Pourquoi les risques d’inflation restent orientés à la hausse

Mark Holman, TwentyFour Asset Management

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Le renchérissement actuel appelle des comparaisons avec la période économique sombre du début des années 1980.

©Keystone

Comme nous le savons, les chocs du côté de l’offre ont significativement contribué aux niveaux d’inflation actuels, et les banques centrales ont fini par réagir à la menace inflationniste croissante en changeant clairement d’orientation. Dans la mesure où bon nombre des facteurs à long terme qui expliquent l’inflation faible des dix dernières années resteront probablement en place durant la prochaine décennie, ils peuvent bien évidemment nous amener à prévoir une baisse des niveaux d’inflation dans le futur.

Les entreprises réagissent avec un décalage

Si nous sommes convaincus que l’inflation reculera plus tard dans l’année, c’est le niveau auquel elle finira par se stabiliser qui pourrait à notre avis s’avérer plus haut que prévu. Cet aspect est essentiel pour les valorisations d’actifs, d’autant que l’évolution des prix dépend en grande partie de l’offre et que les banques centrales estiment avoir peu de contrôle dans ce domaine.

Le bond de la demande qui a suivi la réouverture des économies mondiales a exacerbé le choc sur l’offre.

Intéressons-nous aux moteurs actuels de l’inflation, en commençant par le COVID-19 et les chocs du côté de l’offre que le commerce mondial mettra plusieurs années à absorber aussi efficacement qu’avant la pandémie avec des entreprises qui chercheront à couvrir leurs risques liés aux chaînes d’approvisionnement. Pour ce faire, elles devront diversifier leurs sources d’approvisionnement et ne pas nécessairement choisir la solution la plus efficiente sur le plan des coûts. Certaines entreprises réagiront rapidement, d’autres prennent peut-être des mesures dès maintenant et d’autres encore ne réagiront que plus tard, ce qui alimentera l’inflation en continu.  

Les risques pays doivent être diversifiés

Le bond de la demande qui a suivi la réouverture des économies mondiales a exacerbé le choc sur l’offre. Les injections de liquidité tous azimuts des banques centrales ont certainement créé des poches de valorisations inconfortables. On pourrait néanmoins penser qu’un retour à une politique monétaire plus normale permettrait de circonscrire ce phénomène.

Mais la guerre en Ukraine a bien sûr fortement amplifié le choc de prix sur les matières premières qui se préparait déjà avant l’invasion russe. Avec la flambée des prix des intrants, les répercussions s’annoncent extrêmement étendues. Les entreprises évalueront sérieusement les risques de contrepartie et de pays avant de s’engager dans des contrats à long terme pour l’approvisionnement de matières premières.

En outre, l’ESG sera toujours un facteur d’inflation: faire le bien a un prix, et là encore, la guerre en Ukraine a accentué l’urgence et l’importance de cette problématique. Le risque pays est désormais au premier plan des préoccupations des investisseurs. La diversification du risque pays aura un effet similaire à celle des chaînes d’approvisionnement mentionnées plus haut, avec des entreprises et des économies qui ne choisiront pas forcément l’option la moins coûteuse.  

Nous approchons du moment du cycle où les investisseurs devront rééquilibrer leurs portefeuilles avec des obligations plus sensibles aux taux.

A cet égard, il faut évoquer la Chine où de nombreux investisseurs et entreprises peuvent hésitent à s’engager, que ce soit au travers d’un investissement ou d’un partenariat commercial. Compte tenu du rôle primordial que la Chine joue depuis plusieurs décennies en maintenant les coûts de production à de bas niveaux, des mesures significatives visant à se passer des chaînes de production chinoises auront probablement l’effet contraire. Ce scénario ne nous semble pas à l’ordre du jour pour l’instant, mais un certain nombre d’entreprises tenteront sans doute de diversifier une partie de leurs risques dans ce domaine.   

Une orientation vers les rendements sans risque est bienvenue

Dans l’ensemble, il y a donc quelques raisons de penser que l’inflation à long terme sera plus élevée que dans le précédent cycle économique. Les banques centrales peuvent resserrer leur politique monétaire pour s’attaquer à la partie de l’équation qui concerne la demande, mais certains problèmes liés à l’offre paraissent installés pour longtemps. Il nous semble donc justifié de s’orienter vers les courbes de rendement sans risque, d’une part sur les échéances courtes car les taux remonteront rapidement, et d’autre part sur les échéances longues car les attentes inflationnistes ne sont pas aussi solidement ancrées qu’auparavant.

Du point de vue obligataire, l’orientation vers les rendements sans risque est certainement bienvenue: à un certain moment du cycle, les investisseurs devront rééquilibrer leurs portefeuilles avec des obligations plus sensibles aux taux et ils ont bien sûr intérêt à le faire à des niveaux de rendement plus élevés. Ce moment approche, car nous nous dirigeons vers la fin du cycle: les économies mondiales seront alors moins bien armées pour encaisser les futurs chocs, et les bons du Trésor américain resteront comme toujours l’instrument de prédilection des investisseurs hostiles au risque.

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