La gestion d’actifs a un grand potentiel en Suisse

Yves Hulmann

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August Benz, vice-CEO de l’ASB, explique pourquoi la place financière suisse a une excellente carte à jouer dans ce segment.

Bilan contrasté pour le secteur bancaire en Suisse en 2017. Comme l’indique l’Association suisse des banquiers (ASB) dans le Baromètre bancaire 2018, le nombre d’établissements bancaires a diminué à 253 instituts (-8). Côté résultats, le bénéfice annuel consolidé a en revanche progressé de 24% pour atteindre 9,8 milliards de francs. Au sujet de l’emploi, le recul des effectifs de 7,7% à 93’554 postes (équivalent à plein temps) observé l’an dernier dans le secteur bancaire est principalement dû à un transfert d’activités de la maison mère vers des sociétés de services intragroupe, sans licence bancaire, effectué au sein d’une grande banque. La baisse se limite toutefois à -0,9% (100'496 emplois) si on la corrige de cet effet exceptionnel. August Benz, vice-CEO et responsable de la gestion de fortune et de la gestion d’actifs (Private Banking & Asset Management) auprès de l’Association suisse des banquiers (ASB), commente les principaux résultats de l’étude.

En 2017, on comptait encore 253 établissements bancaires en Suisse, soit huit de moins que l’an précédant. Comment interpréter ce recul : est-ce mauvais signe ou les établissements restants en Suisse sont-ils plus solides? 

Il faut souligner que les huit banques en moins dénombrées en Suisse l’an dernier étaient toutes des sociétés en mains étrangères, des «foreign owned banks» comme on les appelle dans le jargon. La décision de fermer une banque en Suisse survient souvent dans le cadre de processus de réorganisation ou de restructuration de grands groupes bancaires internationaux qui en sont les propriétaires. Hormis ces cas spécifiques, on observe plutôt un ralentissement du recul du nombre d’instituts bancaires en Suisse. Un aspect plus important que le nombre d’établissements dénombré en Suisse est à mon avis l’évolution de la création de valeur ajoutée générée par le secteur. Or, en 2017, on a observé à la fois une hausse du bénéfice brut, du bénéfice annuel consolidé ou des actifs sous gestion que ce soit en Suisse, au niveau de la gestion transfrontalière ou dans la gestion d’actifs par exemple.

«Si l’on avait accès au marché européen, je suis convaincu
que les banques helvétiques créeraient encore plus d’emplois en Suisse.»
Les effectifs (en équivalent à plein temps) n’ont que faiblement reculé (-0,9% sur un an), hors effet exceptionnel, pour se maintenir au-dessus de la barre des 100'000 emplois. En même temps, on observe que des établissements créent de nouveaux emplois à l’étranger, par exemple en ouvrant de nouveaux sites dans des pays de l’UE, plutôt qu’en Suisse. Comment analysez-vous cette évolution?

Je pense qu’il est positif que les banques suisses créent des emplois en Suisse – et à cause de la situation, elles doivent aussi les créer à l’étranger. En ce qui concerne la présence des établissements suisses en Europe, c’est une manière pour elles de s’adapter à l’évolution des relations avec l’UE. La question de l’accès aux marchés de l’UE n’est toujours pas résolue – et on ne voit pas, dans l’immédiat, de perspectives de conclusion d’un accord dans ce domaine qui permettrait aux banques suisses d’avoir accès au marché européen. Il est donc logique qu’elles génèrent sur place, dans l’UE, une partie de leur valeur ajoutée. Si l’on avait accès au marché européen, je suis convaincu que les banques helvétiques créeraient encore plus d’emplois en Suisse.

Au sujet de l’emploi, le recul des effectifs de 7,7% observé l’an dernier dans le secteur est principalement dû au transfert d’activités de la maison mère vers des sociétés de services intragroupe, sans licence bancaire, au sein d’une grande banque. Que cela signifie-t-il en termes de répartition de la création de valeur ajoutée au sein du secteur bancaire? 

La manière avec laquelle différents services se répartissent entre banques et d’autres prestataires de services est en pleine transformation. Toutefois, il serait faux de penser que l’on s’oriente vers une externalisation toujours plus importante des activités à des sociétés tierces. Il y a aussi des contre-exemples : certains établissements ont décidé de rapatrier en Suisse des activités transférées auparavant à l’étranger. Ou alors de réintégrer à l’intérieur du groupe des activités confiées à des sociétés tierces.

«La finance durable est déjà très importante en Suisse
et elle restera un sujet d’avenir important pour l’ASB.»
Dans le Baromètre bancaire 2018, l’ASB insiste sur l’importance de la gestion d’actifs pour la place financière suisse. Ce n’est toutefois pas la première initiative lancée dans ce domaine. Ce printemps, une nouvelle structure appelée Asset Management Platform (AMP) s’est fait connaître. Quel rôle entend jouer l’ASB dans ce domaine? 

Je peux d’abord citer mon engagement personnel dans ce projet – je siège moi-même au comité de pilotage de l’AMP. L’aspect novateur de cette plateforme est qu’elle portée par ses membres eux-mêmes. L’AMP n’est pas simplement une nouvelle initiative émanant d’une association ou d’une organisation – elle émane des acteurs de la branche eux-mêmes. C’est sa force. L’AMP réunit à la fois des banques, des gérants de fortune et des assurances, alors que ce domaine d’activité était très fragmenté auparavant. Je suis absolument convaincu qu’un grand potentiel existe dans la gestion d’actifs pour le secteur financier en Suisse.

Un autre secteur en pleine expansion en Suisse est celui de la finance durable. D’un côté, l’ASB se félicite de la forte croissance observée en Suisse dans ce domaine. De l’autre, la place financière suisse a manqué certaines opportunités dans ce domaine, notamment en ce qui concerne l’émission d’obligations vertes. Que peut faire l’ASB pour favoriser l’essor des placements durables?

La finance durable est déjà très importante et elle restera un sujet d’avenir important pour l’ASB. Il est certain que l’on peut encore faire davantage dans ce domaine. Notre organisation soutient toutes les initiatives qui sont entreprises pour favoriser l’essor des placements durables en Suisse.

«On ne peut surtout pas reprocher aux banques suisses
de ne pas être assez actives sur le plan de la numérisation.»
Un autre sujet très discuté en ce moment est celui de la numérisation, qui modifie en profondeur la manière de travailler dans le secteur bancaire. Quel peut être le rôle de l’ASB sur ce plan?

Nous supportons de manière très ciblée certains développements qui nécessitent une coordination entre les acteurs de la branche. C’est par exemple le cas de la signature électronique, ou e-ID, ou des solutions dans le domaine de l’informatique en nuage, ou «cloud». Les banques ne peuvent pas stocker les données de leurs clients sur des serveurs situés à l’autre bout de la planète. Nous contribuons à coordonner l’effort de recherche de solutions dans ce domaine.

Beaucoup de banques soulignent à maintes occasions à quel point les développements dans la banque numérique sont essentiels pour la branche. D’un autre côté, les banques suisses se sont montrées jusqu’ici assez frileuses par rapport à certains développements, en refusant par exemple les fonds récoltés via des ICO. Comment expliquer ces hésitations au sein de la branche?

La numérisation est aussi un processus d’apprentissage. A mon avis, on peut tout sauf reprocher aux banques suisses de ne pas être assez actives sur ce plan. Selon une étude publiée par PwC l’an dernier, 60% des établissements bancaires ont déjà une relation d’affaires avec au moins une société «fintech», une proportion qui devrait dépasser les quatre cinquièmes cette année. Les synergies avec les sociétés actives dans les technologies financières vont s’accentuer ces prochaines années.

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