Un tribunal de Hong Kong a ordonné lundi la liquidation du géant immobilier chinois en difficulté Evergrande, symbole des déboires de ce secteur clé de l’économie chinoise mais le groupe a affirmé qu’il poursuivrait ses activités.
Evergrande a été le plus grand promoteur immobilier de Chine. Il a accumulé les dettes jusqu’à afficher un passif de plus de 300 milliards de dollars et est ainsi devenu emblématique de la crise immobilière qui sévit depuis des années dans la deuxième économie mondiale.
La question de savoir comment une décision prise dans la région chinoise semi-autonome de Hong Kong pouvait se concrétiser en Chine continentale, où le groupe est basé et où les lois sont différentes, n’était toutefois pas claire dans l’immédiat.
«(Considérant) l’absence évidente de progrès de la part de l’entreprise dans la présentation d’un plan de restructuration viable (...) j’estime qu’il est approprié que le tribunal rende un jugement de liquidation de l’entreprise, et c’est ce que j’ordonne», a déclaré la juge hongkongaise Linda Chan.
La juge devrait présenter dans l’après-midi le détail de son jugement et pourrait nommer un liquidateur pour Evergrande.
Selon la direction du géant immobilier, la décision du tribunal de Hong Kong n’aura pas d’impact sur ses opérations sur le continent, mais pour les analystes, elle érode encore davantage la confiance des investisseurs étrangers en Chine.
«La décision de justice d’aujourd’hui est contraire à notre intention première (...) C’est extrêmement regrettable», a déploré le directeur général d’Evergrande, Shawn Siu, auprès du média économique chinois 21st Century Business Herald.
Dans un communiqué, il a déclaré que la filiale d’Evergrande à Hong Kong était indépendante des activités du groupe en Chine et que ce dernier «s’efforcera toujours de faire tout son possible pour sauvegarder la stabilité de ses activités et opérations nationales».
Des créanciers internationaux avaient déposé une requête en liquidation devant un tribunal de Hong Kong contre le groupe Evergrande. La procédure a traîné en longueur car les parties tentaient de négocier un accord.
L’avocat d’Evergrande, Jose-Antonio Maurellet, a défendu lundi la dernière proposition du groupe à ses créanciers, assurant que l’entreprise chinoise avait «adouci» les termes de l’accord.
«Abouti à rien»
De son côté, l’avocat d’un groupe de créanciers, Fergus Saurin, a déclaré aux journalistes qu’Evergrande n’avait pas «engagé le dialogue» avec eux. «Il y a eu des velléités de dialogue à la dernière minute qui n’ont abouti à rien», a-t-il affirmé. «L’entreprise ne peut s’en prendre qu’à elle-même»
Après l’annonce du jugement, l’action d’Evergrande a dévissé de plus de 20% lundi à la Bourse de Hong Kong, qui a suspendu la cotation du titre.
La dégringolade d’Evergrande, en défaut de paiement pour la première fois en 2021 et qui a été déclaré en faillite aux Etats-Unis, est étroitement suivie par les autorités chinoises car le groupe était un pilier de l’économie nationale.
Le secteur chinois de la construction et de l’immobilier représentait environ un quart du PIB chinois. Pendant des décennies, les nouveaux logements en Chine étant payés par les propriétaires avant même leur construction, et les groupes immobiliers finançaient facilement leurs nouveaux chantiers à crédit.
Mais l’endettement massif du secteur est perçu ces dernières années par le pouvoir comme un risque majeur pour l’économie et le système financier du pays.
Quelles conséquences?
Pékin a ainsi progressivement durci à partir de 2020 les conditions d’accès au crédit des promoteurs immobiliers, ce qui a tari les sources de financement de groupes déjà endettés.
Fin juin, Evergrande estimait ainsi ses dettes à 328 milliards de dollars.
La décision du tribunal hongkongais est «une nouvelle étape» dans la crise immobilière en Chine, estime auprès de l’AFP Shane Oliver, analyste de la société de services financiers AMP. «Cela n’a pas entraîné le désastre absolu que beaucoup craignaient. Mais la crise n’a pas été résolue pour autant», souligne-t-il.
Ce jugement lance un long processus qui devrait voir les actifs à l’étranger d’Evergrande liquidés et sa direction remplacée, faute d’avoir réussi à présenter un plan de restructuration viable.
Pour l’analyste Raymond Cheng, du courtier CGS-CIMB, «le liquidateur qui sera désigné va se débarrasser des actifs de la société dès que possible. Le prix risque d’être très mauvais.»
La Chine a annoncé plusieurs mesures pour soutenir son secteur immobilier mais les résultats n’ont eu que peu d’effets pour l’instant.