Le marché sous-estime les tendances de fond essentielles

Yves Hulmann

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Pour Rudi van den Eynde, de Candriam, l’impact de la robotique n’est, par exemple, pas encore suffisamment pris en compte.

De multiples approches existent en matière d’investissement durable. Certains investisseurs se limitent à exclure certaines activités spécifiques de leur univers de placement. D’autres, au contraire, cherchent à évaluer de manière très précise l’impact de leurs investissements («impact investing»). Dans une perspective plus large, Rudi van den Eynde, Head of Thematic Global Equity chez Candriam, intègre, lui, les principes d’investissement durable dans le cadre de placements thématiques. Entretien.

Vous gérez un fonds consacré aux actions thématiques globales. Comment intégrez-vous les critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) dans votre approche d’investissement?

Tout d’abord, nous analysons les sociétés d’un point de vue fondamental, comme n’importe quel gérant de fonds. Ensuite, la particularité est que nous intégrons directement les critères ESG dans notre grille d’analyse. Nous effectuons à la fois une recherche sur le plan macroéconomique, pour déceler les tendances du moment, et microéconomique, par exemple en évaluant la qualité du management d’une société.

«Nous ne nous limitons pas à une branche ou un secteur d’activité donné.»
Comment choisissez-vous vos thèmes d’investissement?

S’agissant du choix des thèmes, l’idée générale est d’évaluer comment certaines tendances affecteront la société dans son ensemble - et quelles entreprises présentent un potentiel intéressant pour les investisseurs compte tenu de cette tendance. Nous ne nous limitons pas à une branche ou un secteur d’activité donné – au contraire, nous essayons d’intégrer toutes les sociétés qui disposent d’un potentiel de développement intéressant autour d’un domaine donné.

Dans quels domaines par exemple?

Si l’on prend l’exemple de notre fonds consacré à la démographie, lancé en 2012 et dont les actifs sous gestion atteignent quelque 600 millions d’euros, le but était d’intégrer différentes tendances de fond, par exemple le rôle joué par les Millenials ou l’émergence d’une classe moyenne dans de nombreux pays émergents. Ensuite, on cherche à évaluer quelles sociétés tireront le mieux parti de ces tendances. Même chose pour le fonds consacré à la robotique lancé en 2016.
Quel que soit le domaine, si le thème que vous avez choisi est suffisamment vaste et son importance fondamentale pour la société, vous savez que cette thématique va se développer favorablement, indépendamment des variations boursières à court terme.

N’y a-t-il pas le risque de céder à des effets de mode? Tout le monde parle, par exemple, de robotique mais est-ce un thème vraiment intéressant pour les investisseurs actuellement?

Habituellement, lorsqu’un thème vraiment important arrive, l’expérience montre au contraire que ses effets sont parfois sous-estimés au départ par la société et les marchés. Si l’on prend l’exemple des technologies liées à l’essor d’Internet, on peut observer maintenant que tous les pronostics du début des années 2000 ont en réalité été déjà dépassés. C’est le cas de l’usage de l’Internet mobile, de l’essor du commerce en ligne, etc. Pour la robotique, je pense qu’il en ira certainement de même.

«Les principes ESG doivent être placés tout en haut
des principes de sélection des investissements.»
Pourquoi?

En matière de robotique et d’automatisation, on voit déjà que certains développements – encore considérés comme futuristes il y a quelques années – sont déjà devenus une réalité. A titre d’anecdote, si vous regardez le film «Minority Report» qui date du début des années 2000, plusieurs aspects qui étaient alors présentés comme de la science-fiction sont déjà possibles actuellement.

En tant qu’investisseur dans des fonds thématiques, essayez-vous d’influencer les sociétés pour qu’elles tiennent compte des critères ESG?

Oui, nous essayons toujours d’influencer dans ce sens les entreprises dans lesquelles nous investissons. Les principes ESG doivent être placés tout en haut des principes de sélection des investissements.

Comment agissez-vous lorsqu’une entreprise est innovante tout en étant présente dans un secteur, par exemple l’énergie, qui n’a pas un bon score ESG?

L’idée n’est jamais d’exclure complètement un secteur entier de notre univers d’investissement. Les scores ESG attribués sont toujours relatifs par rapport à un secteur donné. Dans le domaine minier par exemple, on peut certes dire que l’extraction de cuivre est une activité polluante. Pour autant, nous n’allons pas complètement exclure les exploitants de mines de cuivre car on aura toujours besoin de ce métal – y compris pour fabriquer des voitures électriques. L’idée est de garder les entreprises qui ont un bon score ESG au sein de cette branche d’activité. En revanche, il arrive que nous excluions complètement une activité, par exemple la production d’électricité au moyen du charbon. Ou alors, le tabac.

Quels types d’investisseurs s’intéressent aux fonds thématiques?

Il y a toutes sortes de profils: aussi bien des investisseurs institutionnels, des personnes privées fortunées que des fonds de fonds. Les fonds thématiques entrent typiquement dans le cadre d’un portefeuille en tant que stratégie satellite capable de générer de l’alpha sur la durée. Ce type d’investissement s’adresse aux personnes qui placent de l’argent puis l’«oublient» pendant 10 ou 20 ans. Car même lorsque les bourses corrigent momentanément, l’élément moteur de la performance du fonds reste intact si le thème choisi est vraiment important.

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