Comment gérer le changement générationnel

Emmanuel Garessus

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Benjamin Diwan, qui a succédé à son père, comme associé de Crescendo, dévoile ses ambitions et les mérites de la stratégie d’Endowment.

Benjamin Diwan a été nommé associé de Crescendo le 8 avril dernier. Il succèdera à son père qui restera au conseil d’administration, à la direction du gérant indépendant et entend poursuivre sur la voie de la croissance, comme il l’indique à Allnews dans ses bureaux genevois. Il partage la direction avec Douglas Kalen, co-fondateur de l’entreprise. Les actifs sous gestion de cette société créée en 2004, atteignent 1,7 milliards de dollars, si l’on ne compte que la gestion suisse. Les changements organisationnels ont été soumis à l’approbation de la FINMA. Benjamin Diwan répond aux questions d’Allnews:

Quel est votre style de direction?

Je partage la responsabilité de Co-Managing Partner avec Douglas Kalen. Notre priorité est de nous entourer d’équipes de grande qualité et de responsabiliser nos collègues dans leurs spécialités et leurs expertises respectives. Mon rôle consiste à assurer la qualité et de la cohérence de notre offre ainsi que le bon fonctionnement de la société.

Votre père nous déclarait à la fin 2022 que le changement de génération au sein de la clientèle l’empêchait de dormir. Et vous, qu’est-ce qui vous empêche de dormir?

C’est justement d’être capable de présenter une offre qui réponde à ce changement de génération. Dans le passé, les différenciateurs se trouvaient dans la technologie et les marchés privés ; nous disposons des deux, mais cela est devenu relativement commun sur la place financière. Le défi est d’ajouter à la gestion existante un narratif permettant aux clients de se sentir plus impliqués dans leurs investissements. 
Il existe un réel «gap» générationnel. Notre tâche consiste à concilier les deux générations. Nous devons montrer à nos clients historiques que nous conserverons la même rigueur dans la gestion en ajoutant un dynamisme et des opportunités qui plaisent à la nouvelle génération. 
En tant que Co-Managing Partner, je conserverai d’ailleurs la gestion de certaines relations avec mes clients et ceux de mon père, tout comme Douglas. C’est la seule façon d’être en phase avec leurs besoins, d’être en première ligne pour ensuite pouvoir proposer des investissements adéquates.

«Notre stratégie d’Endowment suppose que nous soyons bien diversifiés entre les classes d’actifs et les régions géopolitiques».

Concrètement, comment donner davantage de sens à l’investissement?

Le portefeuille répond naturellement à certains fondamentaux, mais la gestion peut être plus personnalisée, ce qui se traduit souvent par des investissements directs. Le temps passé avec le client permet au gérant de comprendre ses intérêts spécifiques. 

Par exemple, une partie de notre allocation est accordée à la dette privée. Le fils de l’un de nos clients apprécie cette classe d’actifs, mais à la différence de son père il accorde beaucoup de valeur à l’impact des investissements. Notre rôle est de trouver des instruments de dette privée qui vont dans ce sens.  

Comment préserve-t-on son capital aujourd’hui dans un contexte de disruptions technologiques et de chocs géopolitiques ainsi que d’un besoin de sens à l’investissement?

Notre stratégie d’Endowment suppose que nous soyons bien diversifiés entre les classes d’actifs et les régions géopolitiques. En principe, nous ne changeons pas drastiquement notre allocation stratégique qui est déjà adaptée à la situation de chaque client. Nous investissons toutefois sur des thèmes de croissance.

Quelle est la typologie de votre clientèle?

Notre clientèle historique est particulièrement présente en Europe continentale, avec aujourd’hui un fort développement sur la Pologne, ainsi qu’en Amérique du Sud. D’un point de vue monétaire, environ 70% des avoirs sont en dollars.

Pouvons-nous nous attendre à des changements dans les équipes?

Il y aura quelques changements, avec l’arrivée de nouveaux collaborateurs. L’équipe comprend aujourd’hui une vingtaine de personnes, dont la moitié dans la gestion de fortune, un quart dans l’asset management et un dernier quart dans le back-office et la compliance.

A la fin 2022, vous vouliez vous développer dans l’asset management. Qu’est-il advenu de cette stratégie?

Nous avons développé au fil des années une forte expertise interne en ce qui concerne la dette privée et le venture capital. Pour les autres classes d’actifs, nous favorisons une approche basée sur des partenariats avec des équipes spécialisés. 

Une stratégie de portefeuille proche de l’Endowment représente la marque de fabrique de Crescendo. Allez-vous la maintenir?

La nouvelle génération reste très intéressée par cette stratégie. L’Endowment est à la mode mais notre particularité est de la mettre en œuvre de façon consistante depuis 20 ans dans la gestion privée. Elle consiste à investir de façon diversifiée dans toute les classes d’actifs, liquide et illiquide, avec un horizon d’investissement à long terme.

Quelle a été la performance de ce type de gestion durant le cycle d’inflation?

De manière générale les clients ont été satisfaits de la performance, même si celle-ci a bien sûr varié selon les classes d’actifs. Nos investissements dans le Sale and Lease back ont très bien fonctionné par exemple, d’autant que ces classes sont liées à l’inflation. 

Quel sera le profil de Crescendo d’ici cinq ans?

Crescendo conservera le même ADN, les mêmes valeurs et la même stratégie d’investissement, mais nous aura développé un accompagnement qui répondra davantage aux besoins des clients plus jeunes.

Cherchez-vous activement à engager de nouvelles équipes?

Nous le ferons de façon opportuniste si nous rencontrons les personnes qui partagent notre vision et façon de travailler, mais ce n’est pas une priorité.  

Pourquoi un client, par exemple basé en France, préférerait-il Crescendo plutôt qu’une banque trop grande pour faire faillite ou une banque cantonale?

Le parcours est souvent identique. Tout d’abord rassuré par le nom d’une grande banque internationale, le client se rend peu à peu compte qu’il n’est pas prioritaire à ses yeux, que le service n’est pas ou peu personnalisé pour des raisons réglementaires. Le client peut alors s’adresser à une banque privée, plus orientée sur la gestion de patrimoine qu’une banque universelle, mais s’aperçoit alors que comme les grandes banques, elle peine à s’ajuster aux besoins individuels. Certains clients vont donc opter pour une alternative, le gérant indépendant. Ce dernier est capable de composer un portefeuille avec une allocation en architecture ouverte et plus personnalisée ayant moins de contraintes. 
Les banques sont incontournables, mais leur spécialité se situe dans le custody et le crédit. C’est pourquoi le gérant de fortune indépendant dispose d’un grand potentiel. Il occupe une place spécifique dans la chaîne de valeur et est complémentaires aux banques.

Est-ce que certains services vous permettront de faire la différence?

Oui. Je dirai d’abord qu’une gestion simple et transparente peut faire la différence en s’accompagnant d’une bonne connaissance des clients et de la mise à disposition des bons véhicules d’investissement. L’autre service que nous continuons de développer, est notre expertise dans la planification patrimoniale. Le transfert de patrimoine d’une génération à l’autre doit être accompagné par un service professionnel avec une approche structuré.

N’est-ce pas coûteux à développer puisque la législation diffère d’un pays à l’autre?

Oui, mais les bases sont identiques. Nous avons des prestataires dans les différents pays, mais nous apportons le concept et son application. La structuration de la gouvernance se caractérise généralement par la mise en place d’un conseil de famille et d’un comité d’investissement qui suivent une «Investment Policy Statement».

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