Etre prêt pour la transmission à la prochaine génération

Yves Hulmann

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Lionel Pilloud, responsable des relations avec les gérants indépendants chez Credit Suisse, souligne la complexité croissante du travail des EAM.

Les gérants de fortune externes, ou EAM («External Asset Managers») en anglais, gèrent une part importante de la fortune sur le marché suisse. Entre 10 et 15% de l’ensemble des actifs sous gestion sur le marché helvétique sont gérés par des EAM, estime Anna Zakrzewski, Managing Director & Partner et responsable globale du segment Wealth Management au sein de Boston Consulting Group, qui s’exprimait jeudi au sujet des dernières évolutions dans le domaine de la gestion de fortune et leurs implications pour les gérants indépendants lors d’une conférence en ligne organisée par Credit Suisse. Quels seront les principaux enjeux pour les gérants indépendants au cours des prochaines années? Le point avec Lionel Pilloud, responsable EAM pour la Suisse romande chez Credit Suisse (Suisse) SA. 

En collaboration avec la société de conseil Boston Consulting Group, Credit Suisse a organisé jeudi une conférence en ligne consacrée au thème de la «Transmission vers la génération future». Pourquoi cette thématique est-elle particulièrement importante actuellement pour les gérants indépendants?

De manière générale, il existe un clair changement de tendance avec la nouvelle génération, à la fois pour les clients et les gérants de fortune indépendants eux-mêmes. En matière de gestion de fortune, les clients exigent un service beaucoup plus précis et personnalisé en fonction de leurs besoins et préférences. Ils veulent aussi davantage de transparence, que ce soit en termes de coûts, de performance ou de la composition de leurs portefeuilles. Les aspects liés à l’investissement durable ont aussi beaucoup gagné en importance, en particulier pour les clients de la nouvelle génération.

«Environ un tiers de la fortune totale à travers le monde
sera transmise à la prochaine génération d’ici 2030.»

Comme l’indique l’étude de Boston Consulting Group, environ un tiers de la fortune totale à travers le monde sera transmise à la prochaine génération d’ici 2030. C’est un changement en profondeur qui aura de nombreuses implications, à la fois pour les gérants indépendants, pour les banques partenaires et les différents experts des questions de succession, etc. Même dans une banque universelle comme la nôtre, nous servons une clientèle vieillissante pour laquelle les questions de succession et de transmission de patrimoine sont un thème clé. Les gérants indépendants n’y échappent pas.

Les gérants de fortune indépendants (GFI) qui sont eux-mêmes aussi souvent déjà relativement âgés. 

Beaucoup de gérants de fortune indépendants ont démarré leurs activités il y a parfois 25 ou 30 ans. Une telle phase de transition peut s’avérer délicate pour des petites structures. C’est un défi important que de parvenir à garder ses clients et de les fidéliser pour assurer la pérennité d’une entreprise.

Va-t-on vers davantage de regroupements entre gérants indépendants?

Il est très difficile de faire un pronostic à ce sujet. Il y a plus de dix ans, on entendait déjà souvent dire qu’il fallait s’attendre à une concentration dans ce secteur, notamment à cause de la hausse des coûts de compliance et des nouvelles exigences sur le plan réglementaire. Or, nous n’observons pas cela dans les faits. Il y a toujours autant de gérants de fortune indépendants. Certes, tout le monde cherche à optimiser ses coûts, tout le monde se parle. Mais, au final, on observe, pour l’instant, que relativement peu d’acquisitions ou de rapprochements dans ce domaine. Et à l’inverse, il y a toujours des gérants qui quittent des banques pour se mettre à leur compte ou pour rejoindre des structures existantes. Beaucoup de sociétés sont toujours prêtes à accueillir de nouveaux relationship managers.

«Au-delà de la rentabilité, c’est davantage des questions
réglementaires et d’organisation qui incitent les gérants à se regrouper.»
N’y a-t-il pas néanmoins une taille minimale à atteindre pour être rentable dans ce domaine?

Il est difficile de définir une taille minimale car cela dépend d’une multitude de facteurs. Un gérant seul peut être très rentable selon la nature de son portefeuille de clients. Au-delà de la rentabilité, c’est davantage des questions réglementaires et d’organisation qui incitent les gérants à se regrouper. L’environnement réglementaire et les contrôles se sont nettement renforcés, ce qui augmente la charge de travail et les coûts.

Il y a aussi différents degrés de collaboration entre les gérants de fortune indépendants et les banques. Parfois, on voit des relationship managers qui quittent une banque pour rejoindre un gérant indépendant - tout en gardant leur ancien employeur comme banque dépositaire ou en recourant à ses services en tant que portfolio manager.

«Il est désormais devenu trop compliqué pour un gérant
indépendant de continuer d’exercer en «one man show».

Malgré tout, il y a à mon avis davantage de gérants indépendants qui rejoignent une autre structure existante que par le passé. Aujourd’hui, il y a un certain nombre de gérants indépendants qui offrent des conditions proches de celles proposées par les banques. Certaines sociétés de gestion indépendante emploient parfois 30, 40, 60 personnes, voire davantage. Je pense qu’il est désormais devenu trop compliqué pour un gérant indépendant de continuer d’exercer en «one man show». Il faut aujourd’hui, entre autres, disposer de compétences pointues dans toutes sortes de domaines, non seulement dans la gestion de fortune proprement dite mais aussi en planification successorale, patrimoniale ou financière.

Pour une banque comme Credit Suisse, très active dans la gestion de fortune, quel est l’intérêt de travailler avec les GFI? Ils sont aussi vos concurrents…

Les GFI sont à la fois des concurrents et des partenaires dans certaines situations. Il arrive par exemple que certains clients fortunés confient simultanément un mandat de gestion à notre banque ainsi qu’à un gérant indépendant – et que ce dernier recoure à nos services de banque dépositaire. Ce n’est pas forcément une compétition, plutôt une complémentarité.

Actuellement, beaucoup de personnes doivent planifier une double succession, à la fois celle de leur entreprise et au niveau personnel. Qu’est-ce que cela implique?

Nous nous définissons comme la banque des entrepreneurs en offrant l’ensemble de nos compétences à disposition pour répondre à de telles situations souvent complexes. Etre une banque universelle, dotée d’un réseau d’experts capables de répondre à toutes les demandes – qui sont par nature souvent personnelles et spécifiques – est un atout important. Celles-ci nécessitent des compétences à la fois en matière de planification financière, de droit des successions ou sur le plan fiscal. Notre vaste expertise «in house» dans ces différents domaines représente aussi une offre de services que nous pouvons proposer aux gérants indépendants.

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