La taille critique d'une banque ne tient pas à celle de son bilan

Nicolette de Joncaire

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Barings Brothers fut l'un des symboles de l'histoire de la finance. Aujourd'hui le nom de Sturdza s'est imposé en Suisse. Entretien avec Eric Sturdza.

Ecouter Eric Sturdza est un peu feuilleter l'histoire de la finance moderne. Qui peut encore prétendre avoir été témoin direct de la fin des accords de Bretton Woods en 1971 et de l'avènement des changes flottants de 1973? Qui se souvient avec précision du krach de 1987 ou de la crise Tequila de 1994? Mais Eric Sturdza n'est pas que mémoire. Il est encore bien présent aujourd'hui avec deux banques et deux sociétés de gestion qui portent son nom. Entretien avec un homme discret, passionné de tennis et de finance, qui considère que la taille critique d'une banque se mesure à la concentration de son savoir-faire.

Depuis deux ans, la Banque Baring Brothers Sturdza est devenue la Banque Eric Sturdza. Ce changement porte-t-il ses fruits?
Le nom de Sturdza, peu connu du public il y a dix ans, reflète aujourd'hui un réel capital de confiance. Baring Brothers fut l'un des grands symboles de l'histoire de la banque mais ne porte plus le poids qui fut le sien. A l'inverse le nom de Sturdza s'est progressivement imposé, notamment grâce au succès de la famille des fonds d’investissement EI Sturdza. Le changement de nom apporte une vraie cohérence à l'ensemble de nos activités et des synergies très positives entre les différents composants. Cela nous protège aussi des propositions de rachat intempestives…
«Nous sommes très attentifs au processus
de sélection d'un gérant.»
Votre gestion d'actifs, EI Sturdza Investment Funds compte quelques-uns des managers les plus performants du marché dont Willem Vinke sur les actions européennes et Lilian Co sur les titres chinois. Comment attirez-vous des gérants de ce calibre?
En leur assurant simultanément un soutien fort et une grande liberté d'action. Nous sommes très attentifs au processus de sélection d'un gérant qui est d'ailleurs fort long et nous permet de nous assurer que ses intérêts, ceux des clients et du groupe Eric Sturdza soient parfaitement alignés. Une fois adopté, un gérant sait qu'il peut compter sur une autonomie impensable au sein d'une grande banque. Au fil des années, nous avons eu la chance de rencontrer de nombreux gérants de talent et avons réussi à mettre en place des partenariats de gestion exclusifs. En contrepartie de cette exclusivité, nous procurons aux gérants tout le confort et les services nécessaires pour qu’ils puissent travailler sereinement. Le bon choix d'un gérant est aussi question de moment. Pour ne citer qu'un exemple, en octobre 2008 et en dépit de la dynamique négative de l'époque, nous avons lancé un fonds chinois. Avec un succès aujourd'hui démontré.
Votre nom est également associé à la jeune société de gestion française VIA AM. Quelle est la nature de ce partenariat?
Attirés par l'approche hors-norme de Guillaume Dolisi et de Laurent Pla, fondée sur des stratégies quantitatives et une normalisation de la comptabilité et distinguée par le fonds d'incubation français EMERGENCE, nous avons pris une participation dans la société VIA AM pour lancer des fonds de droit luxembourgeois qui, en 18 mois, sont passés de 200 à 500 millions sous gestion.
«La clientèle privée
est la colonne vertébrale du groupe.»
A combien se montent les actifs sous gestion de l'ensemble Banque Eric Sturdza et EI Sturdza IM?
Ils sont de l'ordre de 10 milliards de francs dont 3,8 milliards gérés par l'asset management. La clientèle privée est la colonne vertébrale du groupe. Il me parait important de souligner que nous travaillons sur des convictions fortes et co-investissons dans tous les fonds que nous recommandons.
Le débat gestion active versus gestion passive redevient d'actualité. Qu'en pensez-vous?
Les ETF faussent le marché en gonflant les volumes sur des titres de sociétés souvent surévalués et négligeant celles dont le potentiel de croissance est le plus élevé.
En marge de la Banque Eric Sturdza, vous êtes également associé de la banque Pâris Bertrand Sturdza que vous avez cofondée en 2008. Pourquoi vous diversifier et limiter potentiellement ainsi votre groupe de base?
Parce que je crois à la compétence et non aux volumes. La taille critique d'une banque ne se mesure pas à celle de son bilan qui n'est en aucun cas garantie de performance et de qualité du service, mais à la concentration de son savoir-faire. J’ai préféré développer mon groupe de manière horizontale plutôt que verticale avec deux banques privées et une société de gestion de fortune à Genève, ainsi que deux sociétés de gestion gérant des fonds d’investissement de droit irlandais et luxembourgeois. La formidable équipe de Pierre Pâris et Olivier Bertrand - tous deux venus d'UBS - vole parfaitement de ses propres ailes.
«Je suis très optimiste sur l'avenir
de la banque et la loyauté de nos clients.»
Votre groupe appartient à une holding familiale. Comment envisagez-vous votre succession?
La banque est dans les mains de la famille Sturdza et le restera. Mes enfants ainsi qu'un neveu et une nièce travaillent à la banque et sont totalement impliqués dans la gestion de l’entreprise, au même titre que notre directeur général Raphael Jaquet, ancien partenaire de KPMG. Je suis très optimiste sur l'avenir de la banque et la loyauté de nos clients dont certains me font confiance depuis 35 ou 40 ans. Prendrai-je un jour ma retraite? C'est peu probable. Le métier de retraité est trop éloigné de ma passion pour l’investissement.
Stan Wawrinka participera-t-il au prochain Banque Eric Sturdza Geneva Open en 2018?
Je souhaite de tout cœur que Stan soit à nouveau présent au Banque Eric Sturdza Geneva Open 2018. C’est un joueur extraordinaire qui, je l’espère, attirera de nouveaux jeunes à venir se dépasser sur les courts du Tennis Club du Parc des Eaux-Vives. Si je peux contribuer à faire éclore d'authentiques talents, j’en serais très heureux.