Comment utiliser les biais de comportement

Nicolette de Joncaire

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«Les marchés ne sont pas efficients et les aborder par les biais du comportement offre des situations d’arbitrage intéressantes», explique Michel Dominicé de Dominicé & Co.

Né d’une idée pour le moins originale, Dominicé & Co Asset Management existe depuis plus de 20 ans. Après un doctorat en économie politique spécialisé dans le domaine monétaire à l’Université de Saint-Gall, son fondateur, Michel Dominicé a démarré sa carrière en évoluant au sein de plusieurs établissements financiers entre Genève, Londres, New York et Hong Kong. C’est alors qu’il dirigeait le département des actions américaines et globales chez Lombard Odier à Genève qu’il commence à s’intéresser à la volatilité et à sa relation avec le comportement de masse sur les marchés actions. De là est née l’idée phare à l’origine du fonds Cassiopeia qu’il lance en 2003: exploiter la «myopie» des marchés. Une stratégie renforcée par l’arrivée en mars 2004 des premiers futurs sur le VIX. Aujourd’hui, il reproche aux acteurs du marché de ne pas intégrer le changement de paradigme que représente l’économie du savoir, la raison fondamentale, selon lui, de la baisse des taux sur le long terme. 

Qu’appelez-vous la myopie des marchés?

La myopie des marchés est le travers, extrêmement répandu parmi les investisseurs, qui consiste à accorder trop d’importance au risque à court terme alors que la valeur de l’actif se déploie sur le long terme. Les marchés ne sont pas efficients et les aborder par le biais du comportement donne des situations d’arbitrage. 

Quel est selon vous l’impact de «l’économie du savoir»?

A la suite de la crise de 2008, nous sommes entrés dans un monde à taux zéro. Pour deux raisons principales: l’économie du savoir et une évolution démographique où l’espérance de vie accroit l’épargne (et les inégalités) alors que les opportunités d’investissement se réduisent en raison d’un ralentissement de la croissance de la population mondiale. En Occident on a parlé de déflation – et même de japonisation. L’augmentation du bilan des banques centrales génère des liquidités excédentaires mais les banques n’accordent pas de crédit par manque d’opportunités. Il ne suffit pas d’avoir du capital, il faut aussi avoir des idées. Il y a 40 ans, 40% des crédits allaient aux entreprises. Aujourd’hui ce n’est que 10%. Le temps pour passer de startup à méga-capitalisation s’est rétréci (20 ans pour Facebook) avec très peu de capitaux. Je dirais de manière plus générale que le monde a tellement changé que la taille du bilan des banques centrales aujourd’hui a peu d’impact alors qu’il y a 40 ans, il aurait provoqué une flambée du crédit et une inflation explosive.  En bref, avec l’économie du savoir, le capital n’est plus une force.

Que pensez-vous de l’évolution des taux en Suisse?

En Suisse, partiellement pour les raisons évoquées plus haut, les taux d’intérêt réels sont devenus négatifs et des taux directeurs ont suivi. Sous la pression de l’inflation, les taux sont remontés récemment mais je pense qu’ils redeviendront rapidement négatifs en raison, en particulier, d’excédents de la balance courante qui ont généré un surplus d’épargne domestique. Le franc suisse est sous pression haussière permanente et continuera à se valoriser ce qui encouragera la BNS à user des taux négatifs. 

Sur quelles bases opère votre stratégie fondée sur le comportement de masse?

Elle opère sur plusieurs séries de paramètres: la myopie des marchés, la saisonnalité et l’illusion monétaire. Prenez la saisonnalité; on la dit simpliste et pourtant, l’essentiel de la performance positive sur les marchés actions se fait entre fin octobre et fin avril et l’essentiel du risque est concentré entre mai et octobre, d’où le dicton «Sell in May and go away» qui se révèle exact en moyenne. Regardez le cas d’une valeur comme Caterpillar: sur 40 ans, si vous l’avez détenue entre fin octobre et fin avril, vous aurez multiplié votre capital par 300. A contrario, si vous l’avez détenue entre mai et octobre, vous l’aurez divisé par 10. Ce phénomène touche davantage les cycliques que les défensives mais les dés sont, en quelque sorte, pipés. Notez d’ailleurs que la majorité des krachs boursiers se produit en octobre, mois au cours duquel l’aversion au risque est maximale et où les indices VIX sont en moyenne au plus haut. 

Les obligations ne couvriront même plus l’inflation donc il va falloir les répliquer mais avec rendement positif, raison pour laquelle nous avons lancé un fonds immobilier suisse. 

Vos stratégies actions fonctionnent-elles sur les mêmes principes?

Oui, nous ne faisons pas d’analyses des entreprises parce qu’il y a une floppée d’analystes qui le fait déjà. Mais sur les 10 dernières années nous surperformons l’indice de référence alors que 90% des fonds actifs sous performent. 

N'avez-vous aucun concurrent sur ces stratégies?

Il y a beaucoup d’acteurs qui travaillent avec la volatilité mais ils ne font pas le lien avec la psychologie de masse. D’ailleurs, les fonds de volatilité ont souvent une espérance de vie assez courte alors que nous avons eu 18 années positives sur 20 ans 

Quel impact ont les taux sur les actifs financiers?

Les obligations ne couvriront même plus l’inflation donc il va falloir les répliquer mais avec rendement positif, raison pour laquelle nous avons lancé un fonds immobilier suisse. 

Qui dit baisse de la démographie ne dit-il pas baisse de l’immobilier?

Avant que la démographie ne devienne péjorante en Suisse, il va passer du temps car la polarisation régionale attire les personnes fortunées et les personnes compétentes. La population augmente vers des classes élevées qui cherchent un immobilier de qualité dans des zones très dynamiques dont le bassin lémanique, Bâle et Zurich. Notre fonds se concentre sur l’immobilier résidentiel dans l’arc lémanique où le prix augmente plus qu’en moyenne mondiale et nous affichons une surperformance de 17% par rapport à l’indice suisse des fonds immobiliers. Notez que la hausse des taux est restée très modeste par rapport à l’inflation. Lorsque cette dernière atteignait 3,5%, le taux de la BNS affichait 1,75%. Sur le même temps, les loyers ont progressé de 6% protégeant les investisseurs de l’inflation. 

Quelle est la place de l’alternatif là où les taux d’intérêt peuvent atteindre 5,5%?

On fait mieux avec des dérivés de volatilité et de marché. Sur le dollar, il est possible de faire plus de 10%. En cas de panique – comme en mars 2020 -, la volatilité s’envole vertigineusement et il a été possible d’obtenir une performance de 20%. 2023 fut une année tranquille, mais tranquille à court terme avec beaucoup d’incertitude sur le long terme, et la performance est de l’ordre de 10,6% sur les futures et options sur la volatilité et sur les marchés. Attention, il ne s’agit pas ici d’arbitrages sur des prix erronés mais d’opportunités continuelles nées du fait que les investisseurs se concentrent sur les risques court terme et non sur la valeur à long terme. Comme ce biais comportemental est permanent, il nous a été possible de gagner en continu depuis 20 ans. 

Qu’en est-il d’une augmentation de capital?

Le Dominicé Swiss Property Fund, fonds immobilier de droit suisse et côté à la bourse, va procéder à une augmentation de capital de 40 millions de francs. La période de souscription s’étendra du 15 mars au 28 mars. Pour plus d'informations, veuillez cliquer ici.

Le fonds se concentre principalement sur des immeubles résidentiels à fort potentiel de création de valeur. La stratégie du fonds consiste à acquérir des immeubles locatifs résidentiels proposant des logements abordables, proches des commodités et des transports. Le fonds détient ses immeubles en propriété foncière directe. Cette stratégie permet aux porteurs de parts résidant en Suisse d’être exonérés des impôts sur le dividende et du prélèvement de l’impôt anticipé.