Spirale prix-héritage sur le marché du logement à usage propre

Communiqué, Raiffeisen

3 minutes de lecture

Les héritages et les avances d’hoirie maintiennent la dynamique des prix et les prix toujours plus élevés rendent le transfert de patrimoine entre les générations encore plus nécessaire.

  • Les prix des logements en propriété n’ont jamais connu de hausse aussi rapide qu’en 2021.
  • Le rendement des fonds propres d’un logement en propriété n’a rien à envier à celui des actions.

Pour une grande partie de la population, le rêve de devenir propriétaire s’est envolé depuis bien longtemps. Pourtant, les prix des logements en propriété ne cessent de grimper à des niveaux record. En 2021, les prix des maisons individuelles ont augmenté de 10,3% et ceux des propriétés par étages (PPE) de 7,2%, enregistrant la hausse annuelle la plus importante depuis l’introduction de l’indice des prix des transactions Raiffeisen pour les logements en propriété à usage propre, en 2015.

Spirale prix-héritage

Comme les revenus et le patrimoine des acheteurs potentiels sont loin de pouvoir suivre cette dynamique des prix, le cercle d’acheteurs – et par conséquent la demande de logements – devraient en principe reculer. Sans apport supplémentaire de capital, de moins en moins de ménages son en mesure de surmonter les obstacles liés à la capacité financière et à l’augmentation disproportionnée des fonds propres pour obtenir une hypothèque bancaire. Toutefois, les héritages et les avances d’hoirie permettent d’expliquer le niveau toujours aussi élevé de la demande: chaque année, ce sont près de 100 milliards de francs qui sont hérités, et ce chiffre ne cesse de croître. D’une part, nombreux sont ceux qui doivent compter sur une avance d’hoirie pour pouvoir s’acheter un logement, d’autre part, ce sont justement ces héritages qui contribuent à faire grimper les prix. Les deux effets se stimulent ainsi réciproquement. «Cette spirale prix-héritage ne semble pas prête de s’arrêter, car avec les babyboomers, c’est une génération très importante et très aisée qui atteint désormais l’âge de la retraite. Grâce à leur patrimoine élevé, ils disposent de ressources largement suffisantes pour aider leurs enfants à acheter un logement», explique Martin Neff, chef économiste chez Raiffeisen Suisse.

Spirale prix-salaires?

Pendant que la spirale prix-héritage se poursuit, la peur d’une spirale prix-salaires se dessine du fait de l’augmentation mondiale des taux d’inflation. En raison des prévisions d’inflation en hausse, les taux d’intérêt à long terme ont également nettement augmenté en Suisse. Par conséquent, les conditions des hypothèques à taux fixe ont renchéri. Les taux d’intérêt sont certes de nouveau au plus haut depuis 2018, mais en comparaison historique, le niveau des taux est toujours extrêmement faible. En Suisse, les prévisions relatives à l’inflation se situent toujours aisément dans la marge de fluctuation de la Banque nationale suisse. «La spirale prix-salaires tant redoutée ne devrait par conséquent pas se déclencher en Suisse et même le retournement de tendance annoncé ne devrait être tout au plus qu’un «mini-revirement de taux». Les conditions de financement des biens immobiliers restent extrêmement attractives, même à un niveau légèrement plus élevé. Par conséquent, la demande de biens immobiliers reste donc élevée», indique Martin Neff.

La propriété, mieux que les actions?

L’environnement de taux bas et même de taux négatifs se maintiendra donc encore un certain temps en Suisse. Se pose alors aussi la question de l’affectation de l’excédent de liquidités sur le compte épargne.  Raiffeisen Economic Research a comparé à cet effet le rendement des capitaux propres investis dans les actions et dans un logement. Avec un résultat surprenant: sur les 25 dernières années, un logement à usage propre, financé aux deux tiers par un emprunt, a rapporté près de 7% par an, soit un rendement presque aussi élevé que celui d’un investissement dans un portefeuille d’actions suisses diversifié. En termes de rendement, la propriété du logement, considérée comme sûre et solide, n’a ainsi rien à envier aux investissements en actions. On ne peut donc pas parler de coûts d’opportunité élevés et non pris en compte pour l’apport de fonds propres lors de l’achat d’un bien immobilier. «En plus d’un rendement financier particulièrement attractif, la propriété du logement offre aux acquéreuses et acquéreurs un bénéfice non-financier contrairement au portefeuille d’actions. Le rêve de devenir propriétaire est pour beaucoup tout aussi important que le rendement financier», ajoute Martin Neff.

Un marché hypothécaire disputé

Les Suisses sont les champions du monde incontestés de l’endettement. Aucun autre pays du monde ne connaît un endettement des ménages par habitant aussi élevé. En Suisse, ces dettes s’accumulent avant tout sur le marché hypothécaire. Avec un volume supérieur à 1,1 billion de francs, ce dernier est similaire à celui de l’Allemagne, dix fois plus grande que la Suisse. Même la croissance dynamique de ce marché en inquiète plus d’un, il convient de relativiser: le patrimoine privé est plus de cinq fois plus important que la montagne de dettes.  

Le marché hypothécaire suisse est toujours entre les mains des banques établies qui détiennent 94% de la totalité des hypothèques. Les banques peuvent compter sur une clientèle particulièrement fidèle: 85% prolongent en effet leur hypothèque arrivant à échéance auprès de leur banque principale. Mais de nouveaux concurrents font leur entrée en force sur ce marché lucratif et se taillent une part toujours croissante du gâteau tant convoité. Les caisses de pension ont par exemple quasiment doublé leur volume au cours des cinq dernières années. Rien qu’en 2020, leur volume hypothécaire a augmenté de 18%. Les intermédiaires hypothécaires gagnent des parts de marché encore plus rapidement. En 2020, leur volume a augmenté d’environ un tiers. Les banques établies s’adaptent à cette nouvelle donne et proposent de plus en plus souvent leurs produits par le biais d’intermédiaires ou intègrent leur offre dans leurs propres écosystèmes ou dans des écosystèmes externes à la branche.  «Au final, les preneurs de crédit peuvent se réjouir des conséquences de cette concurrence acharnée. En effet, la marge d’intérêt, en chute libre depuis des années, restera sous pression à l’avenir également», estime Martin Neff.

L’étude «Immobilier Suisse» fournit chaque trimestre une évaluation détaillée de la situation sur le marché immobilier suisse.

A lire aussi...