Perspectives actions internationales de J.P. Morgan AM

Paul Quinsee, J.P. Morgan Asset Management

4 minutes de lecture

De nouvelles révisions baissières des anticipations de bénéfices sont à attendre, en particulier dans les secteurs très exposés à l’économie.

RÉFLEXION SUR LES ACTIONS 

La performance des actions semble robuste depuis le début de l’année. Toutefois, il s’agit simplement d’une inversion de la tendance très faible de la fin de l’année dernière : depuis début 2018, les prix des actions évoluent dans une large fourchette aux États-Unis tandis qu’ils sont en baisse en Europe et en Asie. La croissance des bénéfices ralentit et les tensions commerciales retiennent davantage l’attention. Dans l’ensemble du monde, les flux des fonds d’actions sont uniformément faibles. Et si l’intérêt des investisseurs pour les valeurs défensives et en forte croissance se maintient remarquablement, les titres plus cycliques continuent d’être délaissés. 

Dans ce contexte, nos gérants de portefeuille demeurent légèrement plus prudents qu’à l’habitude. Les bénéfices des entreprises ralentissent, mais moins vite que l’an dernier. De plus, nous prévoyons d’autres révisions baissières des anticipations de bénéfices, en particulier dans les secteurs très exposés à l’économie, car la croissance mondiale est inférieure à la tendance et l’activité affaiblie dans le secteur manufacturier, sur fond de persistance du risque posé par les tensions commerciales sino-américaines pour les marchés et les entreprises. 

Les meilleures entreprises de croissance
affichent toujours des niveaux exceptionnels de rentabilité.

Néanmoins, tout n’est pas si sombre pour les investisseurs en actions. Les meilleures entreprises de croissance affichent toujours des niveaux exceptionnels de rentabilité et de flux de trésorerie, tandis que les adeptes de la sélection d’actions «value» disposent encore de très bonnes perspectives, comme en témoigne la divergence entre les titres chers et bon marché. Et contrairement à d’autres classes d’actifs, les actions présentent des valorisations globalement en ligne avec les moyennes historiques, et continuent d’offrir une rémunération positive en termes réels. En résumé, nous voyons de nombreux arguments pour maintenir une exposition. 

Le graphique 1 présente un aperçu de nos perspectives.

Points de vue issus de notre comité d’investissement trimestriel en actions internationales (octobre 2019)

 

TENDANCES 

Depuis début 2018, les bénéfices sont relativement moroses, ce qui se reflète dans l’évolution sans conviction des marchés actions. Nos analystes de recherche marchés développés (MD) prévoient pour cette année une hausse des bénéfices située dans le bas de la fourchette à un chiffre (%), et à peine plus en 2020. Les bénéfices des secteurs cycliques tels que l’industrie et les technologies sont supérieurs à la tendance et devraient subir des pressions baissières en renouant avec des niveaux plus normalisés. De même, les anticipations des bénéfices sur les marchés émergents pour 2019 ont été revues à la baisse au fil de l’année. Cette tendance est tirée par le secteur des semi-conducteurs, qui pèse sur la croissance totale des bénéfices en raison de déstockages. Même si nos analystes marchés émergents (ME) prévoient un rebond de la croissance bénéficiaire l’an prochain, celui-ci sera facilité par un comparatif affaibli cette année dans les secteurs cycliques. Cela étant, les valorisations semblent raisonnables et anticipent des perspectives modérées à court terme. Pour l’ensemble des actions des ME, les performances prévues sur 5 ans par notre cadre RIGOUR (soutenues par la croissance des bénéfices) s’établissent au niveau respectable de 14%. 

En-dehors de quelques jours de septembre où les actions « value » ont nettement surperformé les valeurs de forte croissance, elles sont restées à la traîne et ont prolongé la sous-performance qu’elles affichent depuis plus de dix ans. Toutefois, comme nous le rappelle notre équipe «value» américaine, lorsque l’on confronte les performances «growth» et «value», il est important de considérer que le marché n’est finalement qu’un ensemble d’entreprises, et non de facteurs de style. Un regain de domination des actions « value » nécessiterait une accélération de la croissance économique, une hausse des taux d’intérêt et la présence de légères tensions inflationnistes. Cela n’est pas encore le cas, mais des opportunités se mettent en place car les investisseurs deviennent plus prudents.

En ce moment, la Chine est particulièrement intéressante.
OPPORTUNITÉS 

Même si dans l’absolu, les actions en tant que classe d’actifs ne sont peut-être pas aussi attrayantes qu’il y a quelques années, leur attrait relatif reste évident. Comme le souligne notre équipe mondiale de Finance comportementale, la détention d’actions est toujours bien rémunérée en termes réels. Selon nos estimations, les actions offrent une prime de risque élevée dans toutes les régions en termes réels, allant de 4% aux États-Unis à 7% en Europe et au Japon, soit des niveaux honorables par rapport aux moyennes historiques (graphique 2). Cette information est encourageante pour les investisseurs en actions, à l’heure où les rendements des actifs obligataires sont incroyablement faibles et où plus généralement, les marchés financiers subissent d’importantes distorsions causées par la politique monétaire. 

Dans ce contexte, nous identifions de la valeur dans plusieurs segments du marché. En ce moment, la Chine est particulièrement intéressante, car le marché domestique fait du surplace depuis quatre ans sous l’effet du ralentissement de la croissance, et des incertitudes commerciales actuelles. 

Notre équipe dédiée à la Chine souligne la présence d’importants écarts de valorisation sur le marché des actions A (A-shares), ce qui, historiquement, indique que les titres chinois pourraient par la suite enregistrer une progression soutenue. 

Parallèlement, l’Europe est toujours délaissée par les investisseurs en raison des incertitudes politiques (Brexit), économiques (commerce, ralentissement de l’industrie) et structurelles (démographie, réglementation). Pourtant, nous voyons également des aspects positifs. L’offre nette d’actions est devenue négative, car les entreprises européennes commencent enfin à augmenter leurs rachats d’actions, donnant à leur tour l’élan qui a tant soutenu le marché américain ces dix dernières années. 

De plus, les entreprises européennes disposent toujours de leviers pour doper leur rentabilité, à mesure qu’elles rattrapent leurs homologues américaines en matière de gouvernance et de rémunération des dirigeants. Ainsi, moins de 50% des PDG des entreprises européennes ont une rémunération basée sur un indicateur de rendement pour les actionnaires, contre en moyenne 80% aux États-Unis.

Les actions continuent d’offrir une prime de risque attrayante dans toutes les régions

 

Les actions britanniques semblent particulièrement bon marché, avec une décote par rapport à la moyenne mondiale proche de ses plus hauts niveaux historiques. Les risques politiques et économiques sont évidents, mais les inquiétudes sont peut-être exagérées, car la rentabilité de nombreuses entreprises britanniques de premier plan ne dépend pas beaucoup du marché domestique. Et naturellement, tout signe indiquant que l’issue du Brexit pourrait être moins néfaste que prévu serait une aubaine pour les actions britanniques. 

Après les performances exceptionnelles des actions de style «growth» (croissance) aux États-Unis et dans le reste du monde, certains d’entre nous redoutent que le mouvement haussier de ces titres ne soit allé trop loin. Cela pose certains problèmes; notre équipe américaine d’actions de croissance cite notamment la divergence récente entre les performances des actions à forte croissance selon que celles-ci génèrent ou non des bénéfices et des flux de trésorerie. Les entreprises de croissance dotées de marges élevées (ou du moins de bonnes perspectives de rentabilité) et de flux de trésorerie disponibles positifs se révèlent d’excellents investissements, à l’inverse de leurs homologues moins rentables. Ces entreprises de « bonne » croissance sont particulièrement représentées dans l’univers des logiciels, mais également dans d’autres secteurs, comme la consommation cyclique et la santé. Par ailleurs, nos collègues en Europe soulignent qu’en dépit d’une prime élevée, les entreprises européennes qui disposent d’une forte croissance de leur chiffre d’affaires et de leurs bénéfices ne sont pas si chères au regard des indicateurs de qualité et de rentabilité. Autrement dit, le marché actions européen n’effectue pas de distinction selon le niveau de rentabilité des entreprises, ce qui crée d’importantes opportunités pour les investisseurs à long terme. Par conséquent, la sélectivité sera primordiale dans les secteurs de croissance du marché. 

Parmi les introductions en Bourse les plus en vue cette année qui ont soit déçu, soit été annulées, les entreprises à forte intensité capitalistique et non rentables étaient surreprésentées. Le marché opérant plus de distinction entre les titres de « bonne » et de « mauvaise » croissance, discerner ces deux catégories est devenu plus important que jamais.

L’affaiblissement des bénéfices des entreprises et les rumeurs de licenciements
dans certains groupes industriels sont potentiellement inquiétants.
RISQUES 

De notre avis, le principal problème est toujours le même : les tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine (ainsi que le reste du monde) demeurent une menace permanente pour nos perspectives. Certes, une trêve est actuellement en place entre les deux pays, mais notre équipe asiatique estime que la Chine fait preuve d’une résistance inattendue face aux droits de douane américains, ce qui réduit les chances de concessions importantes face à Washington. Il y a maintenant longtemps que la question préoccupe les marchés actions, et pourtant, la moindre escalade du conflit commercial sino-américain créerait un risque pour les bénéfices des entreprises et pour les cours de bourse. 

Plus généralement, nos perspectives sont également à la merci de la possibilité d’une récession économique. Les marchés du travail résistent et la consommation américaine semble vigoureuse. Cependant, l’affaiblissement des bénéfices des entreprises et les rumeurs de licenciements dans certains groupes industriels sont potentiellement inquiétants, tout comme le tassement des chiffres de la production industrielle et, bien sûr, l’inversion de la courbe des taux. 

Enfin, chaque récession est différente et s’accompagne de ses propres risques. Celle de 2008-2009 était visiblement due aux excès du marché immobilier et du levier financier. Cette fois-ci, nous pensons que les investisseurs en actions seraient bien avisés de tenir compte des potentiels impacts du développement des marchés du crédit privé et des flux massifs investis dans des «licornes» non cotées en Bourse.

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