L’annonce de S&P d’une dégradation de la note du groupe vient noircir la liste des récents coups durs pour le nouveau CEO Christian Sewing.
Changement de CEO, stratégie révisée et coupes dans le personnel: rien n’y fait, la première banque allemande Deutsche Bank s’enfonce dans une crise qui ravive les craintes sur l’avenir de cet ancien fleuron de la finance mondiale.
Dernier coup de semonce, l’agence de notation financière Standard and Poor’s Global Ratings (S&P) a abaissé vendredi d’un cran, à BBB+, la note de la dette à long terme de l’établissement francfortois.
Jeudi, l’action Deutsche Bank avait chuté de plus de 7%, à 9,07 euros, tout proche de son plus bas historique datant de 18 mois. Le cours rebondissait vendredi de 3,53% en milieu de journée.
Le mouvement de panique du marché jeudi est survenu après que la Federal Deposit Insurance Commission (FDIC), l’organisme américain de garantie des dépôts bancaires, a placé Deutsche Bank sur une liste des «banques à problème», selon des informations de presse confirmées à l’AFP par une source proche du dossier.
La Réserve fédérale (Fed) a de son côté aussi placé jeudi Deutsche Bank dans la catégorie des institutions «en difficulté». Cela signifie une surveillance plus stricte de ses activités outre-Atlantique.
Dans ce contexte de turbulences, le nouveau CEO de la banque, Christian Sewing, s’est à nouveau adressé vendredi aux quelques 97.000 salariés du groupe - pour la deuxième fois depuis son arrivée le 8 avril - pour leur demander de «ne pas baisser la tête». Il a affirmé que la banque était financièrement solide et allait se redresser.
S&P juge encore la perspective de la banque «stable» en termes de notation financière. Un signe selon le directeur que l’agence croit au nouvel exécutif pour conduire la stratégie de redressement. Le marché, lui, est plus dubitatif.
Depuis l’arrivée aux commandes de M. Sewing, le cours de Deutsche Bank a en effet perdu 17%, et plus de 40% depuis janvier.
Les investisseurs peinent à croire au retournement d’une banque allemande distancée par le peloton des principales concurrentes et qui a perdu beaucoup d’argent et d’énergie à démêler des affaires judiciaires liées à ses excès du passé sur les marchés financiers.
«Ce qui a déraillé pendant les 20 dernières années, deux ans ne parviendront pas à le corriger», a assené un des grands actionnaire de Deutsche Bank, Ingo Speich, du fonds Union Investment, lors de la récente assemblée générale du groupe.
Philipp Hässler, analyste chez Equinet Bank, joint vendredi par l’AFP, juge toutefois les craintes actuelles exagérées: «La banque peut se redresser, je ne vois pas le danger qu’elle soit démantelée».
Mais «parvenir à réduire les charges et faire redécoller les recettes» s’annonce «plus difficile à faire quand on va se séparer d’un grand nombre de personnes», observe-t-il.
Deutsche Bank a décidé de réduire ses effectifs de plus de 7'000 personnes, surtout dans les activités américaines et asiatiques dans la banque d’investissement, tirant un trait sur son expansion internationale débridée pour se recentrer sur ses racines européennes.
La banque reste l’ombre d’elle-même après un premier trimestre, traditionnellement le plus fort de l’année, ayant affiché une baisse sur un an des recettes de 5% et un recul de 80% du résultat net. La rentabilité sur les fonds propres ressort à 0,8%, très loin des 10% inscrits dans sa stratégie d’ici à 2020.
Ce qui aiderait les affaires de M. Sewing mais qu’il ne peut influencer : le moment où la Banque centrale européenne va enfin remonter ses taux.
Un scénario qui pourrait intervenir au plus tôt à la mi-2019, selon des analystes, certains voyant déjà un report programmé alors que la donne en Italie complique encore la tâche des gardiens de l’euro.
A noter que Deutsche Bank est également citée dans une affaire d’entente illicite concernant la banque australienne ANZ.