Les nouvelles étapes de la stratégie de Syz pour les tiers gérants

Emmanuel Garessus

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La branche des tiers gérants devrait continuer de croître, selon Etienne Billaud, de la Banque Syz, un établissement qui augmente ses effectifs dans ce domaine.

La mort des gérants indépendants ne cesse d’être renvoyée aux calendes grecques. Ce segment de clientèle résiste, et souvent se développe très positivement. Chez Syz, le service aux tiers gérants regroupe une vingtaine de collaborateurs. Il a été créé en 1997, soit un an après la fondation de la banque. Une équipe dédiée existe donc depuis 27 ans.

Etienne Billaud, Head of External Asset Managers, Banque Syz, a repris ce secteur au début janvier 2023. Cet expert des tiers gérants, puisqu’il y a fait ses premiers pas en 1999, chez Pictet, a d’abord redimensionné le service en modifiant les profils au sein de son équipe, combinant banquiers expérimentés, experts en investissement et professionnels dédiés au support client. Par exemple, une personne est spécifiquement dédiée à transmettre à cette clientèle l’ensemble des expertises de la banque, qu’il s’agisse de l’univers d’investissement et de sa plateforme de produits et services. La banque met ses services à disposition d’un large réseau de gérants indépendants, opérant dans un marché suisse riche de plus de 1500 acteurs, avec une masse sous gestion moyenne inférieure à 80 millions. Etienne Billaud répond aux questions d’Allnews:

Pourquoi observons-nous une évolution positive des gérants indépendants plutôt qu’à leur déclin, voire à leur mort?

Le nouveau cadre réglementaire mis en place par la Finma pour réguler de façon plus stricte ce segment a tendance à renforcer sa crédibilité. Malgré les contraintes et les coûts de ces mesures, les gérants indépendants sont placés au même niveau de crédibilité que des places concurrentes où les licences étaient précédemment délivrées plus strictement qu’en Suisse.

«Ces changements se sont traduits par quelques fusions, mais chacun s’est rendu compte que la Finma avait été assez généreuse dans l’octroi des licences.»

Le maintien de l’indépendance des tiers gérants et leur capacité à offrir des solutions avec de multiples prestataires externes leur permet de se consacrer entièrement au conseil des clients. La branche des gérants indépendants va donc probablement continuer de croître.

Ce développement souligne l’importance des relations personnelles dans la gestion d’un patrimoine. Le lien entre le conseiller à la clientèle et son client est très privilégié.

Malgré le gain de crédibilité, les coûts augmentent. Comment s’adaptent-ils aux changements réglementaires?

Ces changements se sont traduits par quelques fusions, mais chacun s’est rendu compte que la Finma avait été assez généreuse dans l’octroi des licences, indépendamment de la taille de ces structures. Même des micro-gérants ont en effet obtenu leur licence.

La deuxième étape, qui interviendra lors des audits menés par la Finma, pourrait induire des ajustements qui amèneront les tiers gérants à s’unir à d’autres structures ou à mutualiser leurs forces. La consolidation tant attendue devrait alors prendre de l’ampleur, probablement dès 2025.

Les personnes proches de l’âge de la retraite et qui ne tiennent pas à ajouter des frais supplémentaires essaieront sans doute de vendre leur portefeuille de clientèle soit à des banques dépositaires soit à d’autres gérants indépendants.

Qu’en est-il de leur capacité à contrôler les risques?

Les tiers gérants n’ont plus le choix. La loi (LSFin) s’applique autant à eux qu’à une banque en termes de contrôle des risques, d’allocation d’actifs, d’établissement des profils de risques des clients, de classification des clients.

Comment les prix des fusions évoluent-ils?

Le prix est fonction des actifs, du chiffre d’affaires, de la complexité des « books ». Il est vraiment fonction de la clientèle sous-jacente.

En quoi vos services aux tiers gérants se distinguent-ils de vos concurrents?

A la différence de nos concurrents, nous ne sommes pas un domaine d’activité séparé mais faisons partie intégrale de la banque privée. Là où d'autres imposent des «murailles de Chine» strictes entre les EAM et les équipes d’investissement, nous adoptons une approche ouverte. Par exemple, nous proposons aux EAM, s’ils le souhaitent, des services d’investissement externalisés, leur permettant de se concentrer sur leurs clients tout en tirant parti de notre expertise.

«A la différence de nos concurrents, nous ne sommes pas un domaine d’activité séparé mais faisons partie intégrale de la banque privée.»

L’intérêt d’être partie intégrale tient au fait que derrière chaque client d’un tiers gérant il existe un client qui a finalement les mêmes besoins que n’importe quel autre client privé. Nous pouvons ainsi mettre à disposition toute notre plateforme de produits et de services à la clientèle de tiers gérants comme nous le ferions pour un client privé en direct.

Aujourd’hui, ces services sont assurés par une vingtaine de collaborateurs répartis sur deux sites, à Genève (15 personnes) et Zurich (4 personnes, y compris pour la clientèle tessinoise).

Nous avons travaillé sur plusieurs autres axes, comme le «Syz Club», qui consiste en une rencontre mensuelle avec les tiers gérants sur un thème d’investissement particulier afin de mutualiser les forces. L’idée se résume par un slogan: «Meet, share and co-invest». Nous avons parfois de bonnes idées, mais d’autres, en l’occurrence les tiers gérants, peuvent aussi en avoir. Mieux vaut donc partager ses idées.

Quelle est la typologie de vos tiers gérants?

La grande majorité de nos tiers gérants se répartissent entre nos deux centres, Genève et Zurich. Nous ajoutons une particularité, une clientèle sud-américaine significative, liée à notre bureau de représentation en Uruguay, si bien que nous collaborons aussi avec des tiers gérants de cette région.

La concurrence est vive entre les banques pour offrir leurs services aux tiers gérants. Quelle est la situation?

Les sondages montrent que le prix des services est le premier argument. La pression sur les marges est forte. Comme nous voulons rester rentables, nous avons aussi des offres spécifiques qui nous distinguent de nos concurrents.

Par exemple?

Nous avons par exemple une offre de «trading et custody» pour certaines cryptomonnaies. Cette dernière est unique. Elle permet au client de sécuriser ses actifs digitaux dans une banque privée suisse plutôt que sur un Exchange.

«Nous avons par exemple une offre de ‘trading et custody’ pour certaines cryptomonnaies.»

Nous avons développé une initiative baptisée «Syz as a service»: dans une constellation de tiers gérants assez hétérogène, tous n’ont pas les mêmes compétences pour s’occuper de toutes les classes d’actifs et pour déployer des stratégies d’investissement tous azimuts. Nous mettons notre stratégie d’investissement à disposition des tiers gérants. Cette offre à la carte lui permet de sélectionner les services au sein de tout notre univers d’investissement. Cela peut aller des produits Syz à des listes d’actions et d’obligations. L’offre comprend aussi une discussion avec notre CIO sur une base régulière. Elle peut aussi inclure un service d’Advisor qui analyse le portefeuille. Ayant une quarantaine d’experts en investissements, nous essayons d’ouvrir notre plateforme au maximum à des tiers gérants.

Est-ce que le passage du bitcoin au-delà de 100’000 dollars a provoqué un afflux de demandes de ce type de services cryptos?

La demande a démarré à l’émergence des premiers ETF sur le bitcoin validés par la SEC. Le passage des 100’000 a accru les questions sur cette partie de notre offre. Nous avons un expert entièrement dédié à la crypto.

Quel est le prix de «Syz as a service»?

Syz SaaS est un service "à la carte" qui s’appuie sur notre expertise en investissement et en gestion de patrimoine, ainsi que sur nos capacités opérationnelles. Grâce à une solution d’Outsourced Chief Investment Office, nous nous associons aux tiers gérants en tant qu’extension de leur organisation, leur permettant de tirer parti de nos compétences et d’être soutenus par une équipe de professionnels. Par exemple, notre CIO peut intégrer leurs comités d’investissements. L’accès à nos spécialistes est facturé au tiers gérant.

Le montant minimum est sans cesse relevé au sein des banques pour avoir accès à un service. Qu’en est-il des services bancaires à l’égard des tiers gérants?

Cette tendance existe aussi dans notre segment. Nous sommes toutefois pragmatiques et flexibles. Une relation n’a guère de sens si un gérant indépendant n’a pas déposé au moins entre 25 et 35 millions pour maintenir la relation, faire des revues annuelles, mettre à jour la documentation.

Est-ce que vous les accompagnez sur le plan technologique?

Oui. Nous avons par exemple signé un partenariat avec une plateforme dédiée Wize by Teamwork. Les gérants indépendants qui travaillent avec nous et «bookent» leurs actifs chez nous se voient offrir cette plateforme gratuitement pour la partie des actifs qui sont chez nous.

Quels sont vos projets pour 2025?

Nous avons une stratégie de croissance dans le segment des tiers gérants. Nous avons procédé à de nombreux recrutements à Genève cette année (4 collaborateurs à des postes stratégiques). Nous entendons mettre davantage l’accent sur la Suisse alémanique. Nous venons d’inaugurer de nouveaux bureaux à Zurich et nous procéderons maintenant à des recrutements stratégiques de conseillers clientèle.

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