Objectif: premier quartile

Nicolette de Joncaire

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«La gestion active doit viser l’excellence», déclare Alfredo Piacentini de Decalia.

 

Avec des taux encore faibles en Suisse et en Europe, générer de la performance est un défi. Pour y faire face, le groupe Decalia s’est résolument tourné vers des produits décorrélés et vers l’investissement thématique. Entretien avec Alfredo Piacentini, Managing Partner.

Pourquoi vous positionner si différemment de l’ensemble des autres gestionnaires?

Parce que l’approche classique des actions et des obligations ne génère plus de rendements suffisants. Les actions sont à la fois volatiles et trop chères sur certains secteurs. Les rendements des obligations sont infimes si on vise la qualité. Il est indispensable de diversifier vers une liquidité inférieure – private equity, private debt –, même si cela exige une plus grande sophistication et ne convient pas à tous les investisseurs.

L’économie circulaire est un autre trend
très porteur à notre sens.

Nous nous sommes aussi tournés vers les placements thématiques qui permettent de concentrer l’investissement autour de secteurs bénéficiant de tendances séculaires. Les changements de comportement des consommateurs en font partie, qu’il s’agisse de celui des Millennials, une génération qui échappe aux codes établis, ou de la portion vieillissante de la population. L’économie circulaire est un autre trend très porteur à notre sens. Eviter le gaspillage, réutiliser au maximum ce qui peut l’être, sont des moyens puissants de réduire le recours à des ressources naturelles limitées et à la production de déchets: un modèle commercial et d’investissement à suivre.

Quel type de gérant faut-il pour innover ainsi?

Plutôt des techniciens. Les clients viennent chez nous chercher une approche différente de celles plus traditionnelles proposées ailleurs. Nous essayons donc d’identifier des talents exceptionnels qui peuvent être internalisés ou auxquels nous confions des mandats externes dont nous ferons éventuellement des produits-maison. Sur la dette privée, par exemple, Decalia a confié la gestion à une société londonienne et assure la distribution, tout en étant présente au conseil d’administration.

Comment votre activité est-elle structurée?

L’ensemble de nos actifs sous gestion se monte à environ 3,5 milliards de francs, répartis à peu près à égalité entre clientèle privée et clientèle institutionnelle. Avec 1,4 milliards de francs, le private banking représente une part importante de nos activités. L’asset management se partage entre fonds traditionnels UCITS long only et produits spéciaux. Notre croissance est soutenue mais nous vivons dans un monde de plus en plus compétitif doté d’un cadre législatif relativement rigide.

En Suisse, vous étoffez vos équipes.

Nous avons effectivement étoffé notre équipe de distribution en Suisse romande et le ferons en Suisse alémanique. Nous cherchons aussi des ressources pour nos fonds thématiques. Et nous aimerions identifier de nouveaux gérants privés.

Comment faites-vous pour les attirer?

C’est une combinaison de facteurs qui fait la différence. Tout d’abord, la technicité de notre gestion et les résultats que nous obtenons plaisent à leurs clients, et c’est là l’essentiel. Comme de nombreux gérants indépendants, nous avons une dimension humaine et une structure plate qui séduisent les gérants issus de banques souvent devenues très lourdes d’un point de vue administratif. Là où nous avons peut-être un avantage, c’est que notre projet entrepreneurial est très crédible et tourné vers l’avenir. Notre modèle permet aussi aux talents d’accéder au capital.

L’un des facteurs de notre succès vient de ce que
nous cherchons d’abord des solutions pour nous-mêmes.
Pourquoi avoir ouvert une antenne en Italie?

Nous voulions disposer d’une base en Europe et nos affinités nous y ont naturellement conduits car plusieurs membres du conseil d’administration – dont moi-même – en sont originaires. C’est un pays d’une grande richesse et un marché majeur pour la distribution de fonds de placement où, par ailleurs, nous avons trouvé une équipe extrêmement compétente. Je suis évidemment préoccupé du pli pris par la politique italienne mais cela n’a, pour l’instant, que peu d’impact sur notre métier. Nous resterons toutefois attentifs.

D’où vient votre succès?

L’un des facteurs de notre succès vient de ce que nous cherchons d’abord des solutions pour nous-mêmes et, qu’une fois éprouvées, nous les proposons à notre clientèle. Cet alignement de nos intérêts avec les leurs est très apprécié de nos clients.

L’essor de la gestion passive vous fait-il peur?

Contrairement à certains de mes confrères, je ne suis pas particulièrement atterré. La préférence des investisseurs oscille entre gestion passive et gestion active en fonction du comportement des marchés et j’observe un mouvement pendulaire. Par définition, la gestion passive n’est pas prévisionnelle et je serai curieux de voir ce qui va se passer lorsque nous devrons affronter une vraie crise. Construire un portefeuille sur la taille des capitalisations et vendre lorsque les marchés baissent n’est pas notre philosophie. Certes, dans un contexte de taux négatifs, la sensibilité aux coûts est plus forte, ce qui constitue un handicap pour la gestion active dont les frais nécessaires sont plus visibles.

L’ubérisation de la gestion a du bon en termes de transparence et de concurrence mais espérer faire gérer son patrimoine à coût zéro est illusoire. Même PostFinance a introduit des frais sur des prestations jusqu’ici gratuites! Pour des acteurs comme nous, compte tenu de notre taille et de nos méthodes, la gestion passive n’est pas vraiment concurrente. Notre clientèle-cible est, par essence, non indicielle et privilégie des idées originales. Nous ne pouvons pas nous battre avec les géants de la gestion passive et n’en avons pas l’intention. Notre objectif, c’est l’excellence: le premier quartile, un but que la gestion indicielle n’atteint pas.

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