Prévoyance: les pistes pour les hauts salaires

Emmanuel Garessus

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Après AVS 21, une réforme du 3e pilier sera mise en oeuvre en 2024, indique Edric Speckert, le directeur romand de PensExpert.

Edric Speckert a pris ce printemps la direction romande de PensExpert, un leader dans les solutions de prévoyance pour les cadres et les salaires supérieurs. Avec 8 milliards de francs d’actifs sous gestion pour 70 employés, dont cinq à Lausanne, la société est en forte croissance en raison de la dynamique du marché de la prévoyance et de l’intérêt pour les solutions individualisées. L’ambition de PensExpert à trois ans est «de croître en assurant une bonne qualité de service en visant à terme 9 puis 10 milliards d’actifs », révèle-t-il.

En marge d’une manifestation tenue jeudi à Lausanne, avec notamment un exposé de Marc Pfenninger, directeur adjoint de Compenswiss, Edric Speckert répond aux questions d’Allnews sur les tendances futures en matière de prévoyance et sur l’avenir de PensExpert.

Pourquoi PensExpert est-il engagé dans le débat politique?

Notre modèle d’affaires repose sur l’épargne individuelle donc les 2e et 3e piliers. Nous aimerions réformer ces derniers pour les rendre plus attractifs, plus modernes, plus flexibles. La société évolue rapidement, en particulier le marché du travail. Dans cette perspective, il nous paraît crucial de s’adapter au marché du travail actuel et à son évolution en proposant des solutions de prévoyance attractives.

«Nous nous concentrons sur les particuliers (B2C) avec des solutions de libre passage, c’est-à-dire lorsque les assurés sont sans emploi ou qu’ils ont quitté le pays.»
Pouvez-vous citer deux des principaux problèmes à régler dans une réforme du 2e pilier?

Le 2e pilier doit s’adapter et répondre d’une part au défi des emplois multiples et du temps partiel, à cause du montant de coordination élevé, et d’autre part à celui des gens qui perdent leur emploi. Le système a en effet été conçu pour une vie active de 40 ans sans interruption de carrière. Même si le sujet est tabou, il faut reconnaître que le système de prévoyance ne tient pas suffisamment compte des personnes sans travail. Il faudrait trouver des améliorations pour améliorer la retraite de ces personnes.

Est-ce que le système, toujours en quête du consensus majoritaire, se préoccupe trop peu des deux extrêmes, à la fois des bas et des très hauts revenus?

Ces deux catégories sont effectivement sous pression. Le système est heureusement le résultat de la volonté démocratique. Il a des lacunes mais il a pour but de répondre aux besoins du plus grand nombre et en particulier des plus mal lotis. Des pistes d’amélioration existent en particulier au niveau du 3e pilier. En voulant accroître la cotisation maximale et effectuer des rachats pour réduire les lacunes de prévoyance, la réforme du 3e pilier vise in fine à améliorer l’ensemble du système et le niveau des rentes. A ce sujet, on pourrait même imaginer de cotiser au 3e pilier sans avoir de travail afin d’améliorer par exemple la situation des femmes qui interrompent leur carrière lorsqu’elles ont des enfants.

Vous avez repris la direction romande de PensExpert. Est-ce que votre nomination s’accompagne d’une adaptation de la stratégie?

Nous avons une stratégie valable au plan national et pas uniquement romand. PensExpert est une société d’origine lucernoise dont la stratégie consiste à satisfaire les besoins individualisés du client en matière de prévoyance vieillesse. Nos solutions sont destinées aux salaires élevés et sont souvent complexes parce que la prévoyance l’est aussi.

Nous nous concentrons sur les particuliers (B2C) avec des solutions de libre passage, c’est-à-dire lorsque les assurés sont sans emploi ou qu’ils ont quitté le pays ; nous sommes aussi présents sur le marché des entreprises (B2B) dans le domaine surobligatoire.

Est-ce que le marché du surobligatoire est porteur?

Nous avons la chance d’être sur un marché en forte croissance et d’être le pionnier du marché dit bel-étage ou 1e pour les cadres, c’est-à-dire des solutions pour les revenus supérieurs offrant davantage de possibilités d’investissement à condition de supporter les risques. Nous gérons 1,8 milliard de francs avec le produit PensFlex, lancé en mai 2000, respectivement 1,3 milliard de francs avec le produit PensUnit lancé en 2017.

Comment se développe le marché 1e?

Les plans 1e sont recherchés parce qu’ils évitent la redistribution entre assurés et retraités, optimisent la stratégie à long terme en fonction du profil de risque et favorisent la transparence. Les entreprises qui disposaient précédemment un plan de prévoyance enveloppant apprécient fortement ces trois points. En général, les clients ont seulement quelques cadres aux revenus élevés, à l’exception de quelques clients comme par exemple l’hôpital cantonal de Lucerne où nous assurons un nombre important de cadres.

«La croissance des actifs gérés est le fruit de notre longue expertise dans les questions de prévoyance et leurs aspects fiscaux.»

A la suite de changements législatifs, le taux d’intérêt pour les rachats est passé de 2 à 0% dans les plans 1e, ce qui a considérablement réduit l’attractivité de PensFlex (de 129’600 francs jusqu’à 860’400 francs). Nous en avons profité pour développer PensUnit, soit notre offre surobligatoire destinée aux revenus supérieurs à 86’040 francs jusqu’à 860’400 francs. Le taux d’intérêt est ici fixé à 2%, ce qui, sur une base comparable, accroît d’un tiers la capacité de rachat. Avec PensUnit, comme nous devons constituer un dépôt pour faire face au risque de sous-couverture, nous introduisons un second dépôt lié aux réserves de fluctuation. Le montant dépend de la stratégie d’investissement individuelle choisie; plus cette dernière est risquée et plus la réserve de fluctuation collective s’accroît.

Quelle est la répartition de vos actifs sous gestion?

Nous gérons 8 milliards de francs d’actifs, dont 5 milliards dans les deux fondations de libre passage (avec des avoirs supérieurs à un demi-million de francs en moyenne), 50 millions dans le 3a, 1,8 milliard avec PensFlex et 1,2 milliard avec PensUnit. Nous présentons une croissance de la masse sous gestion à deux chiffres depuis plusieurs années.

Quels sont les moteurs de cette croissance?

La fondation de libre passage «Independant» présente le meilleur taux de progression. Elle profite par exemple de la volonté de la part de personnes qui partent à l’étranger de maintenir leur avoir de vieillesse en Suisse. Ces assurés mettent notamment en avant la sécurité du droit et la force du franc suisse.

La croissance des actifs gérés est le fruit de notre longue expertise dans les questions de prévoyance et leurs aspects fiscaux. Dans ce cadre, nous coopérons avec une banque partenaire qui gère les aspects liés à l’investissement et la conformité réglementaire.

Quelles sont les perspectives d’actifs sous gestion cette année?

Nous ouvrons beaucoup de nouveaux contrats cette année, mais la fortune sous gestion est pénalisée par la baisse actuelle des marchés. Il ne devrait donc pas y avoir de croissance à deux chiffres en 2022. Toutefois, nous visons à terme les 9 puis 10 milliards de francs.

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