Le rally n’est pas encore terminé

Yves Hulmann

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Présent au Swiss Trading Day d'IG Bank, John Bolllinger explique pourquoi la chute des marchés en décembre a été pour lui un véritable «cadeau de Noël».

Séparer les émotions du trading et savoir interroger les marchés. Les émotions sont en effet la «mort du trader», selon John Bollinger. Et il faut interroger les marchés, car ceux-ci en savent beaucoup plus que vous à propos de l’évolution future des cours. Tels sont quelques-uns des conseils prodigués à un public attentif par le chercheur américain et concepteur des bandes de Bollinger, utilisées en particulier dans l’analyse technique en finance. John Bollinger s’est exprimé mercredi soir à Zurich dans le cadre du Swiss Trading Day, un événement organisé par IG Bank. Entretien.

Alors que les marchés financiers sont analysés en temps réel par toutes sortes de nouveaux outils issus de l’intelligence artificielle (AI) ou de l’analyse des données massives (Big Data), en quoi l’utilisation des bandes de Bollinger est-elle encore utile pour interpréter les mouvements des prix sur les marchés?

La plupart des applications reposant sur l’intelligence artificielle (AI) ou encore les instruments utilisés pour le trading à haute fréquence (HFT) agissent sur la base de séquences très courtes, de l’ordre de la microseconde. La vaste majorité de ces efforts se rapportent à des opérations de «scalping», soit des opérations consistant à ouvrir et refermer très rapidement des positions dans un intervalle très court afin d’exploiter de faibles mouvements de marchés. Le but est de mettre à profit de petits montants liés à des transactions individuelles. Depuis que les bandes de Bollinger existent, ce n’est pas la première fois qu’une innovation technologique importante est apparue sur le marché.

Il y a maintenant davantage de «bruit»
sur les marchés que par le passé.
Votre approche d’analyse a donc su traverser différentes vagues technologiques?

On peut citer trois grandes phases de développement clés sur les marchés depuis les années 1980. En 1981, les marchés ont connu plusieurs changements structurels importants. 1981 est l’année où les futures sur indices en actions, les «stocks index futures», ont été lancés aux Etats-Unis. Cette année-là, des futures ont aussi été lancés sur l’indice S&P 500. Un peu plus tard, il y a eu les options sur indices. A la même période, on a aussi vu apparaître les premières formes de trading basé sur des programmes. A cette époque, il fallait toutefois encore utiliser des tickets de trading pour réaliser les transactions – tout n’était de loin pas encore automatisé.

La deuxième étape importante a été l’apparition des fonds sur indices, les ancêtres des ETFs actuels. Cela a permis aux investisseurs de s’exposer rapidement et facilement à des indices, en pouvant les acheter et les revendre facilement. La troisième étape a été celle de l’automatisation du market making pour les actions. Le résultat de tout cela est que le «bruit» n’a cessé d’augmenter. En particulier lorsque l’on observe l’évolution de courtes séquences – d’une minute, de dix minutes, etc. Il y a maintenant davantage de «bruit» sur les marchés que par le passé.

Y a-t-il vraiment beaucoup plus de «bruit» aujourd’hui qu’auparavant? Et pourquoi?

Oh, oui, beaucoup plus. Pas seulement concernant les actions mais aussi avec les futures, les arbitrages sur indices, etc. Mais si l’on prend maintenant en considération des horizons un tout petit peu plus longs, on observe que la plupart des activités que j’ai évoquées auparavant n’ont qu’un impact à très court terme. Beaucoup de ces opérations de trading algorithmique contribuent surtout à accélérer les mouvements au moment où ils commencent mais cela ne modifie pas les tendances d’un point de vue fondamental. Ces opérations ont accéléré le rythme sur les marchés – ce qui prenait parfois des jours ou des semaines se produit maintenant en quelques secondes.

Les règles de base des bandes de Bollinger fonctionnent-elles encore malgré ces développements?

Oui, bien entendu! Les règles en lien avec les bandes de Bollinger, certains indicateurs techniques et outils techniques, fonctionnent toujours aussi bien que par le passé. La raison en est que ces indicateurs reposent sur ce que l’on appelle des principes de base, ou «first principles», s’appliquant aux marchés. Ces règles tiennent compte des caractéristiques de base de l’offre et de la demande. Mais aussi de la psychologie humaine. Tous ces éléments ne changent pas. Les informations que les bandes de Bollinger utilisent dérivent de principes centraux liés au fonctionnement des marchés. C’est pourquoi elles continueront de fonctionner à l’avenir.

Les bandes de Bollinger sont un outil à disposition de l’investisseur.
Elles ne constituent toutefois pas un système de trading en soi.
Peut-on les utiliser de la même manière qu’il y a trente ans?

Un autre aspect important à mentionner est que les bandes de Bollinger sont souvent utilisées de manière très variée par différents traders ou investisseurs. C’est pourquoi, même à une époque où beaucoup de choses sont automatisées, il est impossible d’effectuer des arbitrages seulement sur cette base. Vous pouvez effectuer un arbitrage reposant sur tel ou tel indicateur des bandes de Bollinger – mais vous ne pouvez pas faire de l’arbitrage à l’aide des instruments de base de l’analyse technique.

Si tout le monde regarde les bandes de Bollinger de la même manière, tout le monde finira par anticiper certaines réactions du marché. N’est-ce pas un risque?

C’est une théorie sympathique mais qui ne correspond pas à la réalité. Cela, justement, parce que chacun utilise les bandes de Bollinger de manière différente. Certains investisseurs s’y intéressent dans le cadre de stratégies dites de retour vers la moyenne («mean reversion»), d’autres pour le trading algorithmique, d’autres encore pour des opérations de «scalping». Les périodes prises en compte varient aussi: elles sont utilisées pour analyser des barres sur une base horaire, quotidienne, hebdomadaire, mensuelles, etc. Les bandes de Bollinger sont un outil à disposition de l’investisseur – elles ne constituent toutefois pas un système de trading en soi.

Depuis sa création, quelles améliorations ont été apportées au modèle des bandes de Bollinger?

Le modèle de base des bandes de Bollinger – qui, pour l’essentiel, permet de dire si le prix d’un titre donné est cher ou bon marché sur une base relative - est le même qu’il y a 35 ans. Au cours des dix à quinze dernières années, nous avons créé un certain nombre d’indicateurs additionnels. On dispose aussi d’un certain nombre d’indicateurs pour chaque discipline, par exemple pour les calculs de retour vers la moyenne («mean reversal»), le suivi de tendance («trend following»), etc. Les concepts de base n’ont, eux, pas changé.

En tant qu’expert de l’analyse technique, avez-vous été surpris par l’ampleur de la correction des marchés survenue en décembre dernier, puis par l’ampleur du rebond qui a suivi en janvier?

Non, pas du tout. Quand j’ai vu certains bas niveaux atteints la veille de Noël, c’était pour moi comme un cadeau de Noël ! Il y avait à l’évidence quelque chose d’exagéré dans la chute des marchés observée entre la mi-décembre et les jours qui ont précédé Noël. Beaucoup d’indicateurs techniques laissaient prévoir un mouvement de balancier. Et entre la semaine et les dix jours qui ont suivi, la plupart de ces signaux ont été confirmés. Cela a créé un cadre favorable pour un très fort rally – et ce rally n’est pas encore terminé.

Qu’attendez-vous pour les prochains mois sur les marchés?

Je pense qu’il y a de bonnes chances que ce rally se poursuive jusqu’au milieu de cette année. Certainement qu’un « top » va finir par se développer à un certain moment mais rien n’indique, pour le moment, que ce soit le cas actuellement.