Le retour de l’Europe

Salima Barragan

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«La zone euro devrait enregistrer une croissance du PIB réel plus rapide que les Etats-Unis», déclare Dale Winner d’Allspring Global Investments.

Allspring Global Investments est un investisseur de «valeur différenciée», c’est-à-dire qu’il répartit le spectre Value en trois compartiments. Dans le premier, nous trouvons les titres cycliques de la finance, des matériaux, de l’énergie et de la consommation discrétionnaire. Le deuxième contient les actions défensives des produits de base, des soins de santé et des télécommunications. Enfin, il isole séparément la technologie, la MedTech et les énergies alternatives comme troisième catégorie de titres Value séculaire. En raison des valorisations, le gestionnaire favorise la zone euro et le Royaume-Uni. Entretien avec Dale Winner, gestionnaire de portefeuilles.

Quel est votre scénario pour cette année?

Je m’attends à une augmentation de la volatilité à mesure que les principales banques centrales commencent à se défaire de leur QE super-accommodants. Les valeurs financières cycliques des marchés développés ainsi que la consommation discrétionnaire profiteront des perspectives de reflation progressive couplée à une consommation soutenue. Au cours du deuxième semestre, la croissance économique et l'inflation des marchés développés pourraient s'estomper aux Etats-Unis en raison des préoccupations liées à la falaise fiscale ainsi que l'atténuation des goulets d'étranglement. En revanche, les perspectives de croissance des marchés émergents s’amélioreront stimulées par la relance économique chinoise. Le ralentissement de la croissance américaine vis-à-vis de celle des autres régions pourrait également affecter le dollar américain, ce qui est une bonne nouvelle pour les marchés émergents.

Il devient évident que l'inflation sera plus persistante qu'on ne le pensait au départ. Or, un renchérissement élevé et persistant devrait maintenir la courbe des rendements sur une pente ascendante, ce qui va profiter aux secteurs cycliques de courte duration, notamment les banques, vis-à-vis de ceux de longue duration comme la technologie. Seules les sociétés jouissant d’une position dominante sur leur marché et un pouvoir de fixation des prix pourront répercuter les hausses des coûts.

Pour la première fois depuis 2016, la zone euro devrait enregistrer une croissance du PIB réel plus rapide que les États-Unis.
Que penser des valorisations?

Les valorisations des indices mondiaux semblent optiquement élevées. Par exemple, le MSCI ACWI Index Price to Book est proche d’un sommet historique. Mais elles restent raisonnables compte tenu des faibles rendements obligataires et des taux réels négatifs historiquement bas, en particulier en Europe. Le rendement en dividendes de la zone euro de 2,2% se compare à un rendement obligataire allemand autour de 0% à 10 ans. Le rendement en dividendes de 3,6% au Royaume-Uni se compare à un rendement obligataire de 1%. Il existe également une dispersion des valorisations historiquement élevées entre les pays: le P/E à terme sur douze mois pour les Etats-Unis, de 21,7x , est 40% au-dessus de sa médiane sur 20 ans. Alors qu’en Allemagne, le P/E de 13,5x n'est que de 8% au-dessus de sa médiane. Le Japon est sur des niveaux de 14,4x, soit -2% en dessous de sa médiane alors que le Royaume-Uni est à 12.1x, ce qui est -4% en dessous. En outre, les valorisations des titres Value restent déprimées par rapport à ceux de croissance.

Vous préférez donc l’Europe?

Oui, nous favorisons la zone euro et le Royaume-Uni. Pour la première fois depuis 2016, la zone euro devrait enregistrer une croissance du PIB réel plus rapide que les Etats-Unis, aidée par les mesures de relance budgétaire du Fonds européen pour la relance économique, en particulier auprès des pays du Sud. Nous surpondérons aussi le Royaume-Uni qui a sous-performé depuis 2016 en raison du Brexit mais qui se négocie à bas prix par rapport à sa moyenne historique.

Quel style dominera l’année?

2022 pourrait être une histoire en deux actes avec dans un premier temps les valeurs cycliques (en particulier les financières) qui surperforment, puis une rotation vers des sociétés Value défensives et séculaires telles que la santé, la consommation de base, la technologie et les énergies alternatives.

Que pensez-vous des actions chinoises?

Nous avons actuellement une légère sous-pondération sur les valeurs chinoises en raison de la pression sur le marché immobilier, l'incertitude réglementaire dans le commerce électronique, l'éducation et les jeux, ainsi que la baisse des dépenses des consommateurs et des entreprises dans le contexte d'une tolérance zéro. Cependant, suite à sa sous-performance en 2021, La Chine redevient intéressante à mesure que l'économie se stabilise et des perspectives de relance monétaire et budgétaire. Nous gardons donc un œil sur les actions chinoises.