les moins bien notés.

Dans quels actifs investissez-vous?

Nous voyons des opportunités attrayantes dans la dette à court terme – le money-market – compte tenu des rendements plus élevés du début de la courbe. Les liquidités ne sont pas soumises à la même volatilité que les autres actifs obligataires. Cependant, les obligations à plus long terme ont la capacité à générer un rendement total grâce à l'appréciation des prix si les rendements baissent davantage, comme cela s'est produit lors des précédentes récessions. Enfin, les titres adossés à des créances hypothécaires d'agences américaines restent attractifs, en particulier après que les récents mouvements des spreads.

Quid des actifs du secteur financier?

La baisse des actions privilégiées et des titres de fonds propres bancaires rend certaines dettes bancaires seniors attrayantes. Le choc sur le marché AT1 pourrait contribuer à créer des opportunités chez les émetteurs les plus solides, en particulier si les régulateurs européens peuvent prendre des mesures concrètes pour différencier le marché de la zone euro et du Royaume-Uni du marché suisse.

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