Miser sur les gaz verts

Anna Aznaour

3 minutes de lecture

ENGIE met le turbo sur un projet présenté à l'EPFL pour le 50e anniversaire de Gaznat. Explications de Bernard Blez, directeur du CRIGEN.

 

Quelle est l’énergie la moins polluante et la moins chère? «C’est celle que l’on ne consomme pas», sourit Bernard Blez. Pourtant ce n’est pas d’elle qu’il était question lors de cette journée anniversaire à laquelle ont pris part d’illustres scientifiques venus des quatre coins de la planète. Pour son 50e anniversaire, Gaznat, entreprise suisse qui approvisionne le pays en gaz naturel, avait réuni ses homologues internationaux à l’EPFL autour d’une journée dédiée aux dernières innovations du secteur. Comment produire, extraire, stocker, transporter et distribuer le gaz naturel de manière de la manière la plus écologique, a été au cœur des projets exposés. Parmi eux, GHRYD, présenté par Bernard Blez, directeur R&D chez Engie, anciennement GDF Suez. Le groupe français, l’un des cinq leaders mondiaux du secteur de l’énergie, a totalisé 65 milliards de revenues en 2017. Présent dans 70 pays où il emploie 150'000 travailleurs, le géant mise sur ses 1'100 chercheurs et experts scientifiques pour un retour sur investissement – de plus 100 millions d’euros – dans l’innovation.

«Les possibilités de construire des installations hydrauliques sont quasi inexistantes.
D’où nos efforts dans les énergies décarbonées ou faiblement carbonées.
En quoi consiste le projet GHRYD?

C’est un projet démonstrateur à Dunkerque qui sera testé dans un nouveau quartier de la ville, où de l’hydrogène, produit à partir d’excédents d’électricité renouvelable, sera injecté dans le réseau de gaz naturel. Nos amis de Gaznat et de l’EPFL sont évidemment les bienvenus à l’inauguration qui aura lieu le 11 juin prochain, et qui marquera la mise en service de l’installation pilote et le début des essais d’injection d’hydrogène. On va ainsi pouvoir tester une croissance progressive de la teneur en hydrogène injecté, de quelques pour cent au début jusqu’à un maximum de 15 à 20% si tout se passe bien. Ce projet permettra d’expérimenter, de bout en bout, toute la chaîne «Power-to-Hydrogène». Et aussi, de valider les équations économiques de cette nouvelle filière par le biais d’un premier retour concret sur expérience, dont les résultats seront publiés dans an un.

Actuellement, quel est le système de production d’énergie le plus performant de votre groupe?

L’énergie hydraulique (ex. barrage) est, sans conteste, la championne de toutes catégories pour la production d’électricité non carbonée à bas coût. Malheureusement, les possibilités de construire de nouvelles installations hydrauliques sont aujourd’hui quasi inexistantes. D’où nos efforts de spécialisation progressive dans les énergies décarbonées ou faiblement carbonées. Ils incluent les investissements massifs dans les énergies renouvelables, comme le solaire (notamment les centrales photovoltaïques), l’éolien (onshore et offshore) et le biogaz. Toutes sont déjà compétitives, et leur prix baisse régulièrement, notamment celui du photovoltaïque qui va bientôt devenir l’énergie la moins chère.

«Le projet Gaya est très adapté à un pays comme la Suisse,
qui a des ressources forestières importantes.»
Est-ce que votre projet Gaya serait judicieux pour un petit pays comme la Suisse?

Clairement oui! Il s’agit de produire du gaz de synthèse de manière renouvelable (le bio SNG – Synthetic Naturel Gas), à partir de biomasse sèche, comme le bois issu de l’entretien des forêts ou d’autres composés solides recyclables (emballages, déchets de papeteries, plastiques).  Le principe général de ce type d’installation est de collecter la biomasse sèche dans un rayon de 50 à 100 km autour de l’usine de production du bio SNG ce qui limiterait déjà l’impact environnemental dû au transport. La biomasse rassemblée localement est ensuite transformée en gaz qui est injecté dans les réseaux de gaz naturel, pour alimenter toute une ville ou une région. Ce type de schéma est probablement très adapté à un pays comme la Suisse, qui a des ressources forestières importantes, des réseaux gaziers développés, et souhaite limiter ses émissions de CO2.

Quelle est la résilience des différents systèmes énergétiques en cas de catastrophe naturelle?

De manière paradoxale, il apparaît aujourd’hui que les réseaux qui tiennent le mieux en cas de catastrophe climatique ou de tremblement de terre sont les réseaux de gaz naturel. En effet, ils sont souterrains, donc peu sensibles aux événements climatiques même extrêmes ; et dans les pays à forte sismicité comme le Japon, ils sont conçus pour résister. Après la catastrophe de Fukushima, nous avons fait le point avec nos collègues japonais sur le comportement de leurs réseaux gaziers, et ils nous ont fait constater sur place que ceux-ci avaient été très peu impactés. En cas d’événement extrême où la production électrique est hors service, il convient d’avoir recours à des groupes de secours traditionnels et rustiques fonctionnant au gasoil (polluants, mais utilisés de manière provisoire), ou à des centrales de production alimentées en GNL (énergie faiblement carbonée). Ces dernières sont en outre d’excellentes solutions pour alimenter des zones reculées ou isolées.

Une solution énergétique intégrée du type solaire + géothermie est-elle opérationnelle pour des zones montagnardes isolées?

L’énergie solaire est une excellente solution partout où elle est abondante. Cependant, les régions très enneigées peuvent poser problème, car un panneau solaire ne fonctionnera pas s’il est recouvert de neige! Il faut donc prendre en considération les coûts de maintenance. Dans tous les cas, cette source d’énergie étant intermittente, il faut l’associer soit à un stockage (les batteries sont onéreuses) soit à une autre énergie stockable. Quant à la géothermie, elle peut être une très bonne solution dans les régions où cette ressource est accessible. Sinon, on en revient au gaz acheminé par réseau, quand on peut l’installer, ou au fioul livré par camion, malheureusement. Quoi qu’il en soit, lorsqu’il y a des ressources géothermiques exploitables, il faut les utiliser, que ce soit en montagne ou ailleurs!

CRIGEN – Centre de Recherche & Innovation Gaz et Energies Nouvelles