Naissance du Taurus Digital Exchange

Nicolette de Joncaire

3 minutes de lecture

La première place de marché pour actifs digitaux approuvée par la Finma ouvrira début mai. Entretien avec Lamine Brahimi de Taurus.

De gauche à droite, Lamine Brahimi, Oren-Olivier Puder, Sebastien Dessimoz, Jean-Philippe Aumasson.

La Suisse ne compte pas loin de 600’000 entreprises dont, d’après l’Office fédéral de la statistique, plus de 1'500 grandes entreprises et près de 10'000 entreprises de taille moyenne1. Et pourtant, moins de 250 sociétés sont cotées à la bourse suisse. Appliquée depuis le 1er février, la loi DLT permet dorénavant que les actifs digitaux, inscrits dans des registres distribués infalsifiables, soient reconnus au même titre que les actifs financiers traditionnels. Ce pas de géant permettra aux émetteurs de s'adresser directement aux investisseurs, «sans qu'un intermédiaire financier doive nécessairement porter la responsabilité juridique ou réputationnelle de la transaction»2. Ce qui signifie que les entreprises, si petites soient elles, pourront lever des capitaux sans passer par les registres centralisés tenus par les banques et les dépositaires centraux. Encore fallait-il qu’une place de marché existe pour les transactions correspondantes. Ce sera bientôt chose faite. Taurus annonce aujourd’hui l’ouverture de la première place de marché pour actifs digitaux approuvée par la Finma. Après Taurus-Trade, Taurus-Invest et Taurus-Protect, le groupe lance le Taurus Digital Exchange (TDX). Entretien avec Lamine Brahimi, cofondateur de Taurus.

Le Taurus Digital Exchange (TDX) est-il la première place de marché de ce type?

TDX est la première place de marché pour actifs digitaux qui fonctionne dès à présent et qui a été approuvée par le régulateur. Taurus a en effet obtenu une licence de maison de titres de l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (Finma).

«La nouvelle loi DLT a créé un régime juridique explicite
permettant d’associer des titres à des jetons numériques.»
L’ouverture du TDX a-t-elle été rendue possible (ou facilitée) par la mise en œuvre de la nouvelle loi DLT?

Tout à fait. La nouvelle loi DLT, entrée en vigueur le 1er février, a créé un régime juridique explicite permettant d’associer des titres à des jetons numériques. C'était une étape primordiale pour pouvoir lancer TDX dans un cadre juridique clair et précis.

Quels seront les actifs échangés sur le TDX?

TDX permet aux investisseurs, et notamment aux banques, de négocier une grande variété d'actifs: des actions tokenisées, des actifs privés, des biens immobiliers, de l'art, des jetons numériques (NFT) ou encore des crypto-monnaies.

Sur quels principes et quelle technologie se fonde le TDX?

100% de l’infrastructure blockchain sur laquelle repose TDX utilise la technologie que nous avons développée et déjà déployée auprès d’une grande variété d’acteurs financiers ces quatre dernières années. Aujourd’hui, près d’une banque suisse sur deux, active dans le secteur des actifs digitaux, utilise la technologie de Taurus.

De quelle manière cette technologie garantit-elle l’intégrité des transactions?

L'intégrité des transactions est garantie sur TDX en combinant notre technologie blockchain éprouvée auprès d’institutions financières sophistiquées et de processus audités par des cabinets ‘big four’. La plateforme a également des outils classiques de surveillance des activités de trading, similaires à ceux utilisés par certaines bourses.

Quels sont les différents modes sur lesquels les participants pourront-ils accéder aux marchés (livre d’ordres, enchères, etc.)?

TDX offre plusieurs modes d'accès à ses participants, allant des «central limit order books» pour les instruments liquides, aux enchères ou «request for quotes» pour les instruments moins liquides.

Quelle est la clientèle visée par le TDX?

La clientèle visée est institutionnelle et professionnelle, avec une priorité pour les banques qui sont nos partenaires historiques. Un grand nombre de ces dernières nous ont fait part de leur besoin d’avoir accès à une plateforme réglementée et indépendante pour le marché secondaire de titres tokenisés.

Le TDX joue-t-il aussi le rôle de chambre de compensation?

TDX n’est pas une bourse et n’a pas vocation à le devenir. La notion de chambre de compensation n’est donc pas pertinente.

«Des émissions de titres de taille moyenne
(entre 10 et 50 millions de francs) peuvent à présent être envisagées.»
De quelle manière le TDX va-t-il faciliter l’accès aux capitaux des entreprises de taille petite et moyenne?

Il existe près de 27 millions d'entreprises en Europe, dont seulement 10’000 (0,04%) sont cotées en bourse. Le trading d’un grand nombre de leurs actions est désormais possible, et ce indépendamment des dépositaires centraux de titres. Il sera beaucoup plus facile pour ces entreprises de lever des capitaux via le marché financier. Cela représente de nouvelles alternatives pour financer leurs opérations, au-delà de la mobilisation de capitaux privés ou d’une éventuelle entrée en bourse. Des émissions de titres de taille moyenne (entre 10 et 50 millions de francs) peuvent à présent être envisagées.

De quelle manière le TDX va-t-il faciliter l’accès aux capitaux de classe d’actifs jusqu’ici peu liquides comme l’immobilier ou l’art?

Avec la nouvelle loi DLT en vigueur en Suisse, les propriétaires d’actifs réels peuvent à présent numériser ou «tokeniser» certains de leurs actifs. La réglementation a ouvert de nouvelles possibilités. TDX apporte le dernier maillon de la chaîne, c’est-à-dire une place de marché secondaire pour les émetteurs et investisseurs.

Combien le TDX compte-t-il de participants? Pour une capitalisation de quel ordre de grandeur?

TDX sera lancé progressivement à partir du 10 mai. Nous avons déjà commencé à intégrer un certain nombre de participants, dont des acteurs suisses majeurs, notamment des banques telles que Arab Bank Switzerland, Hypothekarbank Lenzburg, Flow Bank ou Seba ainsi que des entreprises comme Alaia Bay (plus important spot de surf d’Europe), Audacia (e-commerce), Investis Group (immobilier) ou Stoneweg (immobilier).

Quelles sont vos ambitions à plus long terme?

Suite à notre série A à 8 chiffres du printemps 2020, nous avons consolidé notre place de leader de marché en Suisse. Nous travaillons avec tout le spectre de banques: banques systémiques, banques en ligne, banques cantonales, banques privées, banques crypto et banques d’affaires. Nous avons aussi commencé notre expansion à l'international. Nous avons de beaux projets en cours à l’étranger avec des clients potentiels. Et nous comptons nous développer rapidement sur les grandes places financières en Europe et en Asie, via notamment l’ouverture de nouveaux bureaux.

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