Dialoguer, facteur clé de bonne connaissance des entreprises

Salima Barragan

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«Le dialogue extra-financier a pris autant d’importance que le dialogue financier», estime Nicolas Jacob de ODDO BHF Asset Management.

On ne le répètera jamais assez: rien ne vaut une bonne communication. Ce précepte est aussi valable pour accéder aux précieuses données extra-financières des entreprises, en particulier auprès des plus petites entités qui n’ont pas les ressources nécessaires pour communiquer pleinement sur leur stratégie ESG. Le point sur la démarche avec Nicolas Jacob, responsable de la recherche ESG chez ODDO BHF Asset Management, à l'occasion du Geneva Forum for Sustainable Investment (GFSI).

Comment vous engagez-vous dans le dialogue auprès des dirigeants des petites capitalisations?

Le dialogue extra-financier a pris la même importance que le dialogue financier. Nous nous réunissons avec les équipes de gestion des entreprises lorsque nous avons des observations à leur faire part. L’univers des petites capitalisations est différent des grandes pour lesquelles on peut solliciter les prestataires externes afin d’accéder à leurs données extra-financières. D’ailleurs, on constate aussi qu’il y a un biais d’information chez ces derniers à cause de leur approche dominante Best In Class, où les grandes capitalisations qui communiquent davantage sont clairement favorisées. Les petites sociétés ne publient pas des reportings aussi complets que les grands groupes internationaux. Ainsi, sur le segment des petites capitalisations, le dialogue direct est essentiel afin de corriger ce biais d’information. Nous allons donc la chercher par nous-mêmes, car plus on descend en capitalisation, plus l’information qualitative a de la valeur.

«Si beaucoup de sociétés sont vertueuses, l’information
extra-financière qu’elles publient n’est pas toujours suffisante.»
Avez-vous un exemple concret de démarche de dialogue auprès des dirigeants d’une entreprise?

Nous nous sommes engagés dans le dialogue avec un des leaders européens de la location de véhicules. Nous avons interrogé les dirigeants sur leur stratégie environnementale car leur enjeu clé est le renouvellement de leur flotte. Nous avons eu toutes les réponses escomptées sur les véhicules envisagés ainsi que les raisons qui ont motivé leurs choix.

Comment mesurez-vous la création de valeur qui découle de vos engagements?

Il est difficile de mesurer le lien direct entre une action de dialogue engagée par une société de gestion et la performance boursière d’une entreprise car un gérant d’actifs est l’un des nombreux actionnaires. Cependant, nous nous sommes rendus compte que si beaucoup de sociétés sont vertueuses, l’information extra-financière qu’elles publient n’est pas toujours suffisante. L’intérêt de dialoguer avec elles est de mieux évaluer les risques ou les opportunités.

Outre les politiques environnementales, avez-vous d’autres points de départ lors de vos discussions?

Nous avons toujours beaucoup de questions au sujet du capital humain. Par exemple, nous nous intéressons de savoir quelle est la politique déployée au niveau des ressources humaines, qu’il s’agisse par exemple de formations ou d’actionnariat salarié. Sur les rapports annuels, très peu d’informations à ce sujet apparaissent. Il faut donc interroger directement les sociétés pour connaître ces détails, notamment au sein des secteurs industriels avec des enjeux sur la santé au travail. Il y a aussi tous les aspects de gouvernance avec les questions sur les politiques de rémunération, bien qu’elles tendent à devenir de plus en plus transparentes.

«Nous souhaitons pousser davantage notre offre de gestion ESG
auprès des grands institutionnels suisses.»
Comment vous différenciez-vous des autres gestionnaires d’actifs qui s’engagent également dans le dialogue, sans pour autant être activistes?

Le dialogue est devenu un exercice obligatoire dans les investissements. Effectivement, nous ne sommes pas des activistes dans la mesure où nous entamons un dialogue dans le but d’obtenir des informations et non d’influencer les stratégies des entreprises, bien que nous nous inscrivions dans une démarche de progrès et de transparence. Nous avons observé que les gestionnaires de fonds ont tendance à dialoguer davantage avec les grandes entreprises, délaissant ainsi les petites.

Quelles sont vos ambitions sur le marché suisse en matière d’offre de produits durables?

Nous souhaitons pousser davantage notre offre de gestion ESG auprès des grands institutionnels suisses. C’est vrai pour notre expertise sur les Small et Mid Cap européennes et nous travaillons actuellement sur l’intégration de critères ESG pour notre gamme de fonds Crédit High Yield gérée en Allemagne et sur les actifs non cotés, Private Equity et dette privée.

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