Taux négatifs: Banque Alternative Suisse brise un nouveau tabou

AWP

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Presque tous les comptes seront ponctionnés d’un intérêt de -0,25% dès le premier franc, même ceux des clients modestes.

De gauche à droite: Anita Wymann, présidente du conseil d'administration de la BAS; et la direction générale de la BAS: Etienne Bonvin, Nicole Bardet, Michael Diaz, Tanja Reuter, Melanie Gajowski. Photographe: Ruben Hollinger.

Banque Alternative Suisse (BAS) devient le premier établissement helvétique à appliquer des taux négatifs sur presque tous ses comptes dès le premier franc, une mesure touchant également les clients modestes. Un intérêt de -0,25% sera prélevé sur les dépôts. En 2015, BAS avait déjà brisé un tabou, ponctionnant les comptes bien fournis.

Le taux de rémunération des comptes a été abaissé de 0,25 point de pourcentage, précise l’établissement soleurois spécialisé dans le financement de projets à vocation sociale et écologique. A titre d’exemple, il faudra désormais composer avec un intérêt négatif de 2,50 francs par an sur un montant de 1'000 francs.

Par cette mesure, Banque Alternative Suisse souhaite assurer à long terme son modèle d’affaires. «Il s’agit d’une mesure de solidarité entre les clients, motivée par une volonté de transparence. Les petits revenus sont moins affectés par les taux d’intérêts que par l’introduction de frais bancaires», a expliqué à AWP Nicole Bardet, membre de la direction.

Les comptes de prévoyance et de garantie de loyer, les comptes d’épargne et de placement pour enfants jusqu’à 75’000 francs, les comptes de titres jusqu’à 500’000 francs et les mandats de gestion de fortune sont exemptés, précise l’établissement.

Fondée en 1990, Banque Alternative Suisse est un acteur modeste sur le plan helvétique, affichant 2,14 milliards de francs au bilan à fin 2020. La décision annoncée mardi n’en reste pas moins hautement symbolique.

En novembre 2015, Banque Alternative était déjà la première banque suisse à répercuter pleinement les taux négatifs - c’est-à-dire à -0,75% - pour les dépôts de particuliers dépassant 100’000 francs. Les autres banques, soucieuses de préserver leurs marges d’intérêt, ont peu à peu suivi cet exemple, fixant chacune leur propre seuil de répercussion. Cette mesure est aujourd’hui devenue la norme.

Transparence essentielle

Dans son communiqué, Banque Alternative Suisse rappelle qu’elle renonce aux profits des activités enfreignent ses principes sociaux et environnementaux. L’établissement se tient ainsi à l’écart de «toute spéculation qui porterait préjudice au bien commun, de toute activité de banque d’affaires et de toute négociation de titres pour son compte propre».

Un modèle d’affaires qui semble séduire, BAS revendiquant une hausse de 6,6% de ses actionnaires et de 8,2% de ses clients l’année dernière. Les dépôts clientèle ont bondi de 12,1% et les volumes de crédit de 2,6%.

Pour Nicole Bardet, il n’était aucunement question de ponctionner les comptes à -0,75%. «Nous avons bien heureusement d’autres sources de revenus. Ce taux de -0,25% est une participation de la clientèle à notre modèle d’affaires, non pas une répercussion des intérêts prélevés par la Banque nationale suisse.»

La BNS applique depuis 2015 un taux d’intérêt de -0,75% pour les dépôts en comptes de virement des banques, au-delà d’un certain seuil fixé. Le dispositif a été allégé en novembre 2019, l’institut d’émission ayant adapté la base de calcul pour le prélèvement.

Pour la Fédération romande des consommateurs (FRC), la question de la transparence est essentielle. On préfère ainsi les établissements qui jouent franc jeu sur les taux négatifs, à l’instar de BAS. «Jouer sur les frais, c’est faire payer plus ceux qui ont le moins d’argent. Nous pensons qu’il faudrait une claire séparation entre les frais couvrant les coûts et les frais liés à la variation des taux d’intérêt qui rémunèrent, ou non, le capital», selon Jean Busché, responsable politique économique.

En cas de généralisation des taux d’intérêts dès le premier franc en Suisse, la FRC fera en sorte que l’addition ne soit pas à la seule charge des titulaires de comptes, affirme M. Busché.

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