Les nouveaux clients acquis restent généralement actifs

Yves Hulmann

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Marc Bürki, le directeur de Swissquote, qualifie les prévisions de bénéfice de la société pour l’ensemble de 2020 de «conservatrices».

©Keystone

En début de semaine, Swissquote a publié de nouveaux chiffres record pour le premier semestre. Le courtier en ligne vaudois a fait état mardi d'un chiffre d'affaires en hausse de 38,9% à 162,7 millions de francs à fin juin. En tête figurent les revenus nets des commissions qui ont bondi de 82,7% à 83,4 millions de francs, tandis que le produit net des activités tirées du négoce des devises (eForex) a crû de 52,2% à 60 millions. Le bénéfice avant impôts a, lui, bondi à 58,4 millions (+132,8%), tandis que le bénéfice net a plus que doublé pour s’élever à 50,4 millions. Entre janvier et juin, l’afflux net de nouveaux capitaux a atteint 3 milliards de francs, comparé à 1,2 milliard de croissance organique (hors acquisitions) un an plus tôt. En tout, les avoirs de la clientèle ont augmenté de 9,7% à 33,5 milliards.

Les turbulences survenues sur les marchés entre fin février et la mi-mars n’ont pas découragé les traders. Au contraire: en tout, plus de 55'100 demandes d’ouvertures de comptes ont été adressées à Swissquote entre janvier et juin, comparé à quelque 35'000 requêtes durant l’ensemble de 2019. Le nombre total des comptes des clients a atteint un niveau record de 396'430 unités à fin juin. Il s’agit principalement des comptes de trading (315’185 comptes, +19,3%), suivi par les comptes d’eForex (57’819 comptes, +11,3%), d’épargne (19’279 comptes, -3,4%) puis ceux de Robo Advisory (4’147 comptes, +39,7%). Pour l’ensemble de l’exercice, le groupe vaudois prévoit un bénéfice avant impôts de 100 millions de francs et un chiffre d’affaires de 300 millions de francs. Quelles sont les raisons de cet optimisme? Le point avec Marc Bürki, directeur de Swissquote.

«La forte hausse du nombre de comptes ouverts
a servi de coup de départ pour d’autres activités d’investissement.»
En présentant les chiffres en forte progression de Swissquote durant le premier semestre, vous avez déclaré que la volatilité était bonne pour les affaires. En juillet et au début du mois d’août, les marchés ont été plutôt calmes comparé à ce printemps. Sont-ils trop calmes pour un courtier en ligne comme Swissquote? 

La forte volatilité sur les marchés ce printemps a eu deux conséquences pour nous. D’une part, il y a eu d’un seul coup beaucoup de demandes d’ouvertures de comptes adressées à Swissquote, au point que nous n’arrivions parfois plus à suivre. D’autre part, cette forte hausse du nombre de comptes ouverts a servi en quelque sorte de coup de départ pour d’autres activités d’investissement. Les nouveaux clients que l’on a acquis restent généralement actifs. Il est en effet rare que des clients ouvrent un compte chez Swissquote, puis qu’ils ne fassent plus rien par la suite. En outre, en ce qui concerne l’évolution des marchés durant la seconde moitié de l’exercice 2020, il y a encore beaucoup de choses qui peuvent se passer jusqu’à la fin de l’année – il suffit de penser aux élections américaines - et qui peuvent amener du mouvement sur les marchés boursiers.

Plus de 57'000 nouveaux comptes ont été ouverts chez Swissquote durant le premier semestre. Quel est le profil de ces nouveaux clients – observez-vous des changements par rapport à la période d’avant la crise du COVID-19? 

On a observé davantage d’ouverture de comptes dans le segment des personnes âgées entre 50 et 65 ans. Auparavant, c’était la seule tranche d’âge qui nous résistait encore un peu. Celle-ci était placée entre, d’un côté, la catégorie des natifs du numérique et la génération dite des «silver surfers» de l’autre. Pour les personnes âgées de moins de 40 ans qui ont grandi avec Internet, il est presque inconcevable de faire autre chose que du numérique dans les différentes activités commerciales - qu’il s’agisse de services bancaires ou d’autres domaines. A l’autre bout de l’échelle, il y a un certain nombre de retraités actifs, passionnés par les nouveaux médias, que nous n’avons pas dû non plus convaincre. Il restait entre ces deux catégorie une sorte de cuvette – celle-ci a déjà commencé à se combler avant la crise mais le confinement a contribué à accélérer les choses. Le segment des personnes âgées entre 55 et 60 est une clientèle d’autant plus intéressante pour nous car il s’agit de gens qui disposent souvent d’une certaine fortune.

Ces clients plus fortunés sont-ils nécessairement plus rentables pour Swissquote qu’un trader moins fortuné mais très actif?

Oui, en général, les clients plus fortunés sont plus intéressants car ils détiennent aussi un plus grand nombre de positions et ils diversifient davantage leurs placements. Plus vous avez de titres, plus vous êtes susceptibles d’acheter ou de vendre des titres, d’ajuster régulièrement votre portefeuille, ce qui génère aussi plus de revenus de commissions.

«Il y a de nombreux nouveaux acteurs
mais ils sont souvent actifs sur des marchés plus étroits.»
Si davantage de gens s’intéressent au trading en ligne, la concurrence s’intensifie aussi sur ce marché. Pas plus tard que la semaine dernière, la société genevoise FlowBank a annoncé vouloir se lancer sur ce segment. Cela va-t-il exercer une pression plus grande sur vos marges?

Si l’on compare la situation actuelle avec celle des débuts de Swissquote, on peut observer qu’il y a toujours eu une concurrence très vive en Suisse dans le domaine des services bancaires. On entend du reste souvent dire que notre pays est «surbancarisé». En ce qui nous concerne, nous sommes surtout confrontés, d’un côté, à la concurrence des grandes banques qui numérisent leurs activités à la vitesse grand V. De l’autre, il y a de nombreux autres nouveaux acteurs mais ceux-ci sont toutefois souvent actifs sur des marchés plus étroits. Il peut s’agir d’acteurs très spécialisés à l’exemple de Bitcoin Suisse dans le domaine des cryptomonnaies ou encore de FlowBank en ce qui concerne le négoce de devises ou les CFD. Maintenant, il n’y a pas non plus en Suisse des dizaines de banques en ligne qui offrent une gamme de services aussi complète que celle proposée par Swissquote.

Les revenus nets des commissions et ceux issus du négoce des devises étrangères (eForex) restent de loin les principales sources de revenus de Swissquote. Pouvez-vous imaginer qu’un troisième secteur d’activités, par exemple les cryptomonnaies, soit capable un jour de générer des revenus d’une taille comparable?

Il faut d’abord bien voir que les revenus nets des commissions regroupent des activités très différentes. Ce segment inclut aussi les recettes obtenues dans le cadre de notre collaboration avec Postfinance que les revenus du courtage d’un client individuel qui effectue une poignée de transactions par année. En ce qui concerne les cryptomonnaies, on observe ici une différence majeure par rapport au courtage en devises. Quand nous avons commencé nos activités, l’eForex existait déjà. S’agissant des cryptomonnaies, nous avons au contraire pu accompagner leur développement dès les débuts. La croissance de nos activités dans ce domaine est venue en raison de l’essor très rapide de ce secteur à partir du milieu de la dernière décennie. C’est un marché en devenir et nous voulons participer pleinement à son développement. En outre, avec environ 10 millions de chiffres d’affaires escompté pour l’ensemble de 2020, c’est un segment qui est loin d’être négligeable en comparaison des 300 millions de chiffre d’affaires que nous attendons pour cette année.

«Plutôt que d’essayer d’offrir toutes les cryptomonnaies, nous allons davantage
développer nos solutions de portemonnaies électroniques.»
Avez-vous l’ambition de proposer l’offre la plus étendue dans tout ce qui se rapporte aux cryptomonnaies?

L’idée n’est pas d’aller vers chaque sous-spécialité dans les cryptomonnaies ou de proposer chaque nouveauté dans les jetons numériques. Nous n’allons par exemple pas offrir sur notre plateforme entre 60 et 70 cryptomonnaies. Plutôt que d’essayer d’offrir toutes les cryptomonnaies, nous allons davantage développer nos solutions de portemonnaies électroniques («digital wallet»). Les clients doivent pouvoir acheter et revendre des cryptomonnaies sur notre plateforme, nous allons aussi leur accorder des crédits lombards ou encore proposer des services aux institutionnels intéressés à investir dans les cryptomonnaies. L’important est de pouvoir offrir un environnement sécurisé aux investisseurs.

Bien qu’en forte croissance au premier semestre, le domaine des services de robots conseillers, «Robo Advisory» chez Swissquote, reste, lui, en-deçà des attentes formulées dans ce domaine il y a quelques années. Pourquoi?

Avant, notre objectif avait été placé à 1 milliard de francs d’actifs sous gestion dans ce domaine, nous en sommes à 250 millions. C’est en soi déjà pas mal mais pas tout à fait au niveau où nous aimerions être. Dans la gestion de fortune numérisée, une difficulté tient au fait qu’il n’est souvent pas facile pour un investisseur de confier sa fortune à un robot. Par exemple, quand nous demandons à un client quel niveau de risque celui-ci est prêt à encourir avec un robot conseiller, sa réponse est souvent de dire qu’il ne veut prendre aucun risque. Nous allons investir davantage dans la formation des utilisateurs. En outre, notre système de Robo Advisory est peut-être trop sophistiqué pour certains utilisateurs. Nous allons le simplifier à l’avenir.

Vous prévoyez un bénéfice de 100 millions de francs pour l’ensemble de 2020. Sur quelles hypothèses repose cette prévision?

Une bonne partie du chemin a été déjà fait avec 58,4 millions au premier semestre. S’y ajoutent encore 10 millions pour le seul mois de juillet. Pour le reste de l’année, soit d’août à décembre, nous prévoyons un bénéfice avant impôts un peu plus faible car nous intégrons dans notre hypothèse des attentes un peu plus modeste concernant l’activité en fin d’année. Nous sommes toutefois souvent un peu conservateurs dans nos prévisions chez Swissquote! Dans tous les cas, un bénéfice avant impôts de 100 millions de francs est un joli chiffre – c’est du reste ce que nous avions prévu initialement pour l’horizon 2022.

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