Un atterrissage en douceur est-il possible?

Mark Holman, TwentyFour Asset Management

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Les Etats-Unis sont face au risque de récession en 2023. La Fed peut-elle réussir un atterrissage en douceur?

L’aplatissement rapide de la plupart des principales courbes de rendement des emprunts d’Etat, et en particulier la brève inversion très remarquée de l’écart entre les bons du Trésor à 2 et 10 ans la semaine dernière, ont fait surgir le scénario d’une éventuelle récession américaine en 2023 dans l’esprit des investisseurs.    

Nous savons tous qu’une inversion entre les rendements du Trésor à 2 et à 10 ans est généralement annonciatrice d’une récession à venir aux USA. Il faut néanmoins relativiser le pouvoir prédictif de ce phénomène compte tenu du timing extrêmement variable de la récession qui lui succède.  Historiquement, cette récession peut mettre neuf mois à près de quatre ans pour se manifester, de sorte que si la fiabilité de la prédiction ne peut être contestée, son timing incertain ne permet pas de l’utiliser autrement que comme un simple signal d’avertissement. Lorsque la courbe des rendements s’est inversée en août 2019 et qu’une récession a suivi en mars 2020, personne n’avait encore jamais entendu parler du Covid-19. La prédiction s’est comme d’habitude avérée juste, mais la récession qui a suivi est due à des raisons qui n’auraient pas pu être prédites.

Une série de hausses de taux est inévitable

Pour en revenir au récent aplatissement et à l’inversion de la courbe observée la semaine dernière, cela s’explique à mon avis par les indications de la Fed sur l’orientation future de sa politique monétaire, un outil dont les investisseurs ne bénéficient que depuis quelques années. L’ensemble de la courbe des taux a rapidement évolué à la hausse, mais l’accélération de la partie courte a été encore plus forte car les investisseurs ont réagi aux indications prospectives de la Fed en intégrant de nombreuses mesures de relèvement de taux, ce qui rend selon nous la courbe moins fiable en tant qu’indicateur de récession. Sur le plan économique, on peut donc s’interroger sur l’utilité que peuvent avoir les indications prospectives quand il s’agit du resserrement de la politique monétaire. Elles sont certes utiles lorsque la banque centrale veut apporter un soutien monétaire à une économie défaillante, mais ce n’est pas le cas de la situation actuelle. Quoi qu’il en soit, le débat sur un atterrissage en douceur est désormais lancé.

Mais avant de trop ralentir, une économie de fin de cycle peut durer longtemps et les actifs risqués peuvent devenir assez chers durant cette phase.

Selon nous, le scénario d’un atterrissage en douceur aux Etats-Unis reste toujours plus probable que celui d’un atterrissage brutal, mais il est certain que l’inflation est plus tenace et évolue à des niveaux supérieurs à ceux auparavant annoncés par la Fed, ce qui signifie qu’une série de hausses de taux est inévitable – et s’effectuera à un rythme auquel les marchés ne sont plus habitués depuis longtemps. Il est également clair que les consommateurs américains subissent déjà l’inflation depuis 12 mois, ce qui impacte leur pouvoir d’achat. Cet environnement devrait se maintenir tout au long de l’année 2022 et coïncide avec une période de forte hausse des taux d’intérêt. En conséquence, une érosion de la confiance des consommateurs semble une fois de plus inévitable, même si des initiatives gouvernementales telles que la récente libération de stocks pétroliers peuvent procurer un certain soulagement. Pour une économie axée sur la consommation telle que les Etats-Unis, ce n’est pas une bonne nouvelle et nous devons donc prendre en compte un affaiblissement raisonnable des prévisions de croissance du PIB.

L’économie américaine est aidée par sa résilience aux chocs

Nous en restons toutefois à notre scénario de base, à savoir qu’une récession américaine sera évitée en 2023; nous estimerions à environ 35% le risque d’une récession l’année prochaine. Les arguments qui plaident contre une récession se fondent sur la vigueur incontestable de l’économie début 2022, et donc la capacité d’absorption importante qu’elle a dû déployer face à de nombreux chocs. Sans cela, notre opinion pourrait être différente. Mais rappelons que l’économie a dû absorber un choc sur la chaîne d’approvisionnement, un choc de la demande suivi d’un choc inflationniste, un choc sur les prix des matières premières et enfin la guerre en Ukraine. Et si nous ajoutons des mesures de resserrement significatives de la politique monétaire, il faut en conclure que la résilience remarquable qui caractérisait l’économie en 2021 sera entamée d’ici la fin 2022.  

Si les hausses de taux ont lieu comme prévu, l’économie américaine aura toutes les caractéristiques d’une fin de cycle sans pouvoir compter sur l’effet «pare-choc» de la croissance du PIB. Telle est la configuration de fin de cycle typique qui attend les investisseurs.

Un atterrissage en douceur est probable

Mais avant de trop ralentir, une économie de fin de cycle peut durer longtemps et les actifs risqués peuvent devenir assez chers durant cette phase, même si ce n’est bien sûr pas toujours le cas. Rappelons toutefois que c’est généralement un choc ou une surprise qui fait basculer le cycle. C’est au moment où nous atteignons la fin du cycle que l’économie est la plus vulnérable, de sorte que de nouvelles surprises pourraient ne pas être absorbées aussi efficacement que ces derniers temps.

Notre scénario principal est donc celui d’un atterrissage en douceur de l’économie, mais d’ici là, elle sera proche de la fin du cycle ou déjà entrée dans cette phase, et nous pouvons espérer que les valorisations se redresseront et suivront le rythme. En outre, les rendements des bons à long terme du Trésor américain s’inscrivent en hausse, ce qui devrait aider les investisseurs à équilibrer les portefeuilles à ce moment-là.

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