La prochaine bulle?

Salima Barragan

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Louis-Vincent Gave de Gavekal Research explique pourquoi les marchés émergents ne sombrent pas malgré une géopolitique explosive, un dollar fort et la Chine qui s’effondre.

Nostalgiques de la décennie flamboyante des actions technologiques, les investisseurs désireux de retourner dans les titres de croissance cherchent à savoir à quel moment la Fed cessera de relever ses taux d’intérêt. «Une fois qu’une bulle implose, il faut passer à autre chose», estime Louis Vincent Gave, stratégiste chez Gavekal Research. Les sanctions européennes, qui s’assimilent à la fin du droit à la propriété dans le monde occidental, ont porté les marchés émergents, qui malgré le contexte géopolitique explosif, un dollar fort, le resserrement monétaire de la Fed et la Chine qui s’effondre, surpassent les bourses occidentales. La prochaine bulle? Entretien.

L’Europe s’est-elle tiré une balle dans le pied en gelant les avoirs des oligarques russes et de la Banque centrale russe?

Cette manœuvre fut une terrible erreur, car elle ôte à l’Europe son avantage sur d’autres pays: le droit à la propriété qui est dorénavant lié à la nationalité. Depuis ces évènements, les marchés obligataires et d’actions des marchés développés se sont effondrés, contrairement aux actifs émergents. Après la crise asiatique, les pays orientaux ont commencé à acquérir des bons du Trésor et des valeurs immobilières de l’Occident, parce qu’ils avaient un profil de sécurité plus élevé. En l’espace de 25 ans, les pays dotés d’une balance commerciale excédentaire, comme la Corée ou la Chine, ont investi massivement dans les bons du Trésor américain. La nationalisation des actifs d’oligarques russes a envoyé un message à tous les pays émergents: les valeurs des pays développés ne sont plus sûrs. Mais le plus frappant demeure que les règles de propriété ont été modifiées à la suite d’une réunion du G7, sans aucune consultation des parlements ni de la cour de justice. L’Europe a ainsi facilement saisi les actifs de la Banque centrale russe. Malgré un dollar qui est monté très fort, une Fed qui resserre ses taux aussi très forts, et une Chine qui s’effondre, les pays émergents ont surperformé.

Les entreprises dont les actifs sont sous terre ne vont pas s’engager dans des dépenses d’investissement lorsque les gouvernements changent les règles leur guise.
Quelles sont les conséquences de ces décisions pour les compagnies pétrolières et les grands groupes industriels européens, dont les contrats énergétiques à long terme ont été démantelés par l’Union européenne?

Les investissements nécessitent un cadre juridique fiable. Or, dès que les politiciens sacrifient la validité des contrats et s’octroient le droit de changer le contrat sans aucune possibilité de recours – ce qui implique du temps perdu et des frais légaux –, les sociétés préfèrent arrêter d’investir. Les entreprises dont les actifs sont sous terre ne vont pas s’engager dans des dépenses d’investissement lorsque les gouvernements changent les règles leur guise.

Depuis la pandémie, l’on entend beaucoup parler de la dé-globalisation. Pensez-vous que la crise en Ukraine va précipiter les marchés sur ce modèle?

Le battage médiatique met en avant les chaines de production mondiale, mais celle qui compte vraiment, c’est la dé-globalisation financière. Un épargnant chinois va-t-il investir dans l’immobilier à Vancouver? Si l’épargne européenne se limite à la zone euro, elle ne réussira pas à atteindre le taux de croissance nécessaire alors que la population vieillit. De même, l’épargne américaine n’arrivera pas à financer les déficits budgétaires gargantuesques. La seule façon de financer des déficits énormes consiste à actionner la planche à billets au risque de mener sur l’inflation.

Quelles sont vos perspectives économiques et comment investir dans ce contexte?

Le développement restera très binaire avec un retentissement visible en Europe, voire une récession aux États-Unis, alors que la Chine réouvre son économie. Cette dernière constituera le moteur de croissance qui soutiendra les autres pays émergents. L’Europe qui exporte énormément dans les pays émergents pourrait aussi en profiter.

La plupart des investisseurs passent leur journée à se poser la question de savoir quand la Fed va arrêter de monter ses taux afin de réinvestir dans les valeurs technologiques qui ont prospéré durant ces dernières années, mais cette bulle est finie. Une fois la bulle Peloton et Cie implosée, il faut passer à autre chose. La prochaine bulle sera sur les marchés émergents et l’énergie; des thèmes à surpondérer.

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