«Game of Threats»

Sandro Occhilupo, Decalia Asset Management

2 minutes de lecture

Des dirigeants imprévisibles (re)mettent le projecteur sur le risque géopolitique. Ces événements n’ont qu’un impact limité sur les marchés.

Aujourd’hui, si l'on considère ces dirigeants autoritaires plus grands que nature que sont Trump, Poutine, Xi ou Jong-un, avec leurs luttes de pouvoir motivées par un ego démesuré, leur réseau d'alliances en constante mutation et leurs coups de théâtre imprévisibles, on a de bonnes raisons de croire que le monde s'est transformé en une série d’heroic fantasy à la «Game of Thrones». Cette situation a ranimé le «spectre» du risque géopolitique sur les marchés financiers mondiaux, rendant les investisseurs de plus en plus nerveux à la perspective d’une aggravation des crises et du risque de guerres commerciales.

«La plupart des conflits ne sont en réalité qu’une guerre des mots,
dont l’escalade verbale est rarement suivie d'actions significatives.»

Certes, la menace de Daenerys: «Rejetez-nous et nous vous brûlerons d’abord» semble un peu exagérée dans le contexte actuel, mais il faut bien admettre que, compte tenu du casting susmentionné, le risque de voir un conflit mineur escalader de façon disproportionnée ne peut être totalement exclu. Ceci dit, l'Histoire récente nous montre que la plupart des conflits ne sont en réalité qu’une guerre des mots, dont l’escalade verbale est rarement suivie d'actions significatives. Car ces fiers protagonistes font en général machine arrière, leur honneur sain et sauf après avoir trouvé des solutions «gagnant-gagnant» négociées de part et d'autre.

En l’occurrence, le point essentiel est que, bien qu’ils provoquent une plus grande nervosité et une volatilité accrue des marchés, les événements géopolitiques de ce type fournissent souvent de bons points d’entrée pour les investisseurs à long terme.

Plusieurs rapports (p. ex. l'étude de Credit Suisse en 2016 sur les grands événements géopolitiques des 100+ dernières années et l’enquête de Charles Schwab en 2017 portant sur 37 développements similaires depuis 1980) ont montré que de tels événements ont en fin de compte créé davantage d’agitation à court terme que d'impact durable sur les marchés. En effet, non seulement les actions n'ont pas toujours baissé suite à de tels incidents, mais lorsqu'elles ont chuté, leur repli s’est généralement limité à 3% et n'a pas dépassé 7 jours. En conséquence, c’est sans grande surprise que la récente réponse militaire de Trump en Syrie n'a pas trop perturbé les marchés.

«Les ventes effectuées sous l‘effet de la panique après de mauvaises nouvelles
géopolitiques se sont rarement révélées judicieuses:»

De plus, les récentes inquiétudes sur le risque d'une guerre commerciale avec la Chine se sont rapidement dissipées, les investisseurs ayant réalisé que des négociations suivraient probablement les premières déclarations hostiles. Même des événements majeurs, tels que l'assassinat de l'archiduc Ferdinand (1914), la crise des missiles cubains (1962), l'invasion de l'Irak (2003) et les attentats terroristes du 11 septembre 2001 ont entraîné une chute initiale des marchés d'environ 10%, qui a été récupérée en l'espace d'un mois environ. A plus long terme, nous nous souvenons également de la forte performance des marchés boursiers pendant l'ère protectionniste de Reagan dans les années 1980.

En d'autres termes, alors que la plupart de ces événements sont imprévisibles par nature, la réaction des marchés boursiers tend souvent à l’être bien plus, toutes choses étant égales par ailleurs. Cette observation, conjuguée à la vigueur actuelle de l'économie mondiale et de la croissance des bénéfices, nous permet de rester optimistes sur les actifs risqués dans la perspective d'autres bouleversements géopolitiques potentiels (p. ex. l'ALENA). En effet, ces risques sont – et ont toujours été – un élément inhérent et inévitable de l'investissement.

Pour les investisseurs en actions à long terme, en particulier, les ventes effectuées sous l‘effet de la panique après de mauvaises nouvelles géopolitiques se sont rarement révélées judicieuses. Bien au contraire, les reculs initiaux indiscriminés du marché offrent souvent une occasion unique d’acheter des actions de haute qualité à des niveaux plus attrayants. Par conséquent, contrairement à «Game of Thrones», nous ne croyons pas que «l'hiver approche» déjà pour les investisseurs en actions et nous vous recommandons donc de rester patients et sélectifs, tout en restant attentifs aux bonnes affaires.

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