Obligations: changement tectonique des équilibres

Yves Hulmann

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Le point avec Hayden Briscoe d'UBS sur l’inclusion des emprunts domestiques chinois dans le Bloomberg Barclays Global Aggregate Index.

Alors que le président de la Confédération helvétique, Ueli Maurer, effectue une visite d’Etat en Chine cette semaine, l’attention des investisseurs se concentre depuis quelques mois sur une autre évolution en profondeur en lien avec l’empire du Milieu. La Chine se rapproche toujours plus du Japon, le deuxième marché obligataire mondial, derrière les Etats-Unis. L’inclusion, début avril, des obligations domestiques chinoises au sein du Bloomberg Barclays Global Aggregate Index, l’un des principaux indices obligataires mondiaux, contribue à accélérer le mouvement, d’autant plus que d’autres fournisseurs d’indice comme FTSE et JP Morgan vont certainement lui emboîter le pas. Le point avec Hayden Briscoe, responsable des produits à revenu fixe («Head of Fixed Income») pour l’Asie Pacifique chez UBS Asset Management.

Vous qualifiez l’inclusion des obligations domestiques chinoises dans le Bloomberg Barclays Global Aggregate Index depuis début avril comme une étape majeure sur les marchés des capitaux internationaux. Pourquoi?

L’intégration des obligations domestiques chinoises, à savoir des emprunts du gouvernement et des titres appelés «Policy Bank», au sein du Bloomberg Barclays Global Aggregate Index représente un changement tectonique des équilibres sur les marchés financiers internationaux. A partir d’un poids de l’ordre de 6% actuellement pour ces emprunts domestiques – qui n’inclut même pas encore d’autres catégories de titres comme la dette d’entreprise – nous anticipons que cette part grimpe rapidement ces prochaines années. En y ajoutant plus tard les obligations d’entreprises («corporate debt»), la part des emprunts chinois dans l’indice augmentera aux environs de 10%. A plus long terme, d’ici cinq ans environ, les obligations chinoises devraient représenter entre 20 à 25% du marché mondial des emprunts.

Les gérants indiciels américains sous-estiment à quel point le poids
de cette région du monde affectera les marchés obligataires.
En termes de volumes d’émission, les obligations chinoises se placent actuellement en troisième position sur le plan mondial, loin derrière les Etats-Unis mais tout près du Japon – quand les emprunts chinois passeront ils à la deuxième position?

Je pense qu’on est déjà relativement proche de ce moment. Cela va se produire beaucoup plus vite que ce que beaucoup de gens imaginaient il y a quelques années seulement.

Durant la phase d’inclusion des obligations chinoises dans le Bloomberg Barclays Global Aggregate Index, UBS estime entre 250 et 500 milliards de dollars les montants qui vont être alloués aux emprunts chinois, et cela de manière même purement passive. L’effet de l’inclusion des emprunts chinois dans l’indice depuis début avril est-il déjà perceptible?

C’est un processus qui prend beaucoup de temps pour deux raisons. D’une part, il s’agit d’un déploiement graduel qui s’étendra sur une période de vingt mois. D’autre part, on a aussi pu observer – avec un certain étonnement – que les gérants indiciels américains n’étaient pas vraiment préparés à ce changement. Ils ne disposent souvent pas encore des capacités de recherche nécessaires dans ce domaine. Et ils sous-estiment à quel point le poids de cette région du monde affectera les marchés obligataires.

Les obligations gouvernementales chinoises présentent une faible
corrélation avec les grands indices obligataires globaux agrégés.
Vous soulignez la corrélation relativement faible des emprunts locaux chinois avec d’autres catégories de titres à revenu fixe. Quelles sont les caractéristiques, par exemple en termes de rendement ou de duration, des emprunts chinois par rapport aux indices obligataires globaux existants?

Effectivement, les obligations gouvernementales chinoises présentent une faible corrélation avec les grands indices obligataires globaux agrégés. Dans certains cas, cette corrélation est même négative. Il a été calculé que la duration moyenne des obligations gouvernementales chinoises et des «Policy Bank» était de 5,5 ans avec un rendement de 3,2% – cela comparé à une duration de près de 7 ans et à un rendement (non couvert) de 1,9% pour le Bloomberg Barclays Global Aggregate Index à fin janvier dernier. En d’autres termes, l’inclusion des obligations domestiques chinoises dans cet indice contribue à diversifier les risques pour les investisseurs, tout en offrant un rendement potentiel additionnel et une corrélation relativement faible avec d’autres produits à revenu fixe. Ces caractéristiques sont un atout en cas de survenance d’un événement déstabilisateur sur les marchés.

Faut-il assimiler les obligations domestiques chinoises à des emprunts des marchés émergents ou à des titres des pays développés?

On peut observer qu’elles se comportent exactement comme les bons du Trésor américain. Durant les phases de forte augmentation de la volatilité sur les marchés, mesurée typiquement par l’indice VIX, les rendements des obligations gouvernementales chinoises ont reculé, ce qui signifie que les investisseurs considèrent cette catégorie d’actifs comme des valeurs refuge.

Il est beaucoup question de l’essor des obligations vertes actuellement. Qu’en est-il en Chine?

La Chine est déjà le premier émetteur d’obligations vertes actuellement et les emprunts de ce type ne vont qu’aller en augmentant. Pour autant, il s’agit d’une catégorie spécifique de titres qui ne sont pas nécessairement inclus dans les indices globaux standards.