La banque universelle toujours

Nicolette de Joncaire

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Le modèle n'est pas remis en question par UBS. Les synergies entre activités restent porteuses. Entretien avec Jean-François Beausoleil d'UBS.

La Suisse occupe le sixième rang dans la gestion d’actifs avec une part de marché de 4,3% et, avec près de 2000 milliards de dollars d'actifs sous gestion, UBS se maintient à la première place du classement mondial des banques privées, selon l'étude publiée en août par le cabinet Scorpio. Les banques suisses peuvent-elles légitimement conserver leur place dans le peloton de tête? Le modèle de banque universelle pratiqué par les deux géants bancaires suisses reste-t-il adapté aux transformations du paysage financier international? Jean-François Beausoleil, directeur régional d'UBS Genève, reste convaincu que le modèle de banque universelle continuera à porter ses fruits.

Comment s'articule la stratégie globale d'UBS?

Elle repose sur deux métiers: la gestion de fortune au plan mondial et la banque universelle en Suisse, soutenus par une banque d’investissement (IB) et une gestion d’actifs (Asset Management, AM) focalisées sur les besoins des clients. UBS ne pratique qu’en Suisse la banque de détail (retail banking), le service bancaire aux entreprises (corporate banking) et le financement du commerce international de matières premières (corporate trade finance) ainsi que de nombreuses activités connexes, dont la gestion de fortune domestique.

«Chaque segment gère ses propres résultats,
sans subvention croisée.»
Comment s'articule l'équilibre entre activités?

Chaque segment gère ses propres résultats, sans subvention croisée. Chacune d'entre elles se voit assigner ses objectifs et aucune compensation financière ne s'opère d'une activité à l'autre.

Le modèle universel ne permet-il toutefois pas de compenser les pertes en cas de crise?

Ce n'en est pas le principe. Si, en cas de crise de l'une des activités, la santé d'une autre activité peut offrir de meilleures perspectives d'avenir à l'ensemble du groupe, il ne devrait jamais être question de transferts entre elles pour soutenir une défaillance. Le modèle universel permet de répartir les risques et, parfois, de passer les caps difficiles mais ne doit pas être utilisé pour éponger les erreurs de gestion d'une division à l'autre. En revanche, cela permet, par ses synergies, d'atteindre plus aisément une taille critique indispensable à la compétitivité internationale.

«Le crédit aux entreprises favorise la création d'emplois.»
Quelles sont ces synergies?

Les exemples sont innombrables. Le crédit aux entreprises favorise la création d'emplois qui permettent à leur tour d'offrir des services de retail, des services de retraite et des offres de gestion de patrimoine. Les chiffres montrent que le schéma d'évolution du client d'un service à l'autre est pérenne. Les clients sont fidèles à leur banque et, pour ne citer qu'un cas, les propriétaires d'entreprises financées par UBS lui confient, le moment venu, la gestion des dividendes perçus. Autre cas, si leur entreprise confie la gestion de leurs salaires à UBS, les employés des multinationales lui confieront aussi celle de leurs bonus. Dans les cas de successions, le rôle d'une banque universelle est clé. Fusion et acquisition, conseil fiscal et gestion de fortune sont étroitement associés.

Quelle est la valeur de ces synergies?

Notre personnel est formé à identifier des opportunités et à faire appel à d'autres divisions que la leur en cas de besoin. Cette chaîne fait l'objet d'un suivi quantifié. Lors de la formation des nouveaux venus, l'accent est mis sur la collaboration entre services. Cela se vérifie aussi dans les formations régulières, les pages intranet ou les réunions de management.

La banque d'investissement offre-t-elle aussi des services aux grands clients?

Chez UBS, la banque d'investissement n'offre de services qu'aux clients. Il y a longtemps qu'elle n'opère plus pour compte propre.

«Malgré une digitalisation de plus en plus poussée,
le service retail exige une vraie proximité.»
La gestion de fortune s'exporte bien. Votre entité Wealth Management Americas génère presque autant de revenus que le reste de la gestion de fortune. Avec toutefois des marges beaucoup plus faibles. Pourquoi?

Aux Etats-Unis, le modèle d'affaires est très différent de ce qu'il est dans le reste du monde. C'est celui du «financial advisor» très personnalisé – donc plus onéreux – et essentiellement centré sur les transactions mobilières. En Suisse par exemple, la gestion de fortune s'entend dans un sens plus large et inclut aussi bien des transactions immobilières que mobilières.

En comparaison internationale, les services retail d'UBS sont de qualité. Pourquoi ce type de services ne s'exporte-t-il pas?

Malgré une digitalisation de plus en plus poussée, le service retail exige une vraie proximité avec un réseau dense d'agences qui demandent un investissement immobilier et en personnel considérable. En Suisse, UBS opère avec environ 280 agences pour 8 millions d'habitants. Si la banque envisageait d’offrir le même type de services en Allemagne et sur la base du même ratio, je vous laisse imaginer l'investissement nécessaire. Sans compter que les banques allemandes occupent bien un terrain qui est dès lors difficile à conquérir. En comparaison, la gestion de fortune est beaucoup moins gourmande. UBS opère avec 23 points de vente à Genève pour le retail banking et seulement deux pour la gestion de fortune.