Les small caps reviennent dans la danse

Jean-Christophe Rochat, Banque Heritage

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Un temps boudées dans un contexte macroéconomique défavorable, les petites capitalisations pourraient effectuer un retour remarqué sur fond de reflation.

Les signaux économiques actuels laissent entrevoir une année 2024 prometteuse pour les États-Unis, avec une croissance attendue proche de son potentiel, soit environ 2%. Cette performance est soutenue par la résilience conjoncturelle et la robustesse de l'emploi, défiant ainsi les attentes initiales. En parallèle, le rebond de l'inflation, bien que moins vertueux, est alimenté par une demande persistante, en partie grâce à la hausse des salaires réels.

L'économie américaine semble avoir évolué vers un nouveau régime post-pandémie, caractérisée par une moindre sensibilité aux taux d'intérêt. Les ménages sont protégés par des financements hypothécaires à taux fixe sur des échéances à très long terme, tandis que les entreprises ont su profiter de conditions de refinancement avantageuses entre 2000 et 2022. A ce jour, elles semblent résister à la hausse des taux, accumulant même des revenus de trésorerie substantiels.

Cependant, l'idée que la rigueur monétaire de la Réserve fédérale (Fed) puisse stimuler la demande privée fait débat et alimente des théories économiques surprenantes. Si l'effet paradoxal à court terme est indéniable, sa pérennité reste sujette à débat. Le rebond des PMI manufacturiers, notamment en Europe, au-dessus du seuil de 50, ravive le thème des «green shoots» et de la reflation. Ce changement est également visible dans le leadership des marchés boursiers, avec un regain d'intérêt pour les secteurs cycliques et les matières premières, soutenu par l'amélioration progressive des données conjoncturelles chinoises.

Bien que l'Europe soit en retard, elle devrait bénéficier d'un assouplissement de sa politique monétaire prévu pour juin.

Par ailleurs, une tendance curieuse émerge en Chine où le pays commence à accumuler d'importantes réserves de cuivre, stimulant ainsi les métaux industriels. Bien que l'Europe soit en retard, elle devrait également bénéficier d'un assouplissement de sa politique monétaire prévu pour juin, ce qui pourrait améliorer ses performances économiques au second semestre.

Pour l'instant, les small caps, connaissent une légère amélioration mais n’ont pas encore participé pleinement à cette dynamique haussière. Il est donc légitime de se demander s’il s’agit simplement d'une question de temps avant qu'elles ne rejoignent le feu d'artifice économique en cours.

Des profils hétéroclites

Le secteur boursier des small caps se distingue par sa diversité, tant sur le plan géographique que sectoriel. Aux Etats-Unis, ces entreprises ont souvent un fort ancrage domestique, tandis qu'en Europe, elles dépendent davantage des ventes à l'international. Par exemple, environ un tiers des sociétés composant l'indice Russell 2000 sont des acteurs des sciences de la vie ou de la technologie, souvent en phase de développement et peu rentables.

Leur point commun est leur potentiel de croissance et leur volatilité élevée, résultant souvent d’une taille réduite et d’un modèle d'affaires moins établi. Leur capacité à innover et à s'adapter rapidement aux changements du marché est souvent saluée. Cependant, leur accès limité aux marchés de capitaux les rend plus dépendantes d'un financement court terme, principalement bancaire, les exposant à une fragilité accrue en cas de chocs économiques ou financiers. Sur le plan boursier, les small caps souffrent généralement d'une liquidité plus faible et parfois de la présence d'actionnaires-fondateurs ou de cadres dirigeants influents, ce qui peut compliquer la prise de décision pour les investisseurs.

Le risque de récession s’estompe aux Etats-Unis, où les largesses budgétaires se poursuivront à l’approche des élections.

Néanmoins, plusieurs facteurs jouent actuellement en faveur de ce segment du marché. Leur exposition relativement faible aux risques monétaires et géopolitiques, leur valorisation attractive, leur sensibilité à la reprise économique, ainsi que le manque d’analyse financière qui leur est dédiée. Aux Etats-Unis, on estime que le nombre moyen d'analystes qui se concentrent sur les small caps est 70 à 80% inférieur à celui des grandes capitalisations. Ce déficit crée des opportunités et des inefficiences à moyen terme.

La fin d’une longue traversée du désert?

La pandémie a mis à rude épreuve le tissu économique en général et plus particulièrement les sociétés de taille relativement plus petite. La concentration de l’intérêt des investisseurs pour les méga-caps atteint même des sommets depuis quelques trimestres. Mais l’histoire boursière enseigne que les small caps ont souvent enregistré une surperformance ininterrompue et massive lors de certaines périodes, comme de 1972 à 1982, de 1989 à 1993, et de 1998 à 2005. Lorsqu’ils se produisent, les retournements cycliques favorables aux small caps s’inscrivent dans la durée.

D’après les analyses de Furey Research Partners le déclencheur est souvent la fin de l’euphorie pour un méga-thème, provoquant le déclin de certains «mammouths» boursiers. En 1973, des entreprises telles qu'Exxon, ATT, Kodak et GM ont connu des revers, tout comme Intel, Cisco et GE en 2000. De même, en 2020, la pression sur des géants comme Amazon, Apple, Facebook et Google a temporairement stimulé le segment des small caps. Etait-ce un premier avertissement qui pourrait bientôt se confirmer?

Le risque de récession s’estompe aux Etats-Unis, où les largesses budgétaires se poursuivront à l’approche des élections. Avec l’amélioration récente des PMI manufacturiers mondiaux, les meilleurs chiffres conjoncturels chinois et le rebond des matières premières, y compris des métaux industriels, les marchés commencent à anticiper une période de reflation.

Les experts estiment que la croissance des bénéfices des small caps devrait être deux fois supérieure à celle des grandes capitalisations en 2024. Selon Russell, le ratio entre la valeur d'entreprise et le bénéfice avant intérêts et impôts (EV/EBIT) des small caps (hors sociétés déficitaires) montre une décote historique de 25% par rapport aux large caps, un niveau record depuis la fin des années 1990, juste avant leur rattrapage. L’amélioration des conditions-cadres semble donc se mettre en place pour les small caps, un segment de marché encore délaissé et abordable. On peut donc commencer à s’y intéresser (à nouveau), avec une bonne diversification géographique et, de préférence, au travers de véhicules d’investissement permettant une gestion dynamique.

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