La blockchain, une spécialité suisse

Salima Barragan

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La légalisation des monnaies virtuelles explique comment la Crypto Valley suisse s’est imposée mondialement. Avec Mathias Ruch, CEO de CV VC.

S’il y a un dossier que le Conseil fédéral a géré avec maestria, c’est celui de la blockchain. La souplesse du cadre réglementaire helvétique et sa fiscalité attractive à l’attention des cryptos devises attirent les pionniers de la branche depuis une dizaine d’années. Avec ses 11 licornes, ses 960 sociétés estampillées blockchain et ses 5183 employés, la Crypto Valley qui a pris ses quartiers près de la ville de Zoug, s’est rapidement imposée comme «le» hub mondial. Aujourd’hui, l’écosystème suisse pèse plus de 250 milliards de dollars US. Retour sur son développement avec Mathias Ruch, fondateur et CEO de CV Venture Capital lors d’une conférence organisée en janvier par NS Partners.

Vous considérez que la blockchain est une étape majeure pour l’avenir de la Suisse. Pour quelles raisons?

La Crypto Valley est à mon avis une formidable opportunité pour la Suisse qui concentre les leaders du secteur sur son territoire. C’est une nouvelle étape de l’évolution des technologies après celles de l’e-commerce symbolisés par Amazon, Google et Alibaba. Nous sommes entrés dans l’ère de ce que j’appelle l’internet of Value (ou 3.0), où les valeurs, les devises, (et bientôt les participations et l’immobilier) sont sécurisés dans le système de la chaine de blocs.

A l’heure actuelle, deux tiers des entreprises sont dans la finance, mais nous voyons des applications émerger dans tous les secteurs.
La Suisse a beaucoup évolué depuis l’implantation de Bitcoin Suisse en 2013. Pour quelles raisons le pays est-il aujourd’hui à l’avant-garde de la branche?

L’île portuaire de Singapour et la Suisse jouaient des coudes pour incarner la Crypto Valley. Mais les entrepreneurs ne veulent pas mener leurs affaires dans un cadre légal incertain. Les millions prêts à être investis étaient en quête d’un cadre réglementaire. Alors le gouvernement suisse qui supporte ces activités a modifié son code afin d’intégrer la nouvelle réalité des devises virtuelles. Du point de vue fiscal, elles sont traitées comme des monnaies étrangères. La Suisse a aussi introduit la notion de jetons numériques dans son code civil pour légaliser toutes les entreprises sur secteur. La loi suisse permet ainsi aux sociétés de tokeniser des parts pour refléter des participations. C’est grâce à ce climat de certitude que les entreprises du monde entier sont venues s’implanter en Suisse. La Fédération suisse de la blockchain a émergé en 2017. Deux ans plus tard, la Finma délivre des licences à deux banques cryptos: SEBA et Sygnum. En outre, l’ancien Conseiller fédéral Johann Schneider-Ammann a reconnu lors d’une allocution que la loi Distributed Ledger Technology (DLT) entérinée en 2021 est admirée par la plupart des nations technologiques et compétitrices, tels que les Etats-Unis et la Chine.

Quel est le plus grand avantage de la blockchain?

Sa double sécurité est matérialisée par la combinaison d’outils qui existent depuis une décennie: la décentralisation de la conservation des données auprès d’une multitude d’ordinateurs et la cryptologie appliquée selon un mécanisme de consensus basé sur des algorithmes. A l’heure actuelle, deux tiers des entreprises sont dans la finance, mais nous voyons des applications émerger dans tous les secteurs.

Pourquoi pensez-vous que l’Ethereum est encore plus révolutionnaire que l’incontournable Bitcoin?

L’Ethereum est le chef de fil de la seconde génération de chaine de blocs. Son programme intégré exécute des services, ce que le Bitcoin ne permet pas. D’ailleurs, l’Ethereum et une pléthore de monnaies virtuelles partageant ces caractéristiques sont sollicitées par des grandes multinationales pour aligner leurs produits dans le système, à l’exemple de groupe veveysan Nestlé.

Que fait CV Venture Capital?

Nous sommes des capital-risqueurs intéressés par des entreprises en début de croissance. Nous avons notre propre programme d’incubation à Zoug. Nous sommes également présents à Cape Town car nous voyons un énorme potentiel sur le continent africain, ainsi qu’à Vaduz et à Dubaï.

Dans quoi investissez-vous plus exactement?

Alors que les capital-risqueurs classiques investissent directement dans les cryptos devises, nous nous impliquons dans les sociétés qui utilisent la technologie pour lancer des produits et des services innovants, telles que la société Asvin qui fournit Tesla. En cas d’accident, cette société va tester le software du véhicule sur la blockchain afin de prouver aux assurances qu’il était à jour lors du choc et que le fabriquant est hors de cause.

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