Retour de Hong Kong, une ville sous contrainte

Alain Barbezat, BCV

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La ville-Etat a changé. L’ambiance est plus feutrée tant dans les bars qu’à la bourse. Le Dragon pourrait se réveiller en 2024, son année, à un certain nombre de conditions.

Je me suis récemment rendu à Hong Kong et c'est toujours une expérience intéressante, après quatre ans d'absence, que de retourner dans un endroit que l'on connaît bien pour y avoir vécu pendant 10 ans.

Hong Kong a changé. La ville a perdu de son dynamisme, peut-être un peu de son mojo.

Certaines choses peuvent être observées et vérifiées à l'aide de données. D'autres sont plus difficiles à démontrer. Elles relèvent plus du ressenti et de témoignages de connaissances, qui vivent toujours dans ce coin de Chine.

En tant que centre d'affaires, Hong Kong a subi des dommages durant la crise sanitaire, lorsque les restrictions imposées par le gouvernement ont entravé les voyages tant entrants que sortants. Centre financier à l'écart de la Chine, la ville souffre par ailleurs de la baisse de confiance dans l'Etat de droit à la suite des manifestations de 2019 et de la répression gouvernementale qui s'en est suivie.

Pernicieux pessimisme

Cette ville-Etat a déjà connu des périodes de contrainte importante. J’en ai vécu trois: la crise immobilière post crise asiatique de 1998, qui a vu une chute de 70% des prix et de 85% du nombre de transactions sur une période de trois ans, la période SRAS de 2003 et la crise financière de 2008. A chaque fois, elle a su rebondir, se renforçant même. Aujourd’hui, la tâche semble plus difficile, car le pessimisme est plus pernicieux. Difficile, mais pas insurmontable.

Hong Kong n'est certainement pas une ville en crise. Elle reste une place bien capitalisée. Aucun signe de stress financier n’est en vue, malgré deux récessions traversées depuis 2019. Et ceci, même si les données économiques se montrent, pour l'instant, peu encourageantes.

Hong Kong a toujours été l'endroit, où il fallait être en Asie si l'on voulait faire de la finance «sérieuse». Elle le demeure, tout en étant quand même moins attrayante. Notamment en tant que plaque tournante pour l'argent chinois. C’est particulièrement vrai pour les riches Chinois, gérant des family offices, cherchant à échapper aux contrôles des capitaux par Pékin et à la justice chinoise. Une situation qui explique certainement en partie la diminution de l'effervescence générale.

Des heures de pointe calmes

La ville est en effet beaucoup plus calme. Il est presque agréable de prendre le métro, même aux heures de pointe. Traverser la rade en ferry est définitivement un réel plaisir. Les centres commerciaux ne sont pas fourmillants; un grand nombre de boutiques ont fermé en l’absence des touristes chinois, qui ne sont pas encore revenus en force. Manger dans un restaurant sans réservation n’est plus une galère. Quant à aller boire un verre dans un des quartiers de bars, l’expérience relève plus d’un périple solitaire que d’un acte de socialisation. On ne regrettera, en revanche, pas l’absence de files d’attente à l’aéroport.

Plus positivement, j’ai écouté avec intérêt des récits du retour de certaines personnes ayant quitté HK pour Singapour. Les raisons semblent multiples. Singapour n’a pas la capacité d’absorption de HK. Les loyers ont explosé – je ne parle pas de pourcentages de hausse, mais de multiples –. Les écoles, publiques ou privées, sont incapables d’accepter les nombreux enfants d’expatriés récemment arrivés. La vie est rapidement devenue trop chère pour beaucoup et de nombreux services sont surchargés. Le vent semble à nouveau tourner en faveur de HK.

Retour vers le futur

Il n’en demeure pas moins que la Hong Kong de demain sera très différente de la Hong Kong d’hier.

C’est vrai côté ambiance. Mais aussi côté finance. D’ailleurs, le marché des actions reflète déjà une très grande partie du marasme décrit. Un exemple? Le total des positions à découvert (ventes shorts) se monte à 22% des volumes de titres échangés quotidiennement, un record depuis 1998, soit depuis que ces statistiques sont disponibles. L’indice Hang Seng se retrouve au niveau qui était le sien en septembre 2000. Le tableau est encore plus déprimant pour les actions H des entreprises chinoises listées à Hong Kong, puisque cet indice se traite désormais au même niveau qu’en octobre 1993!

Evaluation de l’indice Hang Seng

Source: BCV

 

En matière d’évaluations, le PER de l’indice Hang Seng (HSI) avant éléments extraordinaires se mesure à 6,1x, ce qui équivaut à deux déviations standards de moins que sa moyenne sur 30 ans de 12,8x.

Les conditions d’un réveil

Si la bourse est bon marché, pour que le dragon s'enflamme vraiment, nous aurons probablement besoin d'un dollar plus faible et d'une baisse des taux d’intérêts américains, car, en raison du système de currency board, les autorités monétaires de Hong Kong doivent automatiquement importer les évolutions des taux des Etats-Unis. Un regain d’intérêt pour la place financière de Hong Kong passe aussi par une amélioration des données en provenance de la Chine continentale et, potentiellement, par une éclaircie de la toile de fond du commerce mondial. Bien entendu, toute embellie de la confiance des consommateurs chinois serait également bénéfique.

A ce stade, un retournement rapide des indices de la place hongkongaise semble improbable. Cependant, la combinaison entre l'augmentation des mesures politiques de relance – qui devraient se poursuivre – et un positionnement baissier suggère que le marché des actions pourrait avoir trouvé un soutien autour des niveaux actuels.

Sauf catastrophe, 2024, année du Dragon suivant l’astrologie chinoise, pourrait bien être celle de Hong Kong.

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