Les micro-caps, des champions négligés

Anne Barrat

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Pour Peter Kraus de Berenberg, «l’univers des très petites capitalisations mérite qu’on s’y intéresse, en Europe et dans le monde».

Il faut remonter à la fin du XVIe siècle pour trouver les racines de l’esprit entrepreneurial de Berenberg. Depuis 1590, l’une des plus anciennes institutions financières du monde n’a rien perdu de l’appétit de croissance qui animait ses fondateurs, marchands anversois arrivés à Hambourg pour échapper à l’emprise des futurs Pays-Bas. Intact, cet appétit s’illustre aujourd’hui dans les stratégies de gestion d’actifs spécialisées dans les marchés actions et fondées sur la recherche de valeurs de croissance et de qualité à long terme. Peter Kraus nous parle de l’une d’entre elles qu’il connaît bien pour l’avoir pratiquée depuis plus de 20 ans: les petites et micro-capitalisations. 

Pourquoi les micro-caps?

Principalement car c’est un vaste champ d’opportunité. L'indice de référence du fonds Berenberg Micro Cap Europe, que nous gérons depuis de nombreuses années, le MSCI Europe Micro Cap, comprend 1'511 valeurs européennes réparties dans 15 pays développés en Europe, ce qui correspond 1% environ de la capitalisation boursière ajustée du flottant de ces 15 pays. Fort de cette expérience, nous venons de lancer le Berenberg International Micro Cap ex Europe, De la même façon, le MSCI World ex Europe Micro Cap, indice de référence du notre nouvelle stratégie, 1% de la capitalisation boursière ajustée du flottant des plus de 4'500 valeurs qu’il couvre sur 23 pays. Ne dit-on pas que «small is beautiful»? De ce point de vue, le principal défi est moins la taille de l’univers– que l’accès aux données pour le cœur de notre cible, c’est-à-dire les entreprises entre 100 et 700 millions d’euros de capitalisation. Au final, nous sélectionnons environ titres pour chaque portefeuille.

«Notre approche consiste à ne retenir que les entreprises dont la croissance ne dépend pas  des facteurs cycliques et/ou conjoncturels mais de facteurs structurels.»

Cet univers est surtout négligé, alors même qu’il cache de véritables pépites pour qui prend la peine de les identifier. Ce sont toutes les capitalisations jusqu’à un milliard d’euros, au-delà duquel on parle de petites capitalisations. Autre précision, qui est cruciale: ce ne sont pas des start-up, mais des entreprises qui affichent au moins trois ans de comptes, un bénéfice par action positif, une croissance du chiffre d’affaires d’au moins 5% par an et usuellement de l’ordre de 10%, un retour sur capitaux propres supérieur à 10%.

Toutes les micro-caps? Qu’est-ce qui fait la différence entre une «bonne» et une «mauvaise» micro-cap?

Notre approche consiste à ne retenir que les entreprises dont la croissance ne dépend pas  des facteurs cycliques et/ou conjoncturels mais de facteurs structurels. Des entreprises qui ont peu de concurrence et sont en position d’imposer des prix élevés, qui sont souvent dirigées par leurs fondateurs et réinvestissent les bénéfices dans la société, en un mot, tout sauf des entreprises en difficulté. C’est un profil souvent associé à l’innovation, la disruption technologique, la robotisation, la digitalisation, autant de thèmes que l’on retrouve beaucoup dans les secteurs de la santé (informatisation du diagnostic, de la microscopie, de l’imagerie),– nous excluons les énergies fossiles de notre univers d’investissement. Le principal défi avec les «bonnes» micro-caps est moins de les identifier – elles sont rares – que d’y avoir accès: elles sont cachées, leur management discret, construire une relation prend du temps. 

Les micro-caps peuvent-elles malgré tout être de bonnes affaires?

Une bonne affaire ne repose pas sur le prix d’achat mais sur le potentiel de croissance rapporté au prix d’achat. Autrement dit le pas cher n’existe pas, seules les mauvaises affaires sont bradées, les entreprises prometteuses, celles qui sont capables de doubler voire tripler en dix ans, ont un coût certain. Notre savoir-faire est précisément de rentrer tôt dans leur cycle de vie. Ce qui est essentiel à nos yeux est la valorisation à long terme, les positions tactiques de vente à court terme tout comme les paris à court terme sur des thèmes macro-économiques sont proscrits de notre philosophie d’investissement.

«Nos intérêts sont parfaitement alignés avec ceux de nos investissements.»
Une philosophie d’investissement que vous résumeriez comment?

Long terme est le mot clé. Il est dans ancré dans la longue histoire de Berenberg, il est au cœur de notre approche. Laquelle se fonde sur une recherche indépendante et affranchie de tout benchmark, passe par des contacts avec la direction des entreprises, privilégie les acteurs structurels d’une croissance durable. Cet horizon d'investissement à long terme se traduit également par une faible rotation du portefeuille – nous détestons vendre! Si nous le faisons, c’est principalement parce que l’entreprise est devenue trop grande (croissance exceptionnelle, opération de fusions-acquisition, …). L’autre mot clé est diversification: nos positions – environ 110 dans nos fonds Micro Caps – ne dépassent pas 2% du portefeuille, les dix plus grosses d’entre elles représentent environ 20% de ce dernier. Enfin la conviction, aussi bien la nôtre que celle des fondateurs et dirigeants des entreprises dans lesquelles nous investissons – l’argent de nos investisseurs mais aussi la nôtre car tous les gérants de portefeuille sont investis dans leurs fonds. C’est notre vision de la durabilité: nos intérêts sont parfaitement alignés avec ceux de nos investissements.

Etes-vous un actionnaire activiste?

Activiste non, mais très engagé oui. Il ne s’agit pas pour nous de ressembler aux investisseurs de private equity, nous restons très discrets tout en utilisant les moyens à notre disposition, dialogue continu avec le management, votes aux assemblées générales, pour gérer au plus près nos investissements.

Fort du succès que vous avez connu en Europe, vous lancez le fonds à l’international. Quels défis rencontrez-vous?

Le défi est le même pour Micro Cap Monde (ex Europe) que pour sa version européenne, à savoir celui de tout investissement de niche: la sélection est très exigeante. La principale différence réside dans le décalage horaire, qui tend à compliquer les travaux. Une équipe a été mise en place précisément pour assurer une proximité des zones que nous avons retenues – Etats-Unis, Canada, Japon, Australie, Israël et un nombre limité supplémentaire de pays développés. Pour raisons de transparence des données et de gestion des risques, ont été exclues de notre univers d’investissement la China, la Russie, l’Afrique ou encore l’Amérique Latine. Pour le reste, les mêmes principes que ceux que nous avons évoqués, président à la construction de ce nouveau fonds, qui complètera son cousin européen en offrant un outil supplémentaire de décorrélation. 

Pourquoi changer une recette qui gagne? Le fonds Micro Cap européen a connu une très solide performance depuis son lancement (en termes absolus et relatifs) De même que son aîné, qui a collecté 450 millions d’euros, nous limiterons le nouveau fonds à 500 ou 600 millions pour la simple et même raison que tenons à garder une stratégie pure, rien que des Micro Caps internationales, sans hedging, sans dérivés, sans mouvements tactiques.

L’objectif de ce nouveau fonds: trouver le prochain Google ou Microsoft?

Le chercher est le meilleur moyen de ne pas le trouver ! Blague à part, en augmentant l’univers des possibles, de nouvelles portes s’ouvrent dans des pays où les secteurs propices aux Micro Caps que nous recherchons (IT, santé, efficacité énergétique automatisation) offrent des viviers riches. 

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