117%, un taux record de couverture des caisses de pension suisses

Anne Barrat

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«Le système fonctionne bien, même mieux que ce que nous le pensions» explique Jean-Rémy Roulet, président de l’ASIP.

La couverture des institutions de prévoyance helvétiques, publiques et privées confondues, affichait un taux moyen de 117% au 31 décembre 2020, soit le plus haut niveau jamais observé. Comme si la crise sanitaire n’avait en rien dégradé le degré de couverture des caisses de pension (rapport entre fortune et obligations légales). Un phénomène dont la Confédération n’a pas l’apanage en Europe: d’autres pays, davantage touchés par la pandémie de COVID-19, affichent une bonne santé en la matière. Principale raison? «Les gouvernements ont bien géré l’impact de la crise» reconnaissent d’une seule voix des experts de la prévoyance réunis autour d’une table ronde du Global Invest Forum1, dont Jean-Rémy Roulet, président de l’ASIP. Entretien.

Vous présidez la plus grosse l’Association Suisse des Institutions de Prévoyance (ASIP) Comment expliquez-vous la santé exceptionnelle des caisses de pension en dépit de la COVID-19? 

L’ASIP représente effet plus de 900 caisses de pensions, lesquelles gèrent quelque 650 milliards de francs et environ les 2/3 des assurés à la prévoyance professionnelle en Suisse. Nous avons constaté que nos membres ont traversé cette crise de façon sereine, presqu’inattendue. Une fois passé le gros choc du début de la crise, elles l’ont gérée sans heurts. Il faut dire que deux facteurs les ont bien aidées. D’une part, le gouvernement a pris les bonnes mesures, notamment celles liées au chômage technique et aux aides spécifiques à certains secteurs qui ont permis d’amortir l’impact du ralentissement économique. Elles se sont traduites par un nombre de faillites moindre que prévu, que ce soit dans le tourisme, l’immobilier et le bâtiment. Le second tient à la bonne tenue des marchés qui, au fil des mois, ont soutenu la performance des portefeuilles des investisseurs. 

«C’est le bon moment pour les caisses de pension d’investir dans des actifs un peu plus risqués ou de procéder à une diversification.»
La crise n’a eu aucun impact sur leurs stratégies d’investissement?

Comme tout investisseur institutionnel, une caisse de pension a une stratégie long terme. Qui plus est, l’allocation d’actifs est encadrée par la réglementation. Ces deux éléments sont deux garde-fous qui garantissent la stabilité et la robustesse des stratégies d’investissement: il ne s’agit pas de la modifier au moindre événement macro-économique. Ce qui n’empêche pas les conseils de fondation d’adapter leurs stratégies. Aussi bien à des tendances de fonds, comme la prise en compte des critères ESG et de l’ISR, qui s’est traduite par un verdissement des portefeuilles ces dernières années, qu’à des évolutions de marchés. Pour ma part, je pense que c’est le bon moment pour les caisses de pension d’investir dans des actifs un peu plus risqués ou de procéder à une diversification: le cadre légal actuel le permet. 

Les caisses de pension vont donc bien?

«So far so good» si vous me permettez l’expression. La meilleure preuve de cette résilience est qu’en décembre 2019, juste avant le début de la pandémie, le taux de couverture était à 112% en Suisse.

«On connait bien le défi écologique, on parle en revanche moins du défi n°1 des institutions de prévoyance: l’urgence démographique.»
Cette bonne santé peut-elle se traduire concrètement pour les pensionnés et les actifs?

Le cadre réglementaire en matière de prévoyance – une vingtaine de lois auxquelles nous sommes soumis – prévoit qu’une caisse de pension peut procéder à des distributions exceptionnelles à ses assurés à partir du moment où son taux de couverture est suffisamment élevé. Cela correspond, en moyenne à un degré de couverture situé entre 115% et 120%. Dit autrement, une caisse doit avoir entre 15% et 20% de sa fortune totale en coussin de sécurité pour absorber des gros chocs; au-delà, elle peut redistribuer ces fonds libres. Les caisses de pension n’étant pas là pour gagner des concours de celles qui gèrent la plus grande fortune mais pour faire profiter aussi bien les actifs que les pensionnés des résultats de leur bonne gestion, elles le font dès qu’elles le peuvent. Ce qui peut par exemple se traduire pour les actifs par l’octroi d’un taux crédité sur leur compte d’épargne retraite supérieur à ce que la loi demande de faire et pour les pensionnés par l’attribution d’une 13e rente.

Pensez-vous que ce sera le cas en 2021?

Il appartient à chaque conseil de fondation de décider de la politique distribution, toutes les caisses n’ont pas forcément la même vision. Cela dit, il est probable que la majorité d’entre elles se dirigent vers une stratégie de redistribution à l’égard de la population qui a été durement touchée, plus que les fonds de pension. Une telle aide arriverait au très bon moment.

Quel est aujourd’hui le principal défi des caisses de pension?

On connait bien le défi écologique, on parle en revanche moins du défi n°1 des institutions de prévoyance: l’urgence démographique. Un sujet brûlant, qui dépasse largement les décisions et capacités de gestion des caisses, et qui bat son plein au niveau des chambres fédérales. La question du financement du vieillissement de la population doit rapidement trouver une réponse que seul l’Etat souverain peut apporter. Il y va de l’avenir de nos régimes de pension. C’est une urgence absolue.

 

 

1 L’édition 2021 du Global Invest Forum s’est tenue le 6 octobre dernier à Paris.