Les gardiens du cash numérique

Salima Barragan

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«La tokenisation des actifs pourrait se compter en centaines de billions de dollars» déclare Adrien Treccani, CEO de Metaco.

La réputation des coffres-forts helvétiques a très longtemps rayonné à travers toute l’Europe. Avec l'arrivée des crypto devises et des ICO dans le paysage financier, la Suisse se tourne désormais vers le futur et se profile comme pionnière du stockage d’actifs numériques. En quelques années, tout un écosystème dédié est apparu dont la jeune société lausannoise Metaco qui s’est spécialisée dans la fabrication d’infrastructures pour stocker des jetons numériques et les cryptomonnaies. Interview avec son fondateur et CEO, Adrien Treccani.

Sur quels principes reposent les infrastructures qui stockent les jetons numériques et les cryptomonnaies?

La gestion des cryptomonnaies repose sur des principes de cryptographie. Pour schématiser, une clé privée s’apparentant à une sorte de long mot de passe représente l’unique sésame pour accéder aux jetons et cryptomonnaies La sécurité de cette clé est critique car si elle est compromise, les actifs qu’elle représente seront perdus.

Envisagez-vous des infrastructures physiques comme ces fameux bunkers suisses reconvertis en coffres-forts de données numériques stratégiques?

Absolument! même si cela semble surprenant. On assimile volontiers sécurité numérique avec infrastructure immatérielle. Cependant, nous voyons un rapprochement entre la sécurité numérique et la sécurité physique: outre les pares-feux et autres mesures de protection contre les cyber-attaques, les systèmes de gestion d’actifs numériques sont aujourd’hui sujets à une sécurité physique équivalente à celle de coffres-forts.

Les crypto-devises ne reposent pas sur une banque centrale
et elles ont des propriétés très différentes des monnaies étatiques.
Pourquoi la Suisse se spécialise-t-elle dans la sécurité des actifs numériques?

La Suisse a été le premier pays à réglementer les crypto devises dans le monde bancaire. Cela vient en partie des projets comme l’Ethereum qui a connu un gros succès à Zoug, mais aussi de toutes les ICO levées qu’il fallait ensuite stocker. Les banques suisses, pourtant conservatrices, ont pris le risque de lancer des services dans les actifs numériques ce qui a favorisé le développement de tout un écosystème.

Quelle sera l’évolution de la masse d’actifs numériques d’ici quelques années?

En l’espace d’une décennie, le marché des cryptomonnaies est passé d’une valeur nulle à près de 300 milliards de dollars. Ce qui reste toujours très modeste en comparaison à d’autres classes d’actifs. Mais il pourrait passer le cap du millier de milliards d’ici ces prochaines années. Quant au marché de la tokenisation qui transforme des actifs en jetons, il pourrait dépasser les centaines de billions à long terme. Cependant, sa vitesse d’adoption ne sera pas aussi rapide que celle des cryptomonnaies qui ont réussi à s’imposer sans dépendance forte à l’infrastructure et aux lois existantes. Contrairement à ces dernières, les jetons reposent sur des actifs régulés, ce qui signifie que tout un écosystème préexiste et que l’adoption de cette technologie va prendre un certain nombre d’années.

Comment voyez-vous l’évolution des monnaies numériques du futur?

Il y a une compétition entre plusieurs types de monnaies. Les crypto-devises ne reposent pas sur une banque centrale et elles ont des propriétés très différentes des monnaies étatiques. Par exemple, le Bitcoin a un comportement ultimement déflationniste comparable à celui de l’or. Cette classe devrait se transformer en monnaie alors que son adoption s'accroit. Puis, le cash digital, qui est la monnaie numérique émise par les banques centrales, apparaîtra aussi. Il mettra en relation l’individu et la banque centrale comme la monnaie liquide - non compatible avec l’ère digitale -, mais sans l’entremise des banques commerciales.

Vous venez d’annoncer une levée de fonds en série A de 17 millions de francs. A quoi servira cet argent?

Nous comptons développer nos activités sur l’Europe de l’Ouest et l’Asie du Sud-Est où nous avons déjà une clientèle, mais aucune succursale. Nous investirons également dans la recherche et le développement.

Swisscom et Avaloq font partie de vos partenaires de longue date. Quels sont leurs intérêts dans les infrastructures d’actifs numériques?

Swisscom a mis sur pied l’entité Custodigit, qui offre un service de dépôt pour les actifs numériques. Avaloq, qui compte plus de 150 banques parmi ses clients, a très vite senti l’industrie se tourner vers les actifs numériques et a souhaité offrir un système compatible avec les monnaies numériques.

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