Volume d’investissement record sur le marché immobilier d’entreprise en Europe

Virginie Wallut, La Française Real Estate Managers

3 minutes de lecture

Les actifs alternatifs décorrélés des cycles économiques, notamment l’immobilier de santé, offrent un couple rendement-risque compétitif et génèrent des opportunités de diversification.

L’économie européenne a résisté et a continué de croître au premier semestre 2022, soutenue par le rebond continu du secteur des services, à mesure que les restrictions dues au COVID ont été levées. Les grands enjeux en matière d’investissement immobilier, aujourd’hui, sont le niveau élevé de l’inflation, ainsi que l’accélération de la hausse des taux longs et le durcissement des conditions de financement. La hausse des taux longs a mécaniquement provoqué une baisse de la prime de risque immobilière. Dans ce contexte, les taux de rendement immobiliers ont commencé à évoluer et à s’ajuster pour reconstituer la prime de risque. Cependant, l’immobilier, considéré comme un hedge naturel contre l’inflation grâce au mécanisme d’indexation des loyers, devrait conserver son attractivité, confortée par l’insuffisance d’offres sur le segment prime. La pénurie de matériaux de construction et le manque de surfaces disponibles, en particulier d’immeubles durables et peu énergivores devraient continuer à soutenir les loyers et la valeur des actifs prime. La plus grande sélectivité des utilisateurs et des investisseurs se traduit par une polarisation importante des marchés entre d’un côté, la demande qui se concentre sur les localisations centrales et, de l’autre, l’offre qui tend à se développer en périphérie.

Les actifs alternatifs décorrélés des cycles économiques, notamment l’immobilier de santé, offrent un couple rendement-risque compétitif et offrent des opportunités de diversification.

En Europe, le volume d’investissement en immobilier d’entreprise sur douze mois glissants totalisait près de 280 milliards d’euros fin juin 2022, un niveau record supérieur à celui enregistré en 2019. Cependant, l’activité a ralenti au deuxième trimestre, limitée par l’augmentation des coûts de financement et la plus grande sélectivité des banques, notamment en Europe du Sud. La demande des investisseurs se concentre sur les actifs les plus qualitatifs, en termes techniques et environnementaux. Les actifs de moindre qualité sont écartés par les investisseurs en raison de l’explosion des coûts des travaux de rénovation, à un moment où les exigences des utilisateurs en matière de durabilité se font plus pressantes.

Le marché des bureaux affiche une hausse de 9% sur douze mois glissants à fin juin 2022 comparé à décembre 2021. Le bureau reste de loin la classe d’actifs privilégiée par les investisseurs. Le secteur de la logistique et des locaux d’activité signe un volume d’investissement record avec plus de 67 milliards d’euros. L’intérêt des investisseurs pour cette classe d’actifs est porté par des prévisions de hausse de loyers résultant d’une faible vacance et d’une demande toujours forte dans la plupart des marchés européens.

Les volumes investis en commerces ont retrouvé leur niveau d’avant-crise, portés par des taux de rendement supérieurs aux autres classes d’actifs.

Les taux de rendement des bureaux s’ajustent

Le deuxième trimestre 2022 a été marqué par une remontée rapide des taux longs, provoquant mécaniquement une baisse de la prime de risque immobilière. Dans ce contexte, les taux de rendement immobiliers ont commencé à évoluer. Les marchés français et allemands, où les taux de rendement immobiliers étaient les plus bas, ont enregistré une correction rapide mais modérée de leurs taux. Fin juin 2022, les taux de rendement prime de bureaux restaient cependant sous les 3% à Paris et dans les principales villes allemandes. La décompression devrait être plus marquée et probablement plus longue pour les actifs secondaires, notamment en Europe du Sud.

Tendances de la demande placée

Malgré des vents contraires, la demande placée* en Europe affiche une hausse de 46% sur un an (à fin juin 2022) et excède sa moyenne sur les dix dernières années de 3%. L’ensemble des principales villes européennes affichent des performances positives sur un an à l’exception d’Amsterdam qui voit sa demande légèrement reculer (-3%). Dublin, Londres et Lille ont, quant à elles, vu leur demande placée plus que doubler sur les douze derniers mois (à fin juin 2022).

L’offre immédiate dans les principales villes européennes reste stable sur un an, à un niveau cependant relativement élevé. La hausse rapide des coûts de construction et des coûts de financement devraient venir limiter l’offre future et pourrait contribuer à un reflux de la vacance à moyen terme.

Attention aux évolutions des loyers, les sous-marchés se comportent différemment

La crise sanitaire et le développement du télétravail ont entraîné une modification du fonctionnement des marchés. Alors qu’auparavant, une hausse globale de la vacance entraînait une baisse globale des loyers, la polarisation des marchés se traduit par des évolutions de loyers divergentes entre les actifs des localisations centrales permettant le déploiement du télétravail, qui connaissent des pressions haussières de leurs loyers et les autres actifs où les loyers sont orientés à la baisse.

Les mesures d’accompagnement atteignent des niveaux records sur les actifs secondaires, les utilisateurs étant enclins à libérer ces actifs pour des actifs de meilleure qualité.

La hausse des coûts de l'énergie et son corollaire, la hausse des charges locatives, attisent l’attention des utilisateurs sur la performance énergétique. Compte tenu du manque de bâtiments économes en énergie face à cette demande importante, les valeurs locatives pourraient être plus élevées pour ce type de biens.

La faiblesse de l’offre en Allemagne continue à exercer des pressions haussières sur les loyers allemands. Fin juin 2022, les loyers prime s’établissaient à 510 euros/m²/an à Berlin, 522 euros/m²/an à Munich et 546 euros/m²/an à Francfort, ce qui correspond à des hausses de 3 à 10% sur un an. Londres affiche la plus forte progression sur un an (+13%) avec un loyer qui s’établissait à 1’626 euros/m²/an pour les meilleurs actifs fin juin 2022.

 

Sources: CBRE, MBE, La Française REM Research
* Demande placée dans les 12 principales villes européennes: Bruxelles, Lille, Lyon, Paris, Berlin, Francfort, Hambourg, Munich, Dublin, Milan, Amsterdam, Madrid

A lire aussi...