«Notre croissance s’est accélérée»

Emmanuel Garessus

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La banque profite de sa réputation de stabilité, selon Florence Schnydrig Moser, responsable du Private Banking de la ZKB.

Florence Schnydrig Moser est depuis deux ans à la tête du Private Banking de la Zürcher Kantonalbank (ZKB), après avoir été CEO de Swisscard et avoir travaillé quelque 20 ans chez Credit Suisse. Haut-valaisanne d’origine, ayant étudié à l’EPFL, elle est à la tête de 1400 employés, si l’on compte les gérants externes et les clients aisés (Affluent; avec une fortune d’au moins 100’000 francs). L’établissement, qui gère 400 milliards de francs d’actifs, fait partie des gagnants des turbulences bancaires. L’argent frais de la ZKB s’est en effet élevé à 34 milliards de francs en 2022. Rencontrée dans ses bureaux de la Bahnhofstrasse, Florence Schnydrig Moser répond aux questions d’Allnews sur sa stratégie:

En quoi la culture d’entreprise de la ZKB est-elle différente de celle d’une grande banque?

Entrée à la ZKB il y a deux ans, j’ai bénéficié d’un accueil très positif et très professionnel, par exemple d’une phase d’introduction et d’accompagnement de 4 mois. Cette culture de coopération et de confiance entre les employés est très particulière à la ZKB. Elle se distingue d’établissements où l’individualisme est très marqué.

La première différence culturelle tient à l’orientation globale des grandes banques alors que nous sommes une banque suisse, zurichoise, qui épouse les valeurs du pays, en particulier celles d’humilité et de pragmatisme. Nous nous concentrons sur les besoins des gens, qu’ils soient clients ou collaborateurs, et nous sommes responsables à travers notre approche basée sur le long terme, laquelle nous distingue d’une société cotée en bourse. Le canton est notre actionnaire et nous demande de suivre une stratégie à long terme et non pas axée sur les résultats trimestriels.

Enfin, nous recevons une participation au bénéfice et non pas un bonus. Cela signifie que les intérêts de l’ensemble du personnel sont alignés. Les 6000 employés visent une croissance durable sur plusieurs générations.

Dans les périodes de défis, nous avons toujours attiré de nouveaux clients grâce à notre stabilité et à notre image de valeur refuge, dotée d’un rating AAA.
Qu’avez-vous modifié depuis votre arrivée à la tête du Private Banking?

A mon arrivée, le positionnement du Private Banking n'était pas assez clair. L’offre de services était trop peu homogène, due à une organisation décentralisée. Notre proposition de valeur devait être plus précise et mieux affûtée. A l’interne, j'ai centralisé ces différentes équipes sous une seule direction, afin d'homogénéiser notre offre à la clientèle et de profiter du savoir-faire de nos spécialistes en ville, où se trouvent plus de 100 experts en prévoyance. S'y ajoutent des experts en financement et la recherche en investissements.

Quel est le résultat chiffré de cette stratégie?

Nous ne publions pas des chiffres par segment. Je peux toutefois vous dire qu’elle s’est traduite par un taux de croissance plus élevé. Nous sommes le numéro un dans le canton auprès des clients aisés («affluent») avec une part de marché d’environ 50%. La part de marché est inférieure dans le Private Banking et elle stagnait ces dernières années faute d’un positionnement assez clair. Depuis deux ans, la croissance a dépassé la moyenne et elle a été supérieure à 10%.

Est-ce que l’augmentation d’argent frais s’est accélérée ces derniers mois?

Oui. Dans les périodes de défis, nous avons toujours attiré de nouveaux clients grâce à notre stabilité et à notre image de valeur refuge, dotée d’un rating AAA. Même sans garantie de l'État, nous faisons partie des banques les plus sûres avec une notation de AA-. Il en va de même dans le contexte actuel. Mais l’afflux de fonds est général et ne provient pas seulement de Credit Suisse.

Est-ce que la performance des portefeuilles de clients est au rendez-vous?

La performance est fonction du profil de chaque client. Durant la baisse des marchés en 2022, le rendement a été de -14,79% pour un portefeuille équilibré ZKB Classic Basis (composition en mars 2023: 39% obligations, 46% actions, 6% liquidités, 9% autres). En 2023, le rendement est de 3,66% à fin mars. La banque est sûre et la gestion de portefeuille est performante.

Est-ce qu’actuellement, dans votre stratégie, vous mettez l’accent sur la sécurité de la banque ou sur d’autres aspects?

La confiance est au cœur de notre message depuis notre création. Depuis 150 ans, la banque a traversé toutes les crises et évité les scandales. Nous continuons d’insister sur cette approche défensive et à long terme. Les clients doivent pouvoir nous faire confiance et nos intérêts doivent correspondre aux leurs.

Avez-vous un exemple concret?

La clientèle féminine est en général moins tolérante au risque et détient davantage de cash. Je tiens à ce que cela change. Les femmes ont une espérance de vie très élevée, mais souvent une rente vieillesse basse parce qu'elles ont moins travaillé. Si l'on ajoute à cela une inflation élevée, elles sont mal positionnées si elles ont beaucoup de cash. Dans une perspective à 20 ans, leur problème principal n’est pas d’avoir une performance légèrement supérieure à celle d’une autre banque si leur épargne investie est basse.

Comme pour d’autres banques, le passage à la nouvelle génération, et à la suivante, ainsi que le besoin de connaître ses représentants est une préoccupation centrale.

En tant que cheffe du Private Banking, qu’est-ce qui vous préoccupe le plus aujourd’hui? Ma tâche consiste d’abord à avoir une bonne hiérarchie des priorités entre les différents projets. Dans le conseil, il s’agit de répondre à la pénurie de main d’œuvre qualifiée. La situation est difficile sans être dramatique. Nous devons aussi investir dans la formation, les perspectives et le développement afin de conserver les talents.

Comme pour d’autres banques, le passage à la nouvelle génération, et à la suivante, ainsi que le besoin de connaître ses représentants est une préoccupation centrale. C’est pourquoi nous visons une bonne combinaison entre le conseil personnalisé et les nouvelles technologies. Même les jeunes clients férus de technologie ont parfois besoin de discuter d’une hypothèque, d’un conseil pour la prévoyance ou l’héritage. La combinaison d'offres numériques et de conseils personnalisés fait de notre banque une véritable expérience.

Une discussion est menée sur votre modèle de rémunération. Est-ce qu’elle touche le Private Banking?

La discussion concerne toute la banque. La part fixe du salaire est restée très stable ces dernières années alors que la part variable a significativement progressé, dans le sillage du bénéfice. Le conseil de banque entend nous amener à une nouvelle relation, à travers un relèvement de la part fixe. Nous en sommes au début des discussions.

Comment se sont développés les effectifs depuis votre arrivée à la tête du Private Banking?

Nous avons accru nos effectifs dans les différents segments (gérants externes, Private Banking International, key clients, affluent Banking) selon nos objectifs stratégiques à moyen terme et en fonction des ressources nécessaires.

La plus grande progression est venue des effectifs nécessaires aux clients compris entre 3 et 30 millions de francs et des clients internationaux. Nous prévoyons d’ailleurs une augmentation dans ce domaine, en particulier pour la prospection active du marché allemand à partir de Zurich. La planification de nos ressources est liée à notre croissance. L’important est d’engager des personnes qui partagent notre culture d’entreprise. Nous restons sélectifs. Cette attention aux valeurs nous a amenés à augmenter modestement nos effectifs.

Combien viennent de Credit Suisse?

Une poignée.

Quels sont vos objectifs pour 2023?

Dans le contexte de pénurie de main d’œuvre, nous veillons à bien servir les clients existants en continuant à leur consacrer le temps nécessaire. Nous avons aussi débuté en mars une campagne de marketing pour le Private Banking qui devrait produire ses effets positifs au-delà des limites du canton de Zurich. Nous visons une augmentation des clients fortunés d’autres cantons, y compris de Suisse romande.

Et à long terme?

Nous voulons investir dans l’accompagnement numérique des conseillers responsables de la clientèle aisée. Ils ont de grands carnets de clients et traitent eux-mêmes un grand nombre de tâches. D’ici 3 ans, le temps de conseil passé avec des clients doit être augmenté et les travaux administratifs réduits au minimum.

Vous avez 50% de parts de marché dans le canton. Comment comptez-vous vous développer à long terme?

La Suisse a toujours une croissance positive et nous sommes dans la région économique de Zurich, qui a une très bonne dynamique. Dans le segment affluent, nous voulons au moins croître avec le marché. C'est réaliste. Si nous pouvons croître plus vite que le marché, ce sera encore mieux.

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