Alpian va de l’avant

Nicolette de Joncaire

3 minutes de lecture

Le financement de série B est une étape majeure vers l’obtention de la licence bancaire. Entretien avec Schuyler Weiss.

Alpian annonçait récemment une levée de 17 millions de francs, en complément d’un premier financement de 12,2 millions obtenu en mai 2020 avec le soutien du groupe Reyl qui avait apporté le capital d’amorçage. Pas plus qu’au premier tour, l’identité des investisseurs n’est dévoilée au public. Elle l’a été toutefois à la future autorité de tutelle, la Finma: une étape indispensable pour obtenir la licence bancaire. Conversation avec le CEO, Schuyler Weiss.

Quand Alpian espère-t-elle obtenir sa licence bancaire de la Finma?

C’est encore difficile à dire. La finalisation de la série B a été transmise à la Finma et est une étape majeure vers l’obtention de la licence. Nous aimerions ouvrir au 3e trimestre mais ne pouvons donner aucune date définitive sans la décision de la Finma.

On lit par ci par là qu’Alpian est une néo-banque. Est-ce ainsi que vous la concevez?

Si vous entendez par néo-banque une institution qui entend collecter le plus grand nombre de clients possible, en appliquant les conditions tarifaires les plus faibles possible, en vue d’une entrée en bourse ou d’un rachat par un géant du marché, alors non, Alpian n’est pas une néo-banque. Nous ne chercherons pas à maximiser notre base mais à offrir le meilleur de la banque privée et de la banque de détail à la portion aisée de la population suisse. Une clientèle délaissée dont le patrimoine se situe entre 100'000 et un million de francs et qui ne trouve pas sa place dans les banques privées et ne reçoit pas les services dont elle a besoin dans les banques de détail. Nous ne ciblons ni la cotation, ni la revente. Quant aux conditions tarifaires, elles seront très raisonnables sans que nous cherchions à nous aligner sur les néo-banques qui ne sont pas notre benchmark. Ce que nous voulons établir est une structure raisonnable pour un modèle d’affaires durable.

Alpian n’offrira pour l’instant aucun service de family office de type planification successorale, ni de conseils en matière d’immobilier ou de prévoyance.
Combien de clients Alpian compte-t-elle atteindre? A quelle échéance? Quels sont les actifs sous gestion attendus?

Nous prévoyons d'atteindre environ 10’000 clients au cours des 12 premiers mois. Tant dans la phase de démarrage que par la suite, notre croissance sera mesurée car il est impossible d’offrir un service réellement durable en grandissant trop rapidement. Comme nous n’exigerons pas de montants minima pour ouvrir un compte, il est difficile d’évaluer le montant des actifs sous gestion, même si nous atteignons notre objectif de 10'000 clients.

Quels services de gestion de fortune Alpian offrira-t-elle à ses clients?

Dès le départ, Alpian offrira des mandats de gestion discrétionnaire, des services d’advisory et des services de simple exécution. Pour ce qui est des mandats discrétionnaires, ils seront gérés en collaboration avec la banque Reyl, bénéficiant ainsi de son expérience de plusieurs décennies. Contrairement à nombre de banques privées, nous ne distinguerons pas les clients en quatre ou cinq profils-type mais définirons la propension au risque de chacun en utilisant un algorithme d’analyse de son comportement, proposant par ce biais un continuum de profils d’investissement. Notez également que nous n’utiliserons absolument aucun robo-advisor. Les clients des services de conseil (advisory) se verront offrir une liste sélective d’actifs au sein desquels ils pourront faire leur choix, assortie d’avis d’experts sur leurs allocations. Ils auront ainsi à leur disposition un conseiller pour les guider sur l’aménagement de leur fortune. L’execution only portera sur les marchés actions et les ETF d’un ensemble limité de marchés. Par contre, Alpian n’offrira pour l’instant aucun service de family office de type planification successorale, ni de conseils en matière d’immobilier ou de prévoyance.

Et quels seront les services de retail?

Des cartes de débit, des paiements nationaux et internationaux à très faible coût (certains même gratuits) et des services de change en francs suisses, euros, livre sterling et dollars. Notez que chaque client pourra jouir d’un compte multi-devises (dans les quatre monnaies précitées) et que la banque ne fera aucun profit sur le change. Un argument très convaincant pour qui a des revenus en euros, et entend passer ses vacances en Italie.

Pour offrir des hypothèques, il faut une équipe
de crédit et surtout… un bilan.
Pensez-vous offrir des hypothèques?

Pas au début, même si nous savons que c’est un produit qui intéresse la clientèle que nous ciblons. Pour offrir des hypothèques, il faut une équipe de crédit et surtout… un bilan. Mais les hypothèques – tout comme la prévoyance – sont des composants importants de la fortune des classes aisées auxquels nous réfléchissons.

Alpian sera-t-elle entièrement numérique ou disposera-t-elle également de services «en personne»?

Autre élément de différenciation d’avec les néobanques, nous offrirons des services de banque privée par le biais du numérique mais les clients pourront aussi converser en visioconférence avec des banquiers privés expérimentés (déjà présents chez Alpian) qui s'exprimeront en français, allemand, anglais et italien selon leurs besoins. Contrairement au visage unique d’usage dans les banques privées traditionnelles, nous mettrons à disposition le bon expert au bon moment.

Quelle sera la taille de l'équipe au départ? A quelle vitesse va-t-elle se développer?

L’équipe, entièrement basée en Suisse et principalement à Genève, compte aujourd’hui 28 personnes et pourrait déjà devenir opérationnelle telle qu’existante car elle suffit à couvrir toutes les fonctions bancaires. Nous la développerons, par la suite, en fonction de l’évolution des besoins et du retour de la clientèle. La pandémie nous a contraints au travail à distance mais nous avons hâte de réunir toute l'équipe sous un même toit.

Reyl et Alpian sont deux entités bien distinctes
et gérées complètement séparément.
Sur quelle technologie la plateforme est-t-elle basée?

L’essentiel de nos systèmes a été développé en interne car il nous fallait quelque chose d'unique. Tout a été construit de manière à être en parfaite adéquation avec les futurs clients au terme de centaines d’interviews où nous avons interrogé des profils très différents pour savoir ce qu’ils attendaient d’une banque … et de leur vie. Nous y avons d’ailleurs appris que beaucoup de nos hypothèses de départ étaient fausses. Toutefois, pour ce qui touche au core banking, nous avons choisi de travailler avec Temenos.  

L'onboarding sera-t-il numérique?

Oui, entièrement. Une expérience simple et agréable de 10 minutes ou moins, y compris la vérification de l'identité, et entièrement conforme au règlement en vigueur. Par contre, en cas d’alerte, les procédures de vérification prendront plus de temps car nous entendons appliquer une politique très stricte en matière de blanchiment d'argent et établir des standards pour les banques numériques à cet égard.

Le groupe Reyl restera-t-il un partenaire clé?

Sans aucun doute puisqu’il collaborera avec notre équipe d'investissement sur les mandats discrétionnaires. D'autres synergies seront également possibles dans le futur. Mais Reyl et Alpian sont deux entités bien distinctes et gérées complètement séparément.

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