Le greenium

Salima Barragan

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Romain Miginiac d’Atlanticomnium estime qu'à note de crédit égale, une obligation verte peut générer un rendement trois fois supérieur à un titre IG européen.

Pourquoi les obligations vertes offrent-elles un rendement moyen entre 1 et 10 points de base en-dessous de leurs pairs non verts, à note de crédit, taux d’intérêt et échéance identiques? Selon Romain Miginiac d’Atlanticomnium, la société de gestion de fonds indépendante qui gère la nouvelle stratégie obligataire sur le climat durable de GAM Investments, le greenium – soit la prime des obligations vertes – est justifiée par leurs fondamentaux plus robustes. Entretien.

A l’heure actuelle, quels standards s’accordent sur la définition d’une obligation verte?

S’il n’y pas de définition légale, les green bonds pour lesquels des fonds sont levés doivent financer des projets poursuivant un but environnemental tels que le développement des énergies renouvelables. Dans l’industrie, les émetteurs se conforment typiquement aux Green Bond Principles de l’International Capital Market Association (ICMA) – un benchmark du vaste cadre de cet univers – qui permet de s’assurer un minimum de gouvernance et de processus de contrôle. Si ces standards permettent certaines latitudes, les émetteurs doivent toutefois satisfaire les critères requis par ces principes.

Un émetteur ne pourrait-il pas labeliser «verte» une émission conventionnelle?

C’est possible dans la mesure où il n’y a pas un standard légal ou régulatoire. On pourrait imaginer une société qui émet des obligations pour financer des projets verts mais qui ne conforme pas aux standards de marché tels que l’ICMA Green Bond Principles.  Mais à moins de développer un cadre robuste qui offre une visibilité aux investisseurs sur l’utilisation des fonds ainsi qu’une estimation de l’impact environnemental, l’aspect «vert» de l’obligation serait surement sérieusement remis en question. Les normes actuelles telles que les GBP de l'ICMA ou les futures normes sur les obligations vertes de l'Union européenne sont très favorables à cet égard.

Les émetteurs sont tenus de fournir des indicateurs clés environnementaux de l’impact de leurs projets.
Comment mesure-t-on l’impact réel des green bonds?

Les émetteurs sont tenus de fournir des indicateurs clés environnementaux de l’impact de leurs projets. En général, ce sont des éléments quantitatifs, tels que l’indicateur du nombre de tonnes de CO2 réduit par rapport à une moyenne du secteur et du pays – la situation de référence; une mesure qui permet de relativiser l’impact du projet durable. Ou encore le volume de déchets ou d’eau traités. A côté, il existe des indicateurs qualitatifs, tels que les Objectifs de développement durable des Nations Unies qui réunissent des thématiques plus globales, que les émetteurs peuvent associer aux projets financés.

Les reportings extra-financiers entre les différents émetteurs se valent-ils?

Les émetteurs communiquent sur l’impact de leurs projets, mais la qualité et comparabilité des reportings n’est pas pour autant garantie car les méthodologies de calcul et les hypothèses utilisées diffèrent, ce qui rend les comparaisons difficiles.

Quel est le rendement d’une obligation verte vis-à-vis d’un titre similaire non vert (à note de crédit, échéance et taux d’intérêt identiques)?

En investissant dans des obligations vertes de banques et d’assureurs européens, nous pouvons générer un rendement de 1% pour une note de crédit de BBB+, ce qui est trois fois supérieur à celui du marché «Investment Grade» européen. Mais le premium d’une obligation verte, ou la perte de rendement, est d’environ de 0 à 10 points de base de moins qu’un titre non vert similaire car les émissions vertes ont tendance à être davantage liquides, en particulier durant les périodes de crise, et seraient également moins volatiles que les non-vertes. Ce «greenium» n’est ainsi pas forcément associé à une perte de rendement, mais à une structure plus robuste. Le travail d’analyse sur ces émissions est à ses débuts, mais certains signes montrent déjà que le greenium est davantage justifié par des fondamentaux que par des facteurs extra-financiers.

Pouvez-vous nous illustrer quelques exemples d’obligations vertes que vous avez en portefeuille?

Nous avons une émission de la banque espagnole BBVA. Active sur les marchés émergents, elle ambitionne de financer et faciliter 200 milliards d’euros de financement durable d’ici 2025. Pour soutenir sa stratégie Net Zéro, elle émet des obligations vertes pour financer un vaste panel de projets avec un impact environnemental positif. Nous détenons également des titres verts Tier 2 d’AXA, le fondateur de la Net Zero Insurance Alliance, qui a développé une stratégie d’exclusion des activités charbon particulièrement ambitieuse. AXA émet des obligations vertes qui peuvent financer par exemple des projets tels que l’énergie renouvelable ou d’immeubles à haute efficience énergétique. En Norvège, nous avons une émission de Storebrand, un des leaders de l’assurance vie du pays, qui dispose d’une stratégie environnementale avancée et très claire sur leur objectif Net Zéro. Ils utilisent les green bonds pour financer leurs portefeuilles d’infrastructure et d'immobilier verts. En Hollande, De Volksbank qui est un acteur concentré dans le crédit immobilier, vise à atteindre le Net Zéro avant 2050 sur l’ensemble de son bilan et émet des obligations vertes pour ses activités de crédit immobiliers «verts». Enfin, Rabobank a une stratégie ciblée sur ses Green bonds pour financer de nouveaux projets d’énergie renouvelable.