Marchés privés: la Suisse doit renforcer son offre

Anne Barrat

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«Notre ambition est de démocratiser l’accès aux marchés privés.» Entretien avec Jacques Chillemi d’Hermance Capital Partners.

Ancien responsable du Private Equity chez Pictet & Cie pendant plus de dix ans, Jacques Chillemi a co-fondé Hermance Capital Partners en 2015 avec Pierre Pâris au sein de la banque Pâris Bertrand SA (PB). En 2018, le concept séduit Bordier et Reyl qui deviennent actionnaires aux côtés de PB. Le destin de ces trois actionnaires propulse HCP et sa plate-forme Hermance Capital Connect dans la cour des grands (suite aux acquisitions de PB par Rothschild & Co AG et de Reyl par Intesa San Paolo). Fort de ces partenariats institutionnels, HCP aborde l’avenir avec un esprit entrepreneurial intact, nous explique Jacques Chillemi. 

Quand vous avez lancé HCP en 2015, quelle était votre vision?

Répondre à une demande croissante des investisseurs, privés et institutionnels, pour le non coté. Pierre Pâris et moi partagions la même vision: mettre notre expertise au service de banques privées, family offices, et gérants indépendants qui n’avaient pas forcément la taille critique pour avoir leur propre équipe de marchés privés, afin que leurs clients bénéficient d’une exposition à la classe d’actifs. Notre vision partait d’un diagnostic commun: l’intérêt croissant des investisseurs pour les marchés privés se heurtait à une offre limitée et une barrière à l’entrée en termes de taille d’investissement minimum. De plus, peu de banques privées à Genève pouvaient se targuer d’une expertise et d’un track record dans le domaine. En parallèle, nous étions convaincus que la capacité d’une banque privée de taille moyenne, d’offrir ce type de solutions d’investissement était un élément clé de différenciation dans un paysage en pleine consolidation. 

«Notre partenariat constitue un modèle original sinon unique en Suisse.»
Vous avez très vite été courtisés par des acteurs de la place financière genevoise. L’arrivée de Bordier et Reyl au capital d’HCP a-t-elle modifié votre vision et votre stratégie?

L’arrivée de partenaires a au contraire conforté notre vision et validé notre business model, tout en nous permettant de grandir, en développant notre base de clients, notre réseau et en diversifiant notre gamme de produits. L’union fait la force: ensemble, nous avons pu démultiplier notre capacité à lever des capitaux, qui conditionne la diversité de notre offre et notre crédibilité. Nous avons ainsi été en mesure de compléter notre gamme de fonds. Aux stratégies de private equity et de crédit que nous avions lancé en 2016, nous avons ajouté un fonds immobilier. Autrement dit, les trois segments qui nous semblaient les plus pertinents pour répondre au mieux à la demande des investisseurs. Notre partenariat constitue un modèle original sinon unique en Suisse, celui d’une plateforme de trois partenaires ayant des visions communes, des intérêts parfaitement alignés, sans pour autant impliquer de rapprochement stratégique. Un modèle d’affaire fondamentalement ouvert, qui pourrait accueillir de nouveaux partenaires pour autant qu’ils partagent notre conviction en faveur de l’investissement non coté.

De nouveaux partenaires pourraient-ils vous rejoindre? Comment voyez-vous l’avenir de votre développement?

Nous avons toujours eu en tête de mettre nos compétences dans les marchés privés au service du plus grand nombre. C’est dans ce sens que nous avons ouvert la porte à de nouveaux partenaires. Avec succès: nous avons doublé nos actifs sous gestion depuis 2018. C’est également dans cet esprit que nous avons créé Hermance Capital Connect, la plateforme qui donne accès aux investisseurs qualifiés à des expositions aux marchés privés via notre gamme de solutions d’investissement. Plus nous aurons de professionnels connectés à Hermance Capital Connect, plus nous pourrons réduire les barrières à l’entrée aux marchés non cotés et diversifier notre offre pour les d’investisseurs. 

«Nous explorons toutes les voies possibles pour rendre
les marchés privés plus accessible à une clientèle élargie.»

Si notre approche commerciale est fondamentalement B to B, nous sommes conscients que les clients privés rencontrent des difficultés pour accéder à ces investissements où les tickets d’entrée sont très élevés (5-10 millions de francs alors que HCP propose des solutions diversifiées pour un investissement minimum de 150'000 francs). Nous explorons toutes les voies possibles pour rendre les marchés privés plus accessible à une clientèle élargie. La première étape a consisté à fédérer des banques et gérants indépendant autour de notre plateforme. Une seconde étape dans la lignée de la première consisterait à agrandir le tour de table pour donner accès à davantage de clients et ouvrir les frontières. Nous ne sommes pas sans ignorer qu’il existe une forte demande de pays voisins, l’Italie, la France, etc., pour des solutions telles que celles que nous avons développées. Une autre voie pourrait passer par la distribution de nos fonds sous marque blanche. Nous y travaillons. 

Comment votre stratégie d’investissement vous a-t-elle permis de vous différencier?

L’ADN commune à nos trois stratégies repose sur la création de valeur active et la valorisation du capital sur des projets de petite à moyenne taille, par opposition à des stratégies passives visant un revenu récurrent. Notre credo étant que, dans un contexte économique incertain, marqué par des taux bas et une forte volatilité, la performance ne peut pas s’appuyer uniquement sur la hausse des marchés. La dimension opérationnelle et stratégique apportée par les managers des marchés privés devient un levier indispensable de création de valeur.  En termes de zones géographiques, nous avons un léger biais pour les Etats Unis en lien avec nos convictions et le background de l’équipe, complété par une exposition européenne et asiatique. Cette allocation nous a permis de réaliser des performances exceptionnelles pour nos trois stratégies. Indépendamment de la conjoncture, nous restons fidèles à nos convictions; notre constance, comme le prouvent nos performances, paie.

La pandémie de COVID a-t-elle été un frein à votre croissance?

Loin s’en faut! Si en début de pandémie les investisseurs se sont montrés prudents, les choses ont rapidement évolué. La reprise des marchés listés, ainsi que l’émergence d’opportunités d’investissement propres à toute crise, à des prix d’entrée plus attractifs qu’ils n’étaient pré-COVID, nous a permis de poursuivre notre développement sereinement tout en affichant de solides performances.

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