Les marchés actions globaux sont-ils complaisants?

Pierre Mouton, NS Partners

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Si les pessimistes s’inquiètent face aux niveaux des bourses mondiales, leurs fondamentaux restent plutôt solides.

Impossible de ne pas entendre les Cassandre chroniques nous expliquer que les marchés actions globaux montrent depuis quelques mois une polarisation et une complaisance malsaines et dangereuses.

Et force est de reconnaître que nombreux sont les signes qui en attestent. En effet, l’année 2023 a été marquée par l’exceptionnelle performance des désormais célèbres «Magnificent Seven» (Microsoft, Amazon, Apple, Nvidia, Meta, Alphabet et Tesla), qui ont emmené l’ensemble des grands indices globaux à la hausse et a laissé un goût amer aux stock-pickers, dans l’impossibilité, pour la plupart d’entre eux, de suivre le rythme infernal mené par ces grands leaders. Rappelons qu’ils ont à eux seuls contribué à près des trois-quarts de la performance d’un indice aussi large que le MSCI World qui compte près de 1'500 constituants répartis dans 23 pays.

Toutes ces entreprises sont listées aux États-Unis, ce qui signifie que cette polarisation fut d’autant plus marquée au sein de l’indice S&P 500, à la différence des indices européens qui, en 2023, ont connu une année plus «normale» en termes de participation à la hausse, que ce soit au niveau des compagnies ou au niveau des secteurs.

L’année 2024 a commencé sur des bases similaires. Toutefois, les «Magnificent Seven» n’existent désormais plus, car trois d’entre eux ont calé, à savoir Apple, Tesla et Alphabet, les quatre restants répondant dorénavant au sobriquet de «Fabulous Four». Mais sur le Vieux Continent, à la différence de l’année dernière, la polarisation a pris le dessus, avec ASML, Novo Nordisk, SAP, LVMH et Hermès expliquant l’immense majorité des gains du Stoxx 600.

Il est de coutume de dire que les marchés s’exposent dangereusement si seuls les généraux avancent, alors que les troupes restent en retrait. Que penser alors de la situation actuelle et les Cassandre ont-ils raison de s’inquiéter?

La réponse générale est «Oui», mais il convient d’y apporter quelques nuances.

Oui, car cette situation n’est pas tenable dans le temps. Sans une participation plus large à la hausse, les probabilités de connaître une correction sont élevées, car le marché deviendrait extrêmement vulnérable à une mauvaise nouvelle sur un nombre très limité d’actions, qui en plus se traitent à des niveaux de valorisation exigeants ne laissant pas beaucoup de place à la moindre déception.

Les nuances à souligner sont que tout d’abord nous vivons un «bull market» solide, essentiellement porté par la digitalisation et l’efficience énergétique, dont les investissements sous-jacents sont considérables et permettent aux marchés, et donc à leurs leaders, de revenir obstinément vers les plus hauts historiques contre vents et marées. Ces quelques dernières années l’ont prouvé, avec des chutes significatives des indices globaux en 2018, 2020 et 2022, qui n’ont pas arrêté la marche en avant des actions globales.

Par ailleurs, certains de ces grands leaders bénéficient de positions dominantes et sont de formidables machines à profits et à cash-flows (en particulier Microsoft, Apple, Meta, Alphabet). Peu de faits objectifs conduisent à penser qu’il pourrait en être autrement dans les années à venir. Notons également que ces profits et ces cash-flows permettent d’investir considérablement pour la croissance interne et externe, ce qui marque une différence importante par rapport à ce qui prévalait en l’an 2000 par exemple.

Enfin, tant que le marché est haussier, l’essor inarrêtable de la gestion passive favorise les plus grandes capitalisations. Acheter un ETF sur le MSCI World signifie acheter beaucoup plus de Microsoft ou d’Apple que d’UBS ou de Roche.

La polarisation extrême que nous connaissons peut toutefois se corriger de plusieurs manières:

  • Une baisse marquée des marchés, qui impacterait plus les grands leaders que les autres
  • Un changement de leadership, avec d’autres actions dans des secteurs différents prenant le relais
  • Un rééquilibrage, avec une stagnation des principaux composants des indices combinée à un rattrapage, même partiel, des capitalisations moins importantes

Ces observations amènent à constater qu’en effet, les marchés sont plus fragiles à court terme qu’ils ne l’étaient il y a encore 2 ou 3 ans; mais dans la mesure où les fondamentaux du bull market que nous vivons ne sont pas remis en cause, l’investissement actions doit être privilégié. Avec cette nuance qu’il est certainement plus prudent aujourd’hui d’avoir une approche bien équilibrée en termes de secteurs et de porter une attention toute particulière aux valorisations. En effet, les niveaux de taux d’intérêts et d’inflation actuels impacteraient de manière plus marquée les actions les plus chères en cas de correction, à l’image de l’année 2022.

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