Optimiser sa prévoyance: comment faire bon usage des rachats

Edric Speckert, PensExpert SA

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Une idée largement répandue mais malheureusement fausse suggère qu'un rachat dans la caisse de pension ne ferait du sens qu'à partir de 50 ou 55 ans.

Quatre Suisses sur cinq comptent sur leur prévoyance privée pour financer leur retraite. C'est l'un des résultats de l'étude «VorsorgeDIALOG» de la Haute école de Lucerne. Ce chiffre élevé et stable depuis des années démontre que la population ne s'attend pas à pouvoir maintenir son niveau de vie habituel à la retraite sans devoir fournir des efforts financiers supplémentaires. C'est également ce que dévoilent d'autres études comme le «Moniteur de retraite» d'Axa Investment Managers. Par niveau de vie habituel à la retraite, on entend au moins 60% du revenu gagné avant la retraite.

A la question de savoir comment on se prémunit concrètement contre les risques financiers à la retraite, une réponse du «VorsorgeDIALOG» sort du lot. La forme de prévoyance privée de loin la plus populaire est celle du pilier 3a. Huitante-huit pour cent des personnes interrogées épargnent de cette manière. C'est logique. Si l'on peut mettre suffisamment d'argent de côté pendant une année, le mieux est de verser ce montant dans le pilier 3a. En 2023, cela représente au maximum 7056 francs par an à condition toutefois d'être affilié à une caisse de pension.

Ne pas sous-estimer l’effet des intérêts composés

Selon l’étude précitée, seule une personne interrogée sur cinq effectue des rachats dans sa caisse de pension. Ce chiffre relativement bas par rapport au pilier 3a n'étonne qu'à première vue. En effet, les personnes qui cotisent volontairement à la caisse de pension ont, dans la grande majorité des cas, déjà versé la somme maximale annuelle dans leur pilier 3a. Pour des raisons financières, la possibilité d'effectuer des rachats dans la caisse de pension est surtout offerte aux personnes disposant de hauts revenus. De plus, une idée largement répandue mais malheureusement fausse suggère qu'un rachat dans la caisse de pension ne ferait du sens qu'à partir de 50 ou 55 ans.

Il est important de remettre en question cette affirmation. Compte tenu de l'effet des intérêts et des intérêts composés (le fameux «troisième cotisant»), il vaut la peine de verser volontairement des fonds dans sa caisse de pension dès le plus jeune âge ou avant une interruption de l'activité professionnelle. A condition évidement que le budget du ménage le permette et que la situation fiscale s'en trouve améliorée. En gros, la part des intérêts et des intérêts composés dans la fortune de prévoyance au moment de la retraite – 40 années de cotisation entre 25 et 65 ans avec un taux d'intérêt de 3% par an – est d'environ 40%. Dans cette perspective, il est intéressant de cotiser à sa caisse de pension avant 50 ans, à condition que celle-ci dispose durablement d'un taux de couverture supérieur à 100%. Sinon, il existe un risque de devoir participer financièrement à un éventuel assainissement.

A cet égard, les plans 1e, à travers lesquels des éléments de salaire supérieurs à 132’300 francs peuvent être assurés, ne présentent aucun risque d'assainissement. Ils offrent surtout deux avantages principaux: premièrement, la fortune de prévoyance appartient toujours à 100% aux assurés. Etant donné que dans les plans 1e le retrait du capital est visé dans la grande majorité des cas, une redistribution à des tiers n'est pas possible. Deuxièmement, chaque personne assurée peut choisir sa propre stratégie de placement en fonction de son profil de risque, mais les pertes éventuelles doivent toutefois être directement supportées par les assurés eux-mêmes (le capital de prévoyance n’est en effet pas garanti dans les plans 1e).

Commencer tôt à planifier sa retraite

Qu'il s'agisse d'un rachat dans sa caisse de pension ou dans un plan 1e, il faut tenir compte de plusieurs points: les rachats planifiés devraient être répartis sur plusieurs années afin d’optimiser la situation en termes d'impôt sur le revenu et de minimiser l’impact de la progression fiscale.

Celui ou celle qui envisage de percevoir le montant du rachat sous forme de rente doit aussi être conscient du fait que la rente est imposée en tant que revenu et non pas à un taux préférentiel comme c’est le cas avec le retrait du capital. Et ce que beaucoup de gens ont malheureusement trop souvent tendance à oublier: les rachats de la caisse de pension sont toujours versés dans le régime surobligatoire. La caisse de pension peut fixer le taux de conversion pour les fonds de prévoyance surobligatoires à un niveau nettement inférieur à celui des fonds de prévoyance appartenant au régime obligatoire, qui sont actuellement convertis au taux de 6,8% fixé par la loi.

Par ailleurs, des surprises désagréables peuvent également survenir en cas de retrait en capital : en effet, le retrait en capital peut avoir lieu – au jour près – au plus tôt trois ans après le dernier versement. Là encore, pas de règle sans exception – s'il s'agit de rachats après un divorce, ce délai de blocage ne s'applique pas. Enfin, il vaut la peine de jeter un coup d'œil aux différences fiscales entre les cantons qui peuvent parfois être considérables en Suisse. Selon le lieu de résidence, les rachats sont en effet plus ou moins attractifs fiscalement.

En raison des nombreux aspects fiscaux et réglementaires ainsi que des différences régionales, il est donc fortement recommandé de s'informer à temps au sujet de ses possibilités de rachat, ceci en demandant conseil à un professionnel afin que la situation individuelle de chacun et chacune soit correctement prise en compte et que le rachat dans sa caisse de pension soit véritablement opportun.

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