Pas de récession à l’horizon

Salima Barragan

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Alejandra Grindal de Ned Davis Research anticipe une progression du PIB de 2,7% en Europe.

Flambée des matières premières et guerre en Ukraine obligent, les experts ont unanimement réduit leurs prévisions conjoncturelles en Europe en raison de la dépendance énergétique à la Russie. Mais la bonne nouvelle, c’est que le continent devrait éviter une récession, selon Ned Davis Research qui s’attend à une amélioration du PIB de 2,7% pour 2022 (contre 4% auparavant). Entretien avec l’économiste en chef Alejandra Grindal.

Vous avez réduit vos projections de croissance en raison de la dépendance de l'Europe vis-à-vis de l'énergie russe. Dans votre scénario, quelle évolution du conflit escomptez-vous?

Aucun expert géopolitique n’a vraiment réussi à anticiper la progression de la crise. Le conflit a un effet significatif sur l'économie de la zone euro par rapport à d'autres parties du monde développé. En conséquence, nous réduisons notre estimation de la croissance du PIB pour la zone euro à 2,7 %, contre 4,0 % précédemment. Nos prévisions se basent sur les liens financiers entre la Russie et l’Europe ainsi que sur la dépendance énergétique prépondérante entre ces deux zones. Environ trois quarts des importations totales de l'UE sont en provenance de la Russie. Cela explique en partie l'hésitation de la région à soutenir un embargo énergétique complet contre cette dernière. Par ailleurs, notre scénario actuel a réduit – mais dans une moindre mesure - les anticipations conjoncturelles aux États-Unis et en Asie, car l’Europe est plus sensible que les pays du G7 à un pétrole plus onéreux.

L'épargne brute des ménages depuis le début de la pandémie est de 45% supérieure à la moyenne de 2019.
Pourquoi l'Europe a-t-elle continué à maintenir une si grande dépendance à l'égard de l'énergie russe malgré tant de risques?

Peut-être l'Europe – et plus particulièrement l'Allemagne, qui dépend beaucoup plus de l'énergie russe que d'autres – a estimé que des liens économiques forts entre l'UE et la Russie permettraient d'éviter les affrontements. En effet, la philosophie en toile de fond de la formation de l'UE, (initialement Communauté européenne du charbon et de l'acier après la Seconde Guerre mondiale) est que de solides relations économiques empêcheraient les conflits futurs. Cela a peut-être fonctionné dans l'UE, mais le président Poutine a utilisé cette approche à son avantage…

Pour quelle raison l’Europe échappera-t-elle à une récession?

Pour l’instant, nous n’observons aucun signal de récession et les indicateurs sont plutôt en bonne voie. Notez que nous venons d’un point de départ de 4% qui est relativement confortable dans un contexte de reprise du COVID-19 et d’un taux d’épargne bien plus important que dans les années 1990. En effet, l'épargne brute des ménages depuis le début de la pandémie est de 45% supérieure à la moyenne de 2019. Le marché du travail est en forte reprise et le taux de participation est revenu à des niveaux pré-covid.

Qu’attendez-vous de la politique monétaire de la BCE?

L’institut qui est en train de prendre la voie de la normalisation, emboite le pas au Royaume-Uni, aux États-Unis et au Canada. Malgré les risques persistants, nous pensons que la BCE se dirige vers un resserrement de sa politique qui conduira à un premier relèvement des taux vraisemblablement au quatrième trimestre de cette année.

Quelle est votre allocation européenne?

Nous étions déjà neutres sur le marché européen avant la crise ukrainienne, car nous nous attendions à une année difficile et à des vents contraires en raison de l’inflation, des ruptures de chaines d’approvisionnement et du durcissement de la politique monétaire. Nous pourrions peut-être voir un rebond à court terme mené par la volatilité, mais nous restons défensifs avec une préférence pour les secteurs de la santé, de la consommation courante et des fournisseurs d’énergie. De même, nous favorisons le style value et non de croissance.