L’immobilier suisse redevient une valeur refuge

Salima Barragan

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«Face aux inquiétudes, les investisseurs étrangers s’intéressent aux biens en Suisse», estime Jean-Paul Jeckelmann de Bonhôte.

Spectre du télétravail sur les locaux commerciaux, immigration en déclin, déménagements devenus plus difficiles; durant le confinement, des vents contraires planaient au-dessus du marché immobilier (MI).  Pourtant, quelques mois après le temps mort des activités économiques, l’immobilier suisse tient bon et retrouve même son statut de valeur refuge pour les liquidités étrangères, sans pour autant montrer de signes d’emballement. Panorama à 360 degrés avec Jean-Paul Jeckelmann, directeur des investissements à la banque Bonhôte.

Comment la pandémie a-t-elle affecté l’immobilier suisse?

A ce stade, elle l’a très peu déstabilisé. Certains commerces ont momentanément dû fermer et trouver des solutions avec leur propriétaire, quelques chantiers ont été retardés parce que des matériaux en provenance de l’étranger venaient à manquer, certains cantons ont mis les chantiers à l’arrêt, la demande a légèrement diminué à cause d'une immigration en déclin, et enfin, la population n’a pas beaucoup déménagé à cause du confinement. En fait, cette période fut particulièrement calme. Après un été difficile, la liquidité est revenue sur le marché et les conditions de financement sont aujourd’hui excellentes. Dans le segment résidentiel locatif, les prix resteront fermes malgré le nombre important de logements vides. Cependant, le segment de l’immobilier commercial connaît effectivement quelques difficultés.

Le stockage pour la distribution des commandes internet était
une tendance déjà bien en place, avant même l’arrivée de la pandémie.

L’activité économique étant réduite, il y a également eu moins de rotation des locataires commerciaux. Et il y a des incertitudes sur l’immobilier de bureau car le spectre du télétravail plane. Les relocations et les loyers sont en baisse. Leurs valorisations comprennent une légère décote dans l’hypothèse où les bureaux se videraient dans le futur, bien que cela n’ait pas encore été constaté dans la réalité.

Pour quelles raisons les loyers des logements sont-ils légèrement en hausse (à Genève par exemple) malgré l’augmentation du taux de vacance?

Il s’agit d’un phénomène purement statistique induit par trois facteurs. Un appartement loué durant une très longue période par un même locataire est remis au goût du jour lorsque ce dernier le quitte. Ce qui implique une hausse du loyer sur ce bien. Par ailleurs, les logements neufs sont beaucoup plus chers en termes de loyer mais comportent en contrepartie moins de charges que les anciens appartements; or, les statistiques ne prennent en compte que la composante loyer. Enfin, le standing se répercute également sur la moyenne. Il s’améliore constamment et avoir deux salles de bain, par exemple, fait grimper le prix du mètre carré.

Les coronavirus a mis en lumière l’utilité des entrepôts de stockage pour le e-commerce, le déploiement du télétravail ainsi que les limites des espaces de coworking. Comment ces tendances évoluent-t-elles en Suisse?

Depuis quelques années, un grand nombre de sociétés recherchent des entrepôts pour en faire des points de stockage intermédiaires pour la distribution. La logistique était une tendance déjà bien en place, avant même l’arrivée de la pandémie. Quant au télétravail, il ne faut pas exagérer ce phonème qui sera également contrebalancé par des bureaux dotés de plus grandes surfaces afin de maintenir une certaine distance entre les collaborateurs. Mais ces changements évolueront de manière très progressive, car les sociétés sont engagées dans des baux de cinq ou dix ans.

Le coworking n’a pas bien traversé la crise car les gens ne sont plus allés
dans les espaces de travail collectifs. Beaucoup de centres sont en difficultés…

Enfin, sans surprise, le coworking n’a pas bien traversé la crise car les gens ne se rendent plus dans les espaces de travail collectifs. Beaucoup de centres sont en difficultés…à voir si cette tendance redémarre ou pas.

Passons au marché de l’immobilier résidentiel à l’achat: quels sont les tendances de prix observées?

Les conditions de financement attractives jouent un rôle prépondérant. On voit même émerger des solutions de financement alternatives pour emprunter à des taux encore plus bas que ceux des banques. D’habitude, l’achat d’un bien immobilier est plus onéreux que la location. Mais aujourd’hui, louer revient plus cher qu'acheter! La demande est donc toujours très ferme, et les prix sont stables avec des pressions modérées à la hausse dans certaines régions.

Comment se comporte l’immobilier coté?

Le résidentiel se porte très bien en bourse. Ces véhicules qui offrent des rendements intéressants vis-à-vis de ceux nuls du marché obligataire, sont très recherchés. En revanche, les fonds engagés dans le segment commercial traversent une période difficile. Leurs investisseurs craignent qu’ils ne soient plus en mesure de maintenir leurs dividendes à l’avenir.

Comment votre fonds immobilier coté en bourse a-t-il évolué cette année, après la suspension des loyers d’avril?

L’impact du COVID-19 a été très faible et correspond à un taux de -0,5% des loyers totaux du fonds, ce qui signifie que nous avons encaissé 99,5%. Nous continuons d’acquérir des objets intéressants de bonne qualité et avons des projets de construction en route, ce qui nous laisse entrevoir deux à trois années réjouissantes. Actuellement le titre du fonds se traite bien, ce qui montre que nous avons maintenu la confiance de nos investisseurs.

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