Les obligations suisses ont réalisé la meilleure performance mondiale depuis 1900

Yves Hulmann

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Pour les actions, les Etats-Unis restent de loin en tête avec un rendement réel moyen de 6,5% par an, relève le Global Investment Returns Yearbook d’UBS.

La plupart des sites d’informations boursières indiquent généralement les performances réalisées par les marchés pour des durées qui vont de quelques mois à quelques années, mais rarement au-delà de dix ans. C’est tout le contraire de l’approche retenue par les auteurs du «Global Investment Returns Yearbook 2024» publié mercredi par UBS. Le rapport compare les performances réalisées par différentes classes d’actifs en remontant sur une période qui remonte jusqu’au début du XXe siècle. Des données portant sur 23 marchés développés, dont la Suisse, ont été analysées jusqu’à 1900, alors que 12 autres marchés sont venus s’y ajouter au cours du XXe siècle, complétés ensuite par 55 marchés supplémentaires à partir des années 1980. Parmi les aspects qui ressortent de cette étude globale supervisée par les professeurs Paul Marsh et Mike Staunton de la London Business School, il ressort, sans réelle surprise, que les placements en actions tendent surperformer ceux des obligations, même si des différences importantes apparaissent entre les emprunts d’Etat, tels que les bons du Trésor aux Etats-Unis, et les obligations d’entreprises.

Les Etats-Unis ont été le marché le plus attractif pour les actions depuis 1900…

Entre 1900 et 2023, les rendements annuels réels en dollars aux Etats-Unis ont atteint 6,5% par an pour les actions, soit environ quatre fois plus qu’avec des placements dans les obligations américaines (1,7% par an) et encore nettement davantage qu’avec les bons du Trésor (0,5%). Les marchés actions de l’Australie et du Danemark occupent le deuxième et le troisième rang. «Les placements en actions américaines ont été de loin ceux qui ont obtenu le meilleur succès à long terme sur le plan mondial», observe Paul Marsh qui a commenté les résultats mercredi lors d’une vidéo-conférence. En comparaison, le rendement réel pour les actions mondiales a été de 5,1% par an pour les actions, ce qui correspond à une prime historique de 3,3% par rapport aux rendements obtenus avec les obligations. Paul Marsh souligner ainsi l’importance de rester investi à long terme avec actions. L’occasion pour le professeur de reprendre une citation de l’investisseur Charlie Munger: on gagne beaucoup d’argent ni en achetant, ni en vendant mais en sachant attendre.

… alors que la Suisse a offert les meilleurs rendements pour les obligations

En Suisse, le rendement annuel moyen réel en dollars obtenu avec les actions a été identique à celui la médiane mondiale, soit 4,5% par an depuis 1900. Les vingt dernières années (2004 à 2023) ont toutefois été plus favorables pour les actions helvétiques qui ont généré une performance annuelle moyenne de 6,2%. En comparaison, les obligations helvétiques ont, elles, réalisé depuis 1900 la meilleure performance moyenne mondiale avec 2,8% (2,1% par an de hausse en monnaies locales durant la même période, soit la deuxième meilleure performance moyenne au monde). Les emprunts d’Etat ont, eux, été nettement moins attrayants avec un rendement annuel moyen de 0,6% depuis 1900.

La concentration du marché autour de quelques titres est la plus forte en Suisse

Peu de sujets ont fait l’objet d’autant d’attention depuis l’an dernier que la très forte concentration de la performance des marchés des actions aux Etats-Unis autour d’une poignée d’actions appelées les «sept magnifiques». Ici aussi, la comparaison avec les autres marchés des actions les plus importants apporte un éclairage utile. Aux Etats-Unis, les 10 plus grands titres représentent 25% de la capitalisation boursière totale. C’est un peu plus que la proportion observée au Japon (21%) mais nettement moins que ce n’est le cas parmi les douze autres marchés des actions les plus importants. Ainsi, en Suisse, les 10 sociétés cotées les plus importantes représentent 72% du total du marché des actions, alors que cette proportion s’élève par exemple à 57% en Allemagne et à 56% en France. Enfin, l’étude souligne aussi que parmi les plus grandes capitalisations actuelles sont constituées par des entreprises actives dans des secteurs qui étaient encore quasi inexistants ou n’avaient qu’une importance marginale il y a moins d’un demi-siècle. «Il ne faut jamais oublier que sur la durée, les petites capitalisations finissent souvent par battre les grandes capitalisations», observe le professeur.

Les récentes corrections boursières ont été rapidement effacées

Une partie de l’étude d’UBS est consacrée à la fréquence des corrections boursières, à leur ampleur mais aussi au temps nécessaire pour qu’elles soient à nouveau compensées. A cet égard, Paul Marsh observe que les dernières corrections boursières de grande ampleur ont été suivies de phases de rebond rapides en comparaison historique. En effet, alors qu’il avait fallu 15 ans et demi à la bourse américaine pour retrouver son niveau d’avant le crash de Wall Street de 1929 (chute de -79% au plus bas) et 10,3 ans pour effacer les pertes subies lors du choc pétrolier du milieu des années 1970 (-56% de baisse), les marchés ont su rebondir beaucoup plus rapidement lors des dernières corrections boursières. Ainsi, les pertes survenues suite à l’éclatement de la bulle des valeurs Internet («Dotcom») au début des années 2000 (-49%) ont été compensées en 7 ans et demi, alors que celles de la crise financière globale ou «GFC» (-56%) l’ont été en 5,3 ans. Enfin, la chute des cours de 35% survenue suite à la pandémie de Covid-19 a été effacée en l’espace de seulement six mois. «Le temps nécessaire pour que les marchés rebondissent tend à se raccourcir», observe Paul Marsh. Pour autant, avertit le professeur, il est vraisemblable que l’on assiste à nouveau périodiquement à des contractions importantes des marchés boursiers également à l’avenir.

L’occasion pour les auteurs de l’étude de souligner que les marchés obligataires n’ont rien à envier aux actions en matière de durée des corrections boursières. En effet, alors que la période de rendements négatifs en termes réels la plus longue observée depuis 1900 a été de 16 ans aux Etats-Unis pour les actions, elle a même atteint 82 ans s’agissant des obligations. En Suisse, la période de rendement négatif la plus longue pour les actions a été de 25 ans, comparé à 38 ans pour les obligations.

Une forte croissance économique ne garantit pas des rendements élevés pour les actions

A un moment où beaucoup d’experts s’interrogent sur les conséquences sur les marchés d’un ralentissement économique ou un scénario de récession en cours d’année, le rapport constate aussi qu’il n’y a pas nécessairement un lien direct entre croissance économique et performance des marchés des actions. A titre d’exemple, la croissance du PIB par habitant en termes réels a atteint en moyenne 7,8% par an en Chine continentale depuis 1992, comparé à seulement 1,5% par année aux Etats-Unis. Or, le rendement des actions en termes réels en dollars n’a atteint en moyenne que 3,1% par an en Chine sur la même période, comparé à 7,1% par année aux Etats-Unis.

A la question de savoir dans quelle mesure les périodes de hausse ou de baisse des taux d’intérêt profitent ou non aux marchés des actions, le professeur observe qu’il y a clairement un lien entre la performance des marchés et l’évolution des taux. Les cycles d’assouplissement des taux ont généralement permis d’obtenir les meilleurs rendements avec les actions. Au Royaume-Uni, toutes les périodes où des primes ont été obtenues avec les actions sont même survenues lors de phases de baisses des taux. Pour autant, nuance Paul Marsh, il serait un peu simpliste de conclure que du fait qu’une baisse des taux est attendue pour les prochains moins, il faut forcément s’attendre à une performance positive des marchés pour le reste de l’année. «Il faut aussi tenir compte du fait qu’une large partie de la baisse des taux a déjà été anticipée par les marchés», met-il en perspective.

Des écarts de rendement marqués en fonction des générations

Y a-t-il eu des périodes où les marchés ont davantage profité aux personnes faisant partie d’une génération donnée plutôt qu’à d’autres? Si l’étude confirme que la génération dite des «Baby Boomers», née à partir des années 1950, a bel et bien bénéficié des meilleurs rendements pour les actions (6,8% par an en termes réels en moyenne), cela a moins été le cas pour les obligations (3% de rendement annuel réel par an). Le contraste a été moins marqué entre les deux classes d’actifs pour la «Génération X», née dans les année 1970, avec respectivement un rendement annuel réel moyen de 5,4% pour les actions et de 4% pour les obligations. Pour les «Millenials» nés dans les années 1990, l’écart entre les catégories s’est encore resserré avec 4,5% pour les actions et 4,2% pour les obligations.

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