Des opportunités à saisir sur les marchés obligataires

Yves Hulmann

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Pour Manuel Dalla Corte, directeur d’Eurizon pour la Suisse, les obligations gouvernementales, notamment, méritent qu’on s’y intéresse à nouveau.

Aussi bien les actions que les obligations ont été malmenées cette année. Faut-il mieux rester à l’écart des marchés ou au contraire commencer à réinvestir? Pour Manuel Dalla Corte, directeur pour la Suisse d’Eurizon, la filiale de gestion d’actifs d’Intesa Sanpaolo, il vaut la peine de s’intéresser à nouveau aux marchés obligataires. Il livre aussi son analyse à propos de la dette italienne.

Comment est organisée la relation entre Eurizon et Intesa Sanpaolo?

Eurizon appartient à 100% à Intesa Sanpaolo mais opère avec sa propre vision des marchés de manière indépendante car elle gère les actifs des clients avec une responsabilitéé fiduciaire. En effet, le rôle de chaque entité est bien défini: Eurizon est spécialisé dans la gestion d’actifs, tandis que les activités d’Intesa Sanpaolo sont, elle, beaucoup plus vastes, incluant aussi bien la gestion de fortune que la banque de détail. Eurizon a franchi le pas de sortir du marché italien il y a quelques années déjà en étant présent dans différents pays européens et en Asie. Au total, elle commercialise des fonds luxembourgeois dans 24 pays. S’agissant de la Suisse, Eurizon a démarré ses activités sur le marché helvétique en 2018 à partir de Zurich. Eurizon s’est implanté sur le marché suisse en tant que gérant d’actifs, en offrant des solutions spécialisées destinées à une clientèle professionnelle.

Eurizon ne s’adresse donc pas directement à la clientèle de détail en Suisse?

Nous nous concentrons sur la partie «business to business». Nos clients typiques en Suisse sont des grandes banques, des banques privées, des family offices ou des gérants de fortune indépendants par exemple. Eurizon propose ses solutions au niveau de la clientèle «wholesale» mais pas directement aux clients privés. Bien entendu, ces derniers peuvent aussi avoir accès à nos fonds via leur banque habituelle.

 Quand les banques centrales commenceront à abaisser à nouveau leurs taux directeurs, les obligations seront alors probablement plus attrayantes que les actions.
Quelles classes d’actifs font partie de votre offre en Suisse?

Eurizon propose différents produits dans le domaine obligataire. Nous avons par exemple lancé un fonds consacré aux obligations chinoises «onshore» qui a connu un grand succès sur le marché suisse. Lorsque vous vous implantez sur un nouveau marché, il est important d’arriver avec quelque chose de particulier, ce qui a été le cas avec ce fonds par exemple. Nous avons aussi une offre de solutions dans le domaine des obligations vertes («green bonds»), l’une étant globale, l’autre se concentrant sur le marché du crédit européen.

La fin de de l'environnement de taux d’intérêt négatifs et la hausse marquée de l’inflation a entraîné d’importantes turbulences sur les marchés en première moitié d’année. Comment cela a-t-il modifié les attentes des clients?

L’environnement de marché a été très particulier en 2022. Il s’agit de l’un des rares exercices où aussi bien les marchés d’actions que ceux des obligations ont perdu simultanément plus de 10% en moins d’un semestre. Beaucoup d’investisseurs ont subi des pertes et avec la nouvelle configuration du marché ils sont en train de repositionner entièrement leur portefeuille. En parallèle, il y a aussi un grand nombre d’investisseurs qui détiennent d’importantes quantités de cash et qui sont prêts à redéployer une partie de ces liquidités. Je pense que ce redéploiement aura lieu lorsque les participants verront poindre la fin de la phase de hausse des taux par la Fed, le «point pivot» comme on l’appelle dans le jargon.

Jusqu’à ce que l’on soit arrivé à ce «point pivot», est-il préférable d’attendre?

Attendre simplement ne me paraît pas être forcément la meilleure solution. Actuellement, il est déjà possible d’obtenir des rendements positifs avec les emprunts d’Etat dans la zone euro, avec les bons du Trésor aux Etats-Unis à hauteur de quelque 4% ou encore avec des obligations gouvernementales de pays émergents qui offrent des rendements de l’ordre de 8 à 9%. Cela dit, nous préférons rester dans les emprunts de niveau investissement («Investment Grade») plutôt que dans ceux qui sont davantage spéculatifs («High Yield»). Nous voyons des opportunités d’investissement dans les obligations gouvernementales actuellement. Quand les banques centrales commenceront à abaisser à nouveau leurs taux directeurs, les obligations seront alors probablement plus attrayantes que les actions. En effet, de nombreuses entreprises seront alors confrontées à des coûts d’emprunts plus importants en raison de taux d’intérêt qui se situeront encore à des niveaux élevés. Les bénéfices par action diminueront probablement pendant un certain nombre de trimestres, ce qui réduira le potentiel de rebond des actions.

Dans le domaine des obligations gouvernementales, la question de la dette en Italie a été largement débattue cette année. Quelle est votre analyse de la situation?

Nous accordons beaucoup d’attention à l’évolution de l’endettement en Italie. Nous voyons des opportunités dans la dette italienne. Avec des emprunts à moyenne échéance, soit d’une durée d’environ 4 ans, il est possible d’obtenir un rendement de l’ordre de 3,5%, ce qui est attrayant. Avec un écart (spread) par rapport aux emprunts sans risque de l’ordre de 220 points de base, nous pensons que le niveau des spreads en Italie intègre déjà beaucoup de risques. C’est pourquoi, nous nous attendons plutôt à ce que ces spreads se réduisent. Sur le plan politique, le potentiel de bonnes ou de mauvaises nouvelles est déjà derrière nous, donc la situation apparaît plus stable actuellement qu’il y a quelques mois.

De quelles ressources dispose Eurizon actuellement en Suisse et quels sont vos objectifs sur le marché helvétique?

Nous avons un bureau commercial à Zurich, à partir duquel nous desservons également la Suisse romande et la Suisse italienne. Nous sommes aussi souvent présents à Genève pour rencontrer des clients ou pour participer à différents événements. Nous avons par exemple participé à Building Bridges début octobre. Au Tessin, il a été plus facile de nous faire connaître car notre propriétaire Intesa Sanpaolo est déjà une marque bien connue en Suisse italienne, compte tenu de la proximité culturelle et géographique avec l’Italie.

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