Comment ORIOR compte regagner la confiance des investisseurs

Philippe Rey

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L’action de l’entreprise alimentaire est retombée à son prix d’IPO en 2010. Le point avec son CEO, Daniel Lutz.

 

Plus d’une décennie pour rien sur le plan boursier. En effet, après avoir entre-temps presque doublé, l’action du groupe alimentaire ORIOR Food - qui exploite notamment les marques Le Patron, Albert Spiess, Rapelli, Pastinella, Biotta et Noppa’s - est revenue à la case départ, soit aux alentours de son prix d’IPO (48 francs en 2010). Sa valeur boursière avoisine 320 millions de francs. Son chiffre d’affaires a atteint 643,1 millions en 2023. 

L’entreprise spécialisée dans la transformation de la viande, la fabrication de produits frais cuisinés, ainsi que de jus bios naturels, a pourtant accompli des progrès considérables, tant en termes de diversification géographique et de produits que de canaux de distribution et de la clientèle. Sa marge brute est supérieure à celle de groupes tels que Bell Food et Emmi. 

Bien que ses marges d’exploitation (EBITDA et EBIT) soutiennent la comparaison avec celles de ces deux sociétés, ORIOR affiche une valeur boursière inférieure en termes de multiples de valorisation. Le cash-flow opérationnel et le cash-flow libre stagnent depuis plusieurs années. Daniel Lutz, CEO du groupe ORIOR qui a son siège à Zurich et emploie 2500 personnes en Suisse et à l’étranger, esquisse comment il compte améliorer sa croissance organique et sa rentabilité.  

Le cours de l’action est revenu à son point de départ. Comment l’expliquer?  

Le secteur refinement (ndlr: raffinement à base de viande, avec la charcuterie et d’autres produits) se caractérise par une concurrence intense sur le marché suisse ainsi que par un prix haut de la viande de porc, que nous n’avons pas pu répercuter entièrement sur les prix de vente. Le mix produits pèse également sur la rentabilité. 

Cependant, le secteur convenience (produits et aliments frais) évolue positivement ainsi que nos activités à l’international avec Culinor (menus frais) et Casualfood (restauration pour voyageurs), qui ont toutes deux une marge brute élevée. L’activité convenience, et le catering en particulier, recèle un bon potentiel de croissance, tandis que l’activité refinement s’avère robuste et génère un cash-flow considérable.  

Notre rôle est d’amener des innovations à nos différents clients à travers nos catégories de produits.

Que faites-vous pour améliorer la situation? 

Nous voulons croître avant tout organiquement. Nous travaillons ainsi à améliorer le mix produits, en étant plus ciblé, en l’optimisant et en innovant, en mettant l’accent sur les produits et contrats à meilleures marges. Tout en accentuant encore notre proximité avec notre clientèle; ce que favorise notre structure décentralisée qui stimule l’esprit d’entreprise et l’innovation en particulier. 

A cet égard, la société-mère n’emploie que 16 personnes, en coordonnant des fonctions comme la gestion financière centrale, la trésorerie, le développement durable et la communication d’entreprise et digitale en particulier.  Par ailleurs, nous devons augmenter notre efficience coût et du capital, de même que la qualité du bilan. 

Nous présenterons en décembre prochain notre plan stratégique et d’action concret pour la période 2025-2030. Nous montrerons la direction dans laquelle nous voulons développer ORIOR; ce groupe repose sur de bonnes bases. Nous voulons regagner la confiance du marché financier.

Quels sont vos objectifs de rentabilité? 

Une marge EBITDA (excédent brut d’exploitation) d’au moins 10% ainsi qu’un rendement des capitaux employés (ROCE) de 10% au minimum, à l’inclusion du goodwill d’acquisitions. Nous visons un taux de conversion de l’EBITDA en cash-flow opérationnel de 75% à 80%. Avec, en toile de fond, une croissance organique de 2% à 4%. De plus, nous voulons diminuer le ratio endettement net/EBITDA, à moins de 2,5x. Nous devons financer par notre cash-flow nos investissements.

Quelles sont les sources de croissance? 

Le catering, on l’a vu, notamment avec la préparation de la restauration pour des institutions ou entreprises. Un autre axe est celui des produits végétariens et naturels, ainsi que des nouveautés dans nos différentes spécialités.

Plusieurs investisseurs considèrent que Bell Food a un avantage concurrentiel, à travers Coop, son actionnaire majoritaire, qu’ORIOR n’a pas….
Nous vendons également à travers le réseau de distribution Coop, et Bell n’a pas Migros ou Denner. En fait, ORIOR se révèle complémentaire à Migros Industrie avec ses produits et son savoir-faire, tant avec ses propres marques, dont Rapelli et Biotta, que les propres marques de Migros, telles que M-Budget, Anna’s Best ou V-Love par exemple, pour lesquelles nous produisons. 

De plus, nous pouvons accompagner Migros dans le catering. La transformation actuelle du groupe Migros est en réalité une chance pour ORIOR. Sans oublier que nous avons également les trois discounters Denner, Aldi et Lidl comme clients en Suisse et au Benelux, ainsi que de puissants détaillants internationaux comme le groupe Ahold. Notre rôle est d’amener des innovations à nos différents clients à travers nos catégories de produits.

Les marges d’exploitation avec le private label sont-elles plus basses que celles de vos propres marques? 

Au bout du compte non, car nous n’avons pas les coûts de listing et de marketing avec la fabrication en private label. Un point essentiel est de permettre à ORIOR de réaliser une marge EBITDA de 10%.

N’avez-vous pas acquis Culinor en Belgique et Casualfood en Allemagne à des prix onéreux?

Ces deux sociétés n’ont évidemment pas été bradées. Mais elles nous ont apporté à la fois une internationalisation et une diversification de bon aloi. Auparavant, ORIOR enregistrait 97% de son chiffre d’affaires en Suisse; la part représentée par Migros s’élevait alors à 40%, contre 23% à présent. Et celle des ventes à l’international dépasse aujourd’hui 30%. Nous sommes donc aujourd'hui positionnés plus largement et de façon plus diversifiée, ce qui nous rend plus résilients et nous offre un bon potentiel de croissance pour l'avenir.

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