Selon Eric Bréval, injecter quelques milliards dans le fonds de compensation donnerait le temps pour trouver une solution à plus long terme.
Les Fonds de compensation AVS/AI/APG, regroupés désormais sous la marque compenswiss, ont clôturé l'année 2018 dans les chiffres rouges. Les placements ont dégagé un rendement net de -4,22%. La fortune sous gestion a reculé de 2,5 milliards pour s’établir à 34,3 milliards. Le début de l’année 2019 a permis d’inverser la tendance: en janvier, la valeur des placements a rebondi de 3%, comme l’a indiqué Manuel Leuthold, le président du conseil d’administration, lors de la présentation des chiffres de compenswiss jeudi à Zurich. Par type d’assurances, le rendement net de la fortune du fonds AVS a été négatif à hauteur de -4,14% (contre 6,82% en 2017), celui de l'AI de -4,06% (6,84%) et celui des APG de -4,19% (6,98%). Dans une perspective de plus long terme, le déséquilibre entre charges et recettes se poursuit et l'évolution prévisible des finances de l'AVS est jugée «préoccupante» par compenswiss. En juin dernier, l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) prévoyait que la fortune du fonds AVS pourrait être épuisée d'ici 2031 environ. Le déficit de l’AVS devrait ainsi passer d’un peu plus d’un milliard en 2019 à 2 milliards en 2021, avant de dépasser les 7 milliards à partir de 2029. Le point avec Eric Bréval, directeur de compenswiss.
Décembre a été effectivement un très mauvais mois sur les marchés, ce qui a fait que l’ensemble de l’année 2018 a été perçue comme négative. Pourtant, décembre a été un mois comme on en voit relativement souvent sur les marchés. Simplement, lorsque ça arrive en juillet, personne n’y fait réellement attention. En décembre, c’est beaucoup plus visible. Par ailleurs, je pense que les marchés ont évolué de manière tellement positive ces dernières années qu’on n’a plus l’habitude d’observer des performances significativement négatives durant quelque temps. Cette situation ne nous empêche toutefois pas de dormir car compenswiss doit être en mesure d’exercer ses activités dans toutes les périodes, y compris lorsque les marchés fluctuent fortement.
plus réduite de la performance de nos placements.»
La couverture que nous utilisons ne concerne que les devises. Est-ce vraiment indispensable? Non, dans l’absolu. Et rien n’est prévu à ce sujet dans la loi. En revanche, recourir à une couverture nous permet d’avoir une volatilité plus réduite de la performance de nos placements. En outre, si les variations sur les marchés des devises n’ont pas été trop marquées ces derniers mois, il faut se rappeler que les fluctuations des monnaies étrangères peuvent être beaucoup plus importantes durant certaines périodes. En un demi-siècle, la valeur du dollar par rapport au franc a été divisée par quatre. La valeur de la livre sterling vis-à-vis du franc a été pratiquement divisée par huit sur la même période, etc. Bien entendu, le hedging a un coût. Néanmoins, nous préférons y recourir systématiquement, quel que soit l’environnement de marché, sans penser si c’est le bon ou le mauvais moment.
Un retour des taux d’intérêt en territoire positif en Suisse serait bien sûr une bonne chose pour la plupart des intervenants financiers, à la fois pour l’économie, les caisses de pension et le Fonds AVS aussi. Concernant nos placements obligataires, tout dépend du rythme d’ajustement des taux: si ceux-ci passaient d’une zone négative à plus de 3% en quelques mois, cela entraînerait d’importantes pertes pour la valeur de notre portefeuille obligataire. Si, en revanche, l’ajustement se fait de manière graduelle, ce serait bénéfique. La hausse des taux fait, certes, d’abord chuter la valeur des obligations déjà émises mais, ensuite, il est possible de se rattraper avec les nouveaux emprunts. C’est quelque chose qui se digère très bien en termes de politique de placement.
sont investis de manière passive.»
La plus grande part de nos placements en actions sont investis de manière passive. La part active, gérée à la fois par nous-même et sous forme de mandats, concerne avant tout les petites capitalisations suisses et les small caps américaines. Pour les grandes capitalisations suisses, nous utilisons une approche dite «enhanced» qui ne s’éloigne pas beaucoup de l’indice mais qui permet d’améliorer la performance obtenue.
Non, il ne s’agit pas de calculs purement hypothétiques. On peut dire deux choses à propos de ces estimations: d’un côté, ces projections seront fausses par définition, car on ne peut pas être si précis sur dix ans, ce qui est parfaitement normal. Mais de l’autre, ces calculs indiquent quand même avec une précision étonnante la tendance qui va se produire.
On peut au moins se préparer à une telle évolution même si on ne peut pas l’empêcher de survenir. C’est un peu comme quand un orage s’approche, vous ne pouvez pas y échapper mais, en sortant à temps le parapluie, cela vous évite au moins d’être mouillé.
Cela risquerait d’être avant tout un répit de court terme. Si on recevait 2 milliards de francs, comme cela a été évoqué dans le cadre du projet de réforme fiscale et de financement de l'AVS (RFFA) qui sera soumis au vote en mai prochain, ce serait une bonne nouvelle pour le Fonds AVS. Néanmoins, cela ne ferait que repousser l’échéance du déclin inévitable à un peu plus tard. On gagnerait entre trois et cinq ans, ce qui donnerait une opportunité à la politique de s’accorder sur une solution à plus long terme.
qui serait valable pour tous.»
Notre influence est liée avant tout à notre visibilité, et moins au pourcentage que nous détenons dans le capital des sociétés cotées. Les Fonds de compensation AVS / AI / APG exercent leurs droits de manière active depuis 20 ans, mais ils le font directement auprès des Conseils d’administration de sociétés suisses et non pas de manière publique.
Il n’y a pas une approche uniforme en la matière. Et c’est peut-être mieux ainsi, car il n’existe pas une approche optimale dans ce domaine qui serait valable pour tous. Nous nous appuyons sur les travaux de l’ASIR (ndlr Association suisse pour des investissements responsables) qui fait du bon travail et qui nous aide à adopter une politique adaptée dans le domaine des critères ESG. Compte tenu de sa position particulière d’institution publique, compenswiss doit tenir compte de toutes les sensibilités politiques: certains exigent que nous soyons absolument exemplaires en matière ESG dans nos investissements – d’autres pensent au contraire que notre mission est de dégager la meilleure performance possible.
Avant tout en exerçant nos droits de vote. C’est le principal levier que nous pouvons utiliser pour faire évoluer les choses dans un sens positif sur le plan des critères ESG. compenswiss a un nom et a une valeur d’exemple qui peut ensuite être utilisée par d’autres investisseurs, des caisses de pension ou des fonds.