La plateforme THEAM Quant investit en Suisse

Emmanuel Garessus

4 minutes de lecture

Le groupe veut répondre à l’attrait croissant des placements alternatifs liquides. Avec Hugues de La Rochefoucauld, de la plateforme THEAM Quant.

La corrélation des actions et des obligations a fortement pénalisé les portefeuilles en 2022. Le besoin d’alternatives s’est nettement accru.  Le fonds BNP Paribas THEAM Quant Cross Asset High Focus, qui a gagné +25% en 2022, s’inscrit dans cette philosophie d’investissements complémentaires et décorrélés.

A l’heure où la plateforme THEAM de BNP Paribas investit en Suisse, et nomme Hugues de La Rochefoucauld à la tête de la distribution de l’ensemble de ses fonds en Suisse, Allnews fait le point avec ce dernier en particulier sur le fonds «Cross Asset High Focus» cité plus haut et lancé début novembre 2021, afin de connaître ses vues pour 2024. Le processus d’investissement se concentre sur six stratégies quantitatives qui se veulent décorrélées et systématiques.

THEAM Quant est une collaboration entre BNP Paribas Asset Management et BNP Paribas Global Markets. Elle se concentre sur des stratégies développées par la banque et intégrées dans les fonds du gérant d’actifs. La plateforme quant de BNP Paribas (Quantitative Investment Solutions) gère 50 milliards d’euros au total, incluant 5,5 milliards pour la gamme de fonds THEAM. BNP Paribas AM gère 600 milliards d’euros d’actifs.

Pourquoi THEAM a-t-elle décidé d’investir en Suisse et d’accentuer son effort commercial?

Le marché suisse représente une clientèle sophistiquée et à la recherche de stratégies alternatives et différenciantes. Nous revenons de réaliser une présentation de notre offre à Genève, Lausanne, Zurich et Lugano. Nous avons clairement observé un intérêt marqué pour les fonds alternatifs liquides. L’année 2022 a souligné les mérites d’une réelle diversification en dehors des classes d’actifs traditionnelles. En principe les actions et les obligations offrent une diversification, mais en réalité, plus souvent qu’on ne le pense, la corrélation est forte entre ces deux actifs.

«Nous sommes des mathématiciens et sélectionnons des stratégies ayant le potentiel de perdurer.»
Pourquoi privilégier des solutions liquides au sein des fonds alternatifs?

L’univers de la gestion alternative est très vaste, des hedge funds, en passant par la dette privée et le private equity. Il est illiquide par définition. Dans un environnement incertain et une rémunération du cash plus élevée que dans le passé, il nous semble qu’un besoin émerge en faveur d’une diversification liquide qui permette une grande marge de manœuvre à l’investisseur.

Nous pouvons offrir des rendements potentiellement non corrélés, comme les hedge funds, mais avec une liquidité quotidienne et à un coût beaucoup plus faible (<1% et sans commissions de surperformances), proche du pricing de la gestion indicielle. Non seulement, nos solutions sont peu corrélées sur le long-terme mais elles fonctionnent souvent mieux lorsque les marchés actions et obligations sont turbulents.  Lors des dix dernières années, avec des taux extrêmement bas, les marchés étaient assez unidirectionnels. En 2022, nous avons assisté à un profond changement d’environnement. Les portefeuilles équilibrés ont souvent été à la peine en 2022 et 2023.  L’investisseur apprécie une diversification en dehors des actions et des obligations.

Vous avez très bien performé en 2022 et insisté sur cette année, mais pourquoi le rendement n’est-il que de 6 à 7% en 2023?

Nous avons lancé le fonds à la fin 2021. Nous n’insistons pas simplement sur une très bonne année parce que cela nous arrange. Notre portefeuille contient six stratégies et son approche est systématique. Certaines se portent bien quand les classes d’actifs traditionnelles montent et d’autres quand elles baissent. Mieux vaut considérer le rendement à long terme à travers les cycles.  

Quelles sont vos convictions pour 2024?

Nos convictions portent non pas sur des scénarios de marché en fonction de nos perspectives macroéconomiques mais elles se concentrent sur les vertus que nous attribuons à nos six stratégies sous-jacentes. Nous sommes convaincus que, peu importe l’environnement macroéconomique, nos solutions contiennent des types de comportements qui devraient nous permettre d’espérer de performer positivement, et potentiellement mieux que les autres classes d’actifs si celles-ci sont en recul.

Nous sommes d’abord convaincus de la nécessité d’une bonne diversification des risques, sans qu’elle soit trop diluée.

Concrètement, que contient le fonds?

Notre portefeuille comprend deux stratégies de momentum, deux stratégies «carry», fort utiles quand les marchés stagnent, et deux stratégies de valeur relative, appropriées durant les phases de forte volatilité (souvent associées à une période d’aversion au risque). Ces stratégies sont complémentaires et s’appuient sur toutes les classes d’actifs classiques: taux de change, taux d’intérêt, matières premières et actions. Par nature, il n’y a pas de corrélation forte entre les tendances des matières premières et la stratégie de «carry»  sur la courbe future de l’indice de volatilité VIX. Pour mieux préserver le capital à long terme, chaque stratégie cherche également à minimiser le risque de perte maximale (drawdown). Une année de crise est en effet susceptible d’annihiler plusieurs années de bonne performance.

Pouvez-vous présenter l’une des six sous-stratégies?

L’une de nos stratégies porte sur la volatilité des actions. Elle nous permet d’être «long» sur l’indice VIX. C’est donc une stratégie défensive, mais elle est forcément coûteuse en raison de la structure du marché. Le «carry» est en effet cher. C’est la raison pour laquelle nous sommes «long VIX» de façon dynamique afin d’avoir une position modeste quand le VIX est bas et plus grande si le VIX est plus élevé. Nous finançons cette stratégie en vendant des options out-of-the-money sur le S&P. Ces deux éléments mis ensemble permettent de viser un rendement légèrement positif à long terme. Il n’est pas sans risque de vendre des options out-of-the-money, mais la dynamique des marchés d’actions font qu’en cas de panique prononcée cette stratégie devrait offrir une bonne protection. En 2022, cette stratégie a été la plus malheureuse des six parce que les actions ont baissé mais sans panique, le VIX n’ayant presque pas bougé. L’avantage d’être systématique est d’être prêt en cas de choc très négatif. Aujourd’hui, l’indice VIX est au plus bas depuis trois ans.

Qu’en est-il de votre performance en 2023?

Les deux meilleures stratégies sont celles de portage («carry»), dont l’une en raison d’une normalisation des matières premières en début d’année. Cette année, les tendances des classes d’actifs sont très faibles, à l’inverse de 2022, et les stratégies de valeur relative, comme celle sur le VIX, sont négatives.

«La grande différence de notre fonds avec les hedge funds tient au fait que nous ne faisons pas de choix discrétionnaire.»
Est-ce que vous changez régulièrement vos stratégies?

Non. Nous sommes des mathématiciens et sélectionnons des stratégies ayant le potentiel de perdurer.

Le poids de chaque stratégie a été calibré pour tenir compte de caractéristiques telles que le maximum drawdown. Nous procédons à un rééquilibrage des pondérations des 6 stratégies à un rythme mensuel. L’un des avantages pour l’investisseur de disposer de cette composition fixe est de savoir que dans six mois les ingrédients du fonds seront identiques. Avant le lancement du fonds, intervenu en 2021, nous avons pu observer dans des simulations les mérites de notre stratégie même durant le covid. Même si le fonds a été lancé en novembre 2021, les 6 stratégies le composant existent et sont actives depuis plusieurs années (entre 3-10 ans). Leur historique nous a permis de tester la robustesse du portefeuille.

Vous indiquez que vous  prévoyez un rendement annuel de 10 à 20%. Est-ce une promesse?

Non. Nous n’offrons aucune garantie de rendement. La volatilité moyenne du fonds atteint 15%, ce qui est relativement élevé. Sur cette base, un rendement de 10% à long terme peut être considéré comme satisfaisant.

Ce niveau de volatilité permet d’offrir le potentiel de rendements élevés partant de l’idée que les investisseurs sont peu exposés aux alternatifs liquides. Pour dépasser 20%, il faudrait que des événements tels que ceux que l’on a rencontrés en 2022 se répètent à nouveau.

Les fonds quants attirent-ils les investisseurs en ce moment?

L’intérêt des investisseurs est très marqué. Après deux ans, nous arrivons presque à 1 milliard d’euros d’actifs sous gestion pour le fonds THEAM Cross Asset High Focus. Ce succès exprime un besoin de diversification par rapport aux actifs traditionnels.

A une époque de forte transparence, est-il possible de convaincre les clients avec une stratégie aussi complexe?

Nous utilisons des stratégies existantes avec un track record réel qui fonctionnent de façon systématique.

Les clients ont besoin de transparence. Il est plus facile d’expliquer les atouts d’une seule action que d’un fonds quant. Mais au sein des placements alternatifs, nous offrons autant de transparence que possible. Nous n’avons que six stratégies dans le fonds, avec une liquidité quotidienne. Nous ne faisons pas partie de l’univers des hedge funds et de leurs secrets.

La grande différence de notre fonds avec les hedge funds tient au fait que nous ne faisons pas de choix discrétionnaire.

Quel est le levier?

Sans levier, la volatilité attendue serait très basse, donc le rendement potentiel. Le levier sur nos stratégies sous-jacentes  est de cinq fois et il est fixe. A l’inverse du «leverage» traditionnel, qui se traduit par l’emprunt de cash, pour implémenter notre stratégie nous n’avons pas besoin de cash. C’est un levier nécessaire pour atteindre cette volatilité et qui est inhérent aux instruments que nous utilisons pour exécuter ces 6 différentes stratégies sous-jacentes.

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