«Le combat contre l’inflation n’est pas encore gagné»

Salima Barragan

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Les marchés sous-estiment la probabilité d’une récession, estime Shamik Dhar de BNY Mellon IM.

Covid en 2020, invasion de l’Ukraine en 2022, guerre au Moyen-Orient en 2023, que nous réservera cette nouvelle année? À l’heure des prévisions macroéconomiques, une pléthore de préoccupations géopolitiques persiste. Se pose aussi la question de savoir si certaines régions tomberont en récession. Durant cette semaine, 5 experts chevronnés partageront leur stratégie d’investissement pour 2024. L’équipe d’Allnews vous adresse ses meilleurs vœux autour de 5 points clés.

Ce troisième volet présente des perspectives pessimistes. Pour le chef économiste de BNY Mellon IM Shamik Dhar, les marchés sous-estiment la probabilité d’une récession. Adaptant son allocation d’actifs en conséquence, il privilégie les liquidités et les obligations, pour ne revenir sur les actions qu’une fois la récession entamée…

Quelles sont vos principales préoccupations pour cette nouvelle année?

La question cruciale est de savoir où les taux d'intérêt se stabiliseront sur le long terme, une fois les turbulences économiques surmontées. Contrairement au Fonds monétaire international (FMI) et certaines banques centrales, nous pensons que les taux d'intérêt se fixeront à un niveau plus élevé que lors de la période suivant la crise financière, entre 2008 et 2019, lorsqu’ils étaient pratiquement nuls.

Il est également évident que la zone euro a ralenti beaucoup plus rapidement que les États-Unis, en partie à cause du choc des prix de l'énergie. 

Si les pressions inflationnistes sous-jacentes sont plus fortes, nous pourrions assister à des chocs d'offre plus violents, tels que ceux connus après Covid. Les banques centrales pourraient également revoir leurs objectifs d'inflation. Depuis 2008, nous avons passé beaucoup de temps à débattre sur la question de savoir si les objectifs d'inflation étaient trop bas, c'est-à-dire si un taux de 2% présentait le risque d'atteindre trop souvent la limite du zéro. Ce débat pourrait revenir sur le devant de la scène lorsque l'inflation sera à nouveau maîtrisée.

Les pressions sur les prix sont plus importantes au Royaume-Uni et en Europe qu'aux États-Unis en raison de la forte résistance des salaires dans le Vieux-Continent. Lorsque l'inflation augmente en Europe, les travailleurs renchérissent sur les salaires et les entreprises tentent de protéger leurs marges, ce qui crée essentiellement un cycle ou une spirale inflationniste.

Le regain d'intérêt pour les obligations pénalisera les obligations?

À court terme, les actions des marchés développés continuent de faire face à des vents contraires en raison d’une politique monétaire restrictive de la chute de la demande, en particulier en Europe. L'évolution des économies régionales mènera à des divergences dans les performances des actions de ce marché, d'autant plus que les politiques monétaires suivent des voies différentes. Nous sommes nettement plus positifs sur un horizon pluriannuel, en particulier pour les actions américaines bénéficiant de l'adoption de l'intelligence artificielle. Ces évolutions pourraient soutenir les marges et la croissance des bénéfices plus tôt que prévu; des avantages sous-évalués par le marché.

Les actions européennes feront-elles mieux que les américaines?

Une récession en Europe reste très probable. De plus, le ralentissement chinois pénalise la performance économique mondiale hors États-Unis. Les actions européennes étant cyclique, elles ont un plus grand risque à la baisse.

Vous attendez-vous à une récession dans une des régions du monde?

Les marchés sous-estiment la probabilité d’une récession. Une lassitude subsiste à cause d'un ralentissement qui ne semble jamais arriver. Pourtant, l'indice économique avancé du Conference Board a signalé une récession imminente durant 16 mois consécutifs, prouvant que les risques actuels sont supérieurs à la moyenne historique.

Reconnaissons cependant que la possibilité d'un atterrissage en douceur, avec un retour de l'inflation à l'objectif des banques centrales sans résurgence du chômage, augmente aux États-Unis. C’est le résultat d’une combinaison de 4 raisons, dont l’augmentation des prix plutôt que de la production, le comportement du marché du travail, l'inflation et l’influence de l'intervention décisive de la banque centrale sur les attentes d'inflation.

Il est également évident que la zone euro a ralenti beaucoup plus rapidement que les États-Unis, en partie à cause du choc des prix de l'énergie. L'Allemagne devrait connaître trois trimestres consécutifs de baisse de la production. Étant donné que la zone euro n'a jamais vraiment connu de poussée post-pandémique de la demande nominale comme aux les États-Unis, la probabilité que la BCE en ait déjà fait assez et qu'elle en fasse peut-être trop si elle augmente encore ses taux est par conséquent plus élevée.

Quelle est votre stratégie d’investissement pour 2024?

Nos recommandations tactiques tiennent compte des données économiques suggérant un risque élevé de récessions ainsi que nos estimations sur les rendements totaux attendus corrigés du risque. Nous privilégions les liquidités et les titres à revenu fixe pour des raisons de rendement et de sécurité à court et moyen terme. Nous reviendrons aux actions au début de la récession, lorsque les valorisations refléteront la nouvelle réalité des rendements.

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