Le renforcement de l’activité de détail locale, en Suisse, en Espagne ainsi que sur les marchés italien, allemand et autrichien (GIAM), notamment avec un accent prioritaire mis sur la clientèle de 50 ans, de même qu’un cross selling intensifié et une plus grande proximité locale constituent un axe porteur de la stratégie du groupe Helvetia. Un autre est le développement des activités de spécialité («specialty lines»), soit la couverture des risques ingénierie, transport (aviation, maritime) et autres, en Suisse et à l’international.
Helvetia a par ailleurs pour objectif d’améliorer son efficacité opérationnelle de plus de 200 millions de francs par an d’ici fin 2027. Dans ce cadre, la suppression de 500 emplois dans le monde, dont 200 à 250 en Suisse, est prévue. Une partie des emplois suisses sera transférée à l’étranger. La réduction doit se faire en premier lieu au moyen des fluctuations naturelles via des retaites anticipées. En particulier, une amélioration du ratio combiné en non-vie d’environ 2 points de pourcentage est visée, dans une fourchette de 92% à 94%.
Allnews s’est entretenu sur les implications financières de cette stratégie avec Fabian Rupprecht, CEO, et Annelis Lüscher Hämmerli, CFO. Helvetia affiche une valeur boursière de l’ordre de 8 milliards de francs; l’action a progressé en 2024 de 28,9%.
Quels sont les points essentiels de la stratégie du groupe Helvetia?
Fabian Rupprecht: Notre stratégie s’appuie sur deux éléments clés de la force d’Helvetia: notre proximité avec la clientèle et notre expertise dans le domaine spécialités mondiales. Parallèlement, elle met en évidence le facteur le plus important, à savoir la nécessité de nous concentrer et de nous fixer des priorités. En effet, nous sommes convaincus que ce n’est qu’en unissant nos efforts et en nous focalisant sur nos compétences clés que nous pourrons obtenir un effet maximal pour notre clientèle.
D'une part, nous nous positionnons en tant que «local customer champion»: nous accompagnerons notre clientèle tout au long de sa vie sur les marchés locaux (Suisse, Espagne et GIAM), dans un rôle de prestataire privilégié. A l’avenir, nous nous concentrerons sur l’augmentation du nombre de polices d’assurance de notre clientèle actuelle. De plus, nous mettrons l’accent sur le segment en forte croissance de la clientèle de plus de 50 ans.
D'autre part, nous agissons en tant que «global specialist»: nous viserons la croissance dans l’activité internationale «specialty lines» et dans la réassurance, tout en conservant des structures légères et flexibles, afin de pouvoir nous concentrer sur la rentabilité dans une activité cyclique. Parallèlement, nous exploiterons dorénavant notre savoir-faire sur nos marchés de détail européens pour proposer des solutions de spécialité aux PME. Le segment marchés spécialisés jouera un rôle encore plus important pour nous à l’avenir, ce qui nous aidera à diversifier davantage les risques de catastrophe naturelle.
Ce sont des intentions très qualitatives de la stratégie. Pouvez-vous également nous parler des objectifs quantitatifs ou financiers?
Annelis Lüscher Hämmerli: Nous voulons améliorer les marges. En nous concentrant plus fortement sur l’excellence technique, à savoir la sélection des risques et une meilleure politique de prix à travers le cycle 2025-2027. Nous devons également devenir plus efficients à cet effet.
Helvetia doit gérer efficacement son portefeuille d’affaires, en ligne avec l’objectif d’un rendement des fonds propres de 13% à 16% pour la période 2025-2027. Quitte à renoncer à des affaires insuffisamment rentables.
Les sources de la croissance des bénéfices sont diverses, par segment et ligne d’affaires. Le secteur non-vie sera le principal contributeur, tandis que le secteur vie sera plus focalisé et bénéficiera d’un changement du mix d’affaires au profit de produits et services peu gourmands en capital.
«Nous n’avons pas l’intention d’effectuer un rachat d’actions.»
Helvetia a l’ambition d’accroître le bénéfice récurrent par action de 9% à 11% par an. Pourrez-vous y parvenir sans rachat d’actions?
F.R.: Cet objectif repose sur une croissance interne rentable en partant d’un bénéfice consolidé probable de 520 millions de francs pour 2024. Nous n’avons pas l’intention d’effectuer un rachat d’actions ou de recourir à une quelconque astuce, dont une acquisition, pour atteindre cet objectif.
Cela n’exclut évidemment pas le fait d’avoir une équipe de fusions et acquisitions (m&a), qui examine d’éventuelles opportunités sur les marchés qui nous intéressent, à l’instar d’autres entreprises dans leurs domaines respectifs et les nôtres en particulier.
Vous avez indiqué mettre davantage l’accent à présent sur les liquidités ou le cash que sur le ratio de solvabilité SST…
A.L.H.: Ne vous y méprenez pas, nous accordons de l’importance aux deux. Cependant, Helvetia n’a pas de contrainte en ce moment s’agissant du taux SST, qui, avec 300% environ à fin juin 2024, dépasse amplement les obligations requises, tant pour le groupe que sur un plan local.
Helvetia dispose d’un surplus de capital, qui est généré par ses opérations et nourrit principalement les dividendes ou les remises de liquidités («cash remittance») à la maison-mère. Lesquels sont redéployés sous la forme de dividendes versés aux actionnaires et de réinvestissements dans la croissance du groupe en vertu de ses priorités stratégiques.
«Nous voulons augmenter durablement le dividende.»
Helvetia ne publie pas d’objectif en termes de «cash remittance», contrairement à d’autres groupes d’assurances. Pourquoi?
A.L.H.: Nous l’énonçons d’une autre manière avec notre objectif en terme de dividende. Et de pouvoir l’augmenter durablement grâce à une très bonne capitalisation et à une forte génération de liquidités. Nous prévoyons ainsi des distributions de dividendes pour la période 2025-2027 d’un total supérieur à 1,2 milliard de francs.
Helvetia veut accentuer son rôle de spécialiste mondial dans la réassurance active et les affaires de spécialités («specialty lines») de façon sélective, en étant un «suiveur intelligent». N’existe-t-il pas une concurrence intense d’autres plus grands groupes?
F.R.: C’est vrai, mais à la différence de plus gros concurrents, nous pouvons agir avec une plus grande flexibilité, car notre base de coûts fixes est plus petite. De plus grands assureurs ou réassureurs sont en effet dans l’obligation de couvrir leurs coûts fixes et donc d’avoir de plus gros volumes d’affaires, parfois au détriment de leur rentabilité. Nous n’avons pas hésité, par exemple, à diminuer notre volume de réassurance des risques de responsabilité civile aux Etats-Unis.
Helvetia, qui a prouvé sa capacité à bien gérer les cycles, peut agir en privilégiant des résultats techniques solides aux dépens des volumes. Nous avons l’agilité et les structures pour nous montrer plus sélectifs, tout en étant complémentaires à d’autres assureurs et réassureurs au seins de pools et traités mettant en commun des capacités pour couvrir certains risques.
La diversification du groupe est-elle optimale?
F.R.: La diversification géographique avec la Suisse, l’Espagne, les marchés d’Italie, de l’Autriche et d’Allemagne ainsi que les marchés de spécialité ont plutôt bien servi Helvetia lors des dix dernières années. Ce qui s’est traduit notamment par une hausse régulière de la capitalisation, des flux de trésorerie et des dividendes. Les risques souscrits par les activités de marchés spécialisés sont largement non-corrélés avec les affaires des autres segments du groupe.
Cependant, nous devons encore davantage exploiter le potentiel que recèle Helvetia en matière d’accès à la clientèle de détail, d’expertise dans les affaires de spécialité et de technologie.
La valeur boursière de Helvetia, à l’image de celle de Baloise, correspond, grosso modo, à une fois les fonds propres plus la CSM («contractual service margin»), qui est un indicateur clé de la performance des affaires vie. Celle de Zurich Insurance s’élève à plus de deux fois. Que dire de cela?
F.R.: Nous ne commentons pas la valeur boursière.
Comment évoluera la CSM?
A.L.H.: Sur une base de continuité des opérations («going concern») et du premier semestre 2024, la CSM, une provision qui représente le profit non acquis de l’assureur relatif aux exercices futurs, restera stable d’ici 2027, mais avec des libérations ou dissolutions croissantes.