Pour protéger son portefeuille contre les risques

James Mazeau, UBS Global Wealth Management

3 minutes de lecture

Les investisseurs font face à de nouvelles incertitudes. Les valeurs refuge ne se sont pas comportées comme on aurait pu s’y attendre. Décryptage et esquisses de solutions.

Les emprunts d’Etat, traditionnellement considérés comme un moyen de se couvrir en temps de crise, ont eu, ces derniers temps, un comportement inhabituel. Le rendement des bons du Trésor à dix ans a flirté avec les 5%, soit environ 20 points de base (pb) de plus qu’avant la guerre entre Israël et le Hamas. L’indice VIX, qui mesure la volatilité attendue des actions américaines, se situe 9 points au-dessus de son plus bas niveau de l’année 2023, même s’il est toujours inférieur à son niveau moyen de 25,5 en 2022.

Néanmoins, il est encore possible d’identifier des couvertures susceptibles de protéger les portefeuilles contre les trois risques de marché qui préoccupent le plus les investisseurs. Explications.

1. Se couvrir contre une escalade de la guerre entre Israël et le Hamas

Le scénario de référence de la Recherche d’UBS envisage une guerre qui reste circonscrite aux zones de conflit actuelles. Les répercussions sur les marchés financiers internationaux devraient s’atténuer progressivement. On peut s’attendre à des fluctuations de cours plus marquées en cas d’escalade régionale qui verrait d’autres pays comme l’Iran se retrouver impliqués.

En effet, un élargissement du conflit au Moyen-Orient serait de nature à faire grimper les cours du pétrole. Le baril de brut Brent risque de bondir au-dessus des 120 dollars (voire plus), comme ce fut le cas lors de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les investisseurs redoutant une perturbation de l’approvisionnement en pétrole (par exemple, en cas de blocus du détroit d’Ormuz) ou une interruption des exportations iraniennes, qui s’élèvent à 1,5 million de barils par jour.

Les positions longues sur les contrats à terme sur le baril de Brent – ou les structures d’options qui bénéficient d’une hausse des cours du pétrole – sont sans doute les meilleures façons de se couvrir dans un tel scénario.

En dehors du pétrole, la meilleure couverture serait certainement l’or, qui est considéré comme une valeur refuge face à l’instabilité géopolitique. D’ailleurs, son cours a déjà augmenté d’environ 9% depuis que la guerre entre Israël et le Hamas a commencé.

Les devises refuges telles que le dollar américain, le franc suisse et le yen pourraient s’apprécier dans un tel scénario, quand bien même leur efficacité en tant que couverture serait toute relative si les banques centrales prennent des mesures pour garantir la stabilité financière. De même, les bons du Trésor américain sont une couverture moins séduisante car la récente hausse de leur rendement suggère que la croissance et les facteurs techniques l’emportent sur la « fuite vers la qualité » en tant que déterminant de la performance.

2. Se couvrir contre une poursuite de la hausse des rendements des obligations de grande qualité

Dans le scénario de référence de la Recherche d’UBS, le rendement des bons du Trésor américain à dix ans pourrait retomber à 3,5% d’ici juin 2024, contre 5% à l’heure actuelle, sous l’effet du ralentissement de la croissance économique aux Etats-Unis et de la poursuite de la décrue de l’inflation début 2024. Même dans le scénario le plus optimiste, qui envisage une croissance supérieure à la tendance et des taux d’intérêt durablement plus élevés, il est peu probable que le rendement des obligations à échéance plus lointaine dépasse les 5%.

Sur le marché des bons du Trésor, la volatilité actuelle amène à privilégier les titres à cinq ans plutôt que ceux à dix ans pour profiter de leur rendement plus élevé et atténuer le risque que les rendements à dix ans augmentent encore.

Il s’agit de la couverture préférée pour les investisseurs qui redoutent que l’incertitude alimentée par le déficit budgétaire considérable des Etats-Unis, conjugué à l’augmentation des émissions de bons du Trésor, n’accentue la pression à la hausse de la « prime de terme » (la rémunération nécessaire à convaincre les investisseurs de privilégier les bons du Trésor à échéance lointaine plutôt que ceux à échéance rapprochée). Les rendements à plus long terme sont plus sensibles aux facteurs techniques et aux fluctuations de l’offre.

Autre idée de couverture: les credit default swaps, un instrument financier qui permet à un investisseur de s’assurer contre le défaut d’un emprunteur. Néanmoins, ce type de couverture est moins accessible et moins séduisant en raison de facteurs tels que la liquidité du marché, le ticket d’entrée plus élevé et les anomalies de cours liées aux arbitrages.

3. Se couvrir contre une forte baisse des actions

Les meilleures idées pour mettre une fortune à l’abri d’une correction des marchés d’actions dépendent du principal facteur des pertes. Pour les investisseurs qui ont la possibilité de recourir aux options, passer d’une exposition aux actions à des stratégies de préservation du capital serait la meilleure des couvertures dans des scénarios pessimistes engendrés par un «choc» éphémère qui ferait bondir la volatilité des actions.

Ces stratégies conjuguent une obligation sans coupon à des positions longues sur des options d’achat. Cela permet aux investisseurs de rester sur les marchés dans la mesure où le principal est préservé si la stratégie est conservée jusqu’à l’échéance. Il existe un risque de liquidité si les investisseurs ont besoin de vendre avant l’échéance. Les fluctuations de taux d’intérêt, ainsi que les variations de la volatilité implicite et des niveaux de dividendes sont des facteurs à surveiller compte tenu de leur incidence sur les cours.

Autre possibilité: les investisseurs peuvent envisager d’opérer une rotation vers des secteurs plus défensifs. Il serait alors judicieux d’accroître l’exposition à des secteurs tels que la consommation de base, dont la performance est moins corrélée au cycle économique mondial, et de réduire l’exposition au secteur plus cyclique des matériaux.

L’alternative aux couvertures

Tous les investisseurs n’ont pas la possibilité ou la volonté de se couvrir. Les événements politiques et géopolitiques sont imprévisibles. Certaines couvertures peuvent se révéler coûteuses une fois passé l’événement à risque. En outre, l’ajustement des couvertures peut être complexe sur des marchés en pleine évolution.

Une autre approche consiste à maintenir un portefeuille diversifié dans lequel toutes les classes d’actifs et zones géographiques sont représentées. Dans le scénario de référence de la Recherche d’UBS, les liquidités, les obligations, les actions et les investissements alternatifs devraient tous offrir des rendements appréciables au cours des six à douze prochains mois et à plus long terme. Les investisseurs qui examinent leur portefeuille et qui veillent à maintenir un bon équilibre entre les différentes classes d’actifs seront bien armés pour gérer les risques potentiels et enregistrer de belles performances dans la durée.

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